"Ne renvoyez pas le plat sous prétexte que ce n'est que de
la nourriture. Cette chose bénie est à elle seule toute une civilisation."
( Abdulhak Sinasi ).
Cette phrase résume en quelques mots la quintessence même de
la cuisine turque qui passe pour être la troisième gastronomie du monde après
la France et la Chine.
Pour les voyageurs passionnés des travaux culinaires, la
cuisine turque est très insolite et la variété des plats qui la composent
offre une telle richesse qu'on peut passer toute sa vie à l'étudier et à la
goûter.
Si certaines cuisines du monde s'articulent autour d'un
produit de base ( pommes de terre, riz, pâtes... ) auquel viennent s'ajouter
divers autres ingrédients, aucune dominante n'émerge de la cuisine turque.
La Turquie est réputée pour l'abondance et la variété de
ses denrées alimentaires qu'elle doit tant à la richesse de sa flore et de sa
faune qu'à la diversité de ses régions.
Un facteur déterminant trop souvent oublié pourrait se résumer
dans ce qu'on appellerait "le legs de la cuisine impériale".
Combien de centaines de cuisiniers spécialisés dans différents
types de plats se sont empressés, au fil des règnes, de satisfaire le goût du
souverain en inventant une gastronomie de plus en plus élaborée et toujours
plus sophistiquée ?
Tout comme en France et en Chine, ces hommes de l'art du goût
ont construit recette après recette ce qui devait faire l'identité culinaire
de la Turquie que nous connaissons aujourd'hui.
En outre, la cuisine turque possède le privilège de se
trouver au carrefour de l'Orient et de l'Occident et elle reflète la longue
et complexe histoire des Turcs qui, partis des steppes de l'Asie centrale où
ils se mèlent aux Chinois, migrent vers l'Europe exerçant leur influence jusqu'à Vienne.
Les plus anciens documents historiques révèlent que la
structure de base de la cuisine turque est déjà en place à l'époque nomade
et dans les premiers états turcs sédentaires d'Asie.
Ainsi, au fil des siècles et des déplacements, les femmes
turques mettent au point une cuisine inventive et riche en adaptant leurs
recettes aux circonstances et aux lieux.
De plus, entre les XVe et XXe siècles, leur cuisine se trouve
influencée par celles des pays conquis par l'Empire ottoman.
La cuisine turque est avant tout basée sur la fraîcheur et
la pluralité des produits.
C'est en grande partie la diversité climatique qui permet à
la Turquie une auto-suffisance alimentaire répondant à l'évolution
permanente de sa cuisine .
Chacune des régions a naturellement ses spécificités
culinaires, néanmoins on retrouve des similitudes sur l'ensemble du
territoire national.
Marché aux légumes à Konya
Dans la région de Marmara, l'alimentation est extrêmement
variée, avec une prédominance de fruits et légumes, de la viande et du
poisson.
Plus au sud, dans la région égéenne, les légumes, les
herbes, les fruits, les fruits de mer et l'huile d'olive sont omniprésents.
L'Anatolie centrale et le Sud-Est, sont renommés pour leurs
viandes qu'on consomme en plus grande quantité que dans le reste du
pays. On les cuisine toujours de façon traditionnelle.
En outre, on préfère les céréales: riz et boulgour
(blé concassé) aux légumes. Cette cuisine est généralement fortement
épicée.
L'Est qui présente un climat particulièrement rude se
reconnaît dans sa cuisine. Les produits laitiers (beurre, lait, fromages,
yaourt) les céréales et les plantes sauvages forment l'essentiel des plats.
Enfin, la région de la Mer Noire, se caractérise par la prédominance
du maïs, de l'anchois, du chou et des haricots.
Istanbul est le centre de ce puzzle gastronomique .
La cuisine qui s'y est constituée au cours des siècles présente
tous les caractères du cosmopolitisme de la cité.
Toutes les influences turques, grecques, arméniennes, juives,
franques, arabes, russes, kurdes, caucasiennes y sont représentées
Mais le pain est l'aliment essentiel. Il est la nourriture
divine par excellence.
Divers pains turcs
Cultivant le blé qu'ils utilisent abondamment, les Turcs
fabriquent de nombreuses variétés de pains levés ou non qu'ils cuisent dans
des fours de brique, sur une large pierre chauffée ou sous la braise.
Après le pain, les spécialités à base de pâtes occupent
une place prépondérante tels les Manti, sorte de ravioli fourrés à la viande
ou aux légumes.
Manti à la tomate
Puis viennent les kebabs et les
plats en sauce dans lesquels la viande choisie, hachée ou non, est
avantageusement mariée aux légumes que lie une sauce à base d'oignon, de
tomate ou de yaourt.
Incontournable
Sis Kebabi
Hünkar
Begendi ( sauté d'agneau à la purée d¹aubergines )
Le bôrek est un plat réservé aux grandes occasions car il
exige beaucoup de patience et d'habileté pour sa réalisation.
De fines feuilles de pâte de préférence roulées à la main
sont fourrées de mélanges de fromage ou de viande puis pliées afin de leur
donner diverses formes puis dorées au four ou dans la friture.
Chaque famille possède ses spécialités de börek et se
transmet de mère en fille les petits secrets de fabrication.
Börek
Lorsque les légumes sont cuits avec la viande, l'huile d'olive
est généralement utilisée pour la cuisson puis la sauce est ralongée en fin
de préparation avec un peu d'eau chaude.
La sauce n'est jamais servie à part du plat, elle en fait
partie intégrante.
Les légumes bouillis à l'eau sont généralement servis à
part de la viande.
L'huile d'olive est un des éléments fondamentaux de la
cuisine méditerranéenne et par conséquent de la cuisine turque.
Elle sert tant aux fritures qu'à l'assaisonnement des plats
servis crus.
L'oignon est présent dans tous les repas, il est tantôt
cuit, fondu dans la préparation, tantôt cru, haché au milieu des autres
composants du plat.
De son côté, l'aubergine qui, en France est presque
uniquement
utilisée dans la confection de la ratatouille, trouve une place particulièrement
privilégiée dans la gastronomie turque puisqu'elle entre dans la réalisation
de plus de 40 plats différents tant la douceur de son goût et le velouté de
sa chair sont appréciés.
Epices au marché égyptien d'Istanbul
Herbes et épices sont utilisées en grande quantité et bien
que le choix soit relativement important, le persil, la menthe, l'herbe de
"dere otu" le piment et le paprika sont les ingrédients les plus souvent utilisés.
Les fruits, frais ou secs, se retrouvent souvent dans les préparations
auxquelles ils ajoutent de nouvelles saveurs.
Le yogurt tient aussi une place d'honneur dans la cuisine
turque et on le retrouve pur, mélangé à de l'ail ou en composition des
sauces et des préparations.
"Perde" - plat de riz
Enfin, il serait injuste d'oublier le bulgur, blé concassé
et le pilav, riz assaisonné de raisins secs qui accompagnent les boulettes, les
soupes et les repas de légumes.
Jouant avec attention sur les saveurs de chaque ingrédient,
le sel n'est utilisé qu'avec parcimonie, laissant ainsi leur parfum s'exhaler
au maximum.