Extraits du livre de Grigori
TOMSKI, L'UNESCO et les ONG, Editions du JIPTO, 2005
:
"LAMSA et le
projet de lAMPA
Daprès ma description
de poste à lUNESCO jai dû «en
liaison avec les Secteurs de léducation, des sciences,
des sciences sociales et de la cultures :
- contribuer à lélaboration des programmes
de lAcadémie du Forum Nordique et les coordonner
avec les activités de lUNESCO ;
- suivre les activités de la Décennie internationale
des peuples autochtones dans le domaine de compétence
de lUNESCO. »
Afin de faciliter ces tâches, en 1994, jai organisé
lAssociation mondiale des scientifiques autochtones.
Notons que les peuples autochtones se distinguent de la notion
traditionnelle de minorité par deux traits essentiels:
- les populations concernées sont descendants des habitants
dorigine dune région considérée;
- elles se caractérisent par un rapport particulier avec
les territoires sur lesquels elles vivent, se considérant
comme les propriétaires légitimes de ces territoires
et des ressources naturelles qui sy trouvent.
On estime quil y a 300 millions dautochtones dans
le monde, répartis dans plus de 70 pays. Dans certains
pays, comme le Pérou et le Guatemala, à peu prés
la moitié de la population est composée dautochtones.
La première initiative dimportance réelle
en faveur des peuples autochtones de la part de lONU a
été prise par lOrganisation Internationale
du Travail (OIT) avec la réalisation, en 1953, dune
étude sur les problèmes affectant les peuples autochtones
et ladoption en 1957, de la Convention N 107 visant à
protéger les droits des populations autochtones et tribales.
Cependant, linsuffisance
de ces mesures a obligé le OIT à réviser
cette convention. En 1989, lOIT a adopté la Convention
N 169 afin de promouvoir la concertation entre les gouvernements
et leurs populations autochtones. Ce texte sattaque aussi
au problème des droits collectifs et individuels de propriété
du sol et des ressources naturelles situées dans les territoires
traditionnels de ces populations.
En 1971, la Sous-Commission de la lutte contre les mesures discriminatoires
et de la protection des minorités des Nations Unies a
proposé une étude densemble sur les pratiques
discriminatoires à légard des populations
autochtones. La réponse globalement positive qua
reçue cette étude a encouragé le Conseil
économique et social de lONU à autoriser
la création dun organisme spécialisé
chargé de préparer un projet de Déclaration
des droits des peuples autochtones.
En 1982, le Groupe de travail
sur les populations autochtones a été ainsi créé
pour élaborer une déclaration universelle sur les
droits des peuples autochtones et réviser les politiques
des gouvernements en matière de promotion et de protection
de leurs droits. Placé sous lautorité de
la Présidente-Rapporteur, Mme Erica-Irène Daes,
il compte parmi les principales instances de lONU qui sont
actives dans le domaine des droits de lhomme. Les réunions
annuelles de ce Groupe, qui compte cinq membres, sont ouvertes
aux représentants des peuples autochtones et de leurs
organisations faisant de cette assemblée lune des
plus grandes manifestations en faveur des droits de lhomme
qui aient jamais eu lieu aux Nations Unies. Afin de faciliter
une plus large participation des représentants autochtones
à ces sessions, lAssemblée générale
a créé en 1985 le Fonds de contributions volontaires
pour les populations autochtones.
En décembre 1990, lAssemblée générale
des Nations Unies a proclamé 1993: Année internationale
des populations autochtones (la résolution 45/164) et,
en décembre 1993, elle a proclamé la Décennie
internationale des populations autochtones (la résolution
48/163) à partir du 10 décembre 1994 qui doit «renforcer
la coopération internationale aux fins de résoudre
les problèmes qui se posent aux communautés autochtones
dans des domaines tels que les droits de lhomme, lenvironnement,
le développement, léducation et la santé».
On compte aujourdhui
près de 450.000 sakhas (yakoutes), 15.000 evenks, 10.000
evens, 1.000 youkaguirs et 600 tchouktches. La population non
autochtone est constituée en majorité par une main
doeuvre temporaire concentrée principalement dans
les villes et les centres miniers.
La culture traditionnelle sakha a synthétisé ses
racines turques et arctiques et sest incarnée dans
sa philosophie qui privilégie lidée de lhomme
en harmonie avec son patrimoine naturel, et dans le culte de
la nature. Le peuple sakha occupe une place dhonneur dans
la Fédération de Russie grâce à son
niveau dinstruction élevé. En effet, près
de 10 000 autochtones poursuivent des études supérieures
à lUniversité de Yakoutsk, à lInstitut
dAgriculture, à lInstitut de Médecine,
ainsi quà lextérieur de la république.
La ville de Yakoutsk est lun des centres scientifiques
et culturels les plus importants de la Sibérie.
La République Sakha dispose de plusieurs instituts de
recherche scientifique. Les plus importants sont les suivants:
- lInstitut de lettres, langues et histoire ;
- lInstitut chargé des problèmes des minorités
autochtones du Grand Nord ;
- lInstitut chargé des problèmes physiques
et technologiques du Nord;
- lInstitut de lindustrie minière du Nord
;
- lInstitut du développement économique du
Nord ;
- lInstitut de géologie ;
- lInstitut de physique cosmique ;
- lInstitut de biologie ;
- lInstitut chargé de lécologie du
Grand Nord, etc.
Dans le but de contribuer à la coopération scientifique
internationale et de coordonner leurs activités, lensemble
des établissements scientifiques et denseignement
supérieurs de la Yakoutie ont fondé en 1992, le
Centre international pour le développement des territoires
du Grand Nord (CIN).
Il existe un Réseau
des scientifiques finno-ougriens qui comprend les spécialistes
des peuples finno-ougriens dont les représentants de plusieurs
peuples autochtones du Grand Nord (Saamis, Mansis, Khantys, Nénéens,
Komis etc). Dans les activités du réseau participent
également des chercheurs finlandais et hongrois.
Les recommandations des membres
du réseau sont utilisées par le Comité Consultatif
des Peuples Finno-Ougriens, dont le siège se trouve à
Syktyvkar, capital de la République de Komis. Cest
une des plus grandes républiques de la Fédération
de Russie avec un potentiel scientifique considérable.
Après ladoption
en 1971 de lAlaska Native Claims Settelment Act (ANSA)
les spécialistes autochtones ont commencé àjouer
un rôle de plus en plus important dans la vie de lEtat
dAlaska. Dès 1973 existe sous légide
de lUniversité dAlaska Fairbanks (UAF) le
centre de promotion des activités culturelles, sociales,
politiques et scientifiques des autochtones dAlaska - Alaska
Native Human Resource Development Program (ANHRDP).
Les scientifiques de lANHRDP mènent des recherches
concernant la population autochtone dAlaska en collaboration
avec plusieurs institutions scientifiques régionales,
nationales et internationales. La construction du pont entre
la science moderne et les connaissances traditionnelles de la
population autochtones se trouve au centre de leurs efforts.
Afin de coordonner leurs activités
les organisations des populations autochtones de 9 pays de lAmériques
Latine ont créé la Coordinadora de organisaciones
indigenas de la cuenca Amazonia (COICA).
Ces exemples nous ont montré
que les peuples autochtones possèdaient un potentiel intellectuel
et scientifique qui mérite dêtre souligné.
Les spécialistes autochtones peuvaient et veulaient sexprimer
eux-mêmes. Pour faciliter la mise à disposition
des experts autochtones aux organisations intéressées,
les participants autochtones à la 12ème session
du Groupe de travail de lONU sur les populations autochtones
(Genève, juillet 1994) ont convenu de créer leur
propre association qui réunira des réseaux régionaux
de scientifiques autochtones. Les statuts figurant ci-après
ont été discutés au cours de plusieurs réunions
des experts autochtones." (p. 92-96)
"Lassemblée
constitutive de cette association qui sest tenue le 29
août 1994 à Genève a nommé:
Le Prof. Grigori V. Tomski, Président de lAMSA
Dr Alexandre A. Popov, Coordinateur du Réseau des scientifiques
finno-ougriens, Secrétaire Général
Prof. Revo M. SKRYABIN (Président du CIN), Vice-Président
Gordon PULLAR (Coordinateur du Programme du développement
des ressources humaines des autochtones dAlaska), Vice-Président
Valerio GREFA (Coordinateur du Réseau des Spécialistes
autochtones de lAmazonie), Vice-Président.
LAMSA a été enregistrée comme association
régie par la loi française de 1901. Jai informé
les dirigeants de lUNESCO de la création de cette
association et de ces projets.
Lannée suivante,
en 1995, LUNESCO a organisé en son siège
à la Deuxième assemblée autochtone pour
la Paix. Le Coordonnateur de la Décennie internationale
des populations autochtones Ibrahima Fall, Sous-Sécretaire
général aux droits de lhomme de lONU,
a souligné dans son discours :
« Quant à la promotion du développement et
à la protection de lenvironnement des populations
autochtones, qui ont occupé une place centrale dans le
programme de lAnnée internationale des populations
autochtones que jai eu lhonneur de coordonner au
cours de lannée 1993, avec le concours de Madame
Rigoberta Menchù Tum, en sa qualité dAmbassadeur
de bonne volonté des Nations Unies, elles seront également
au coeur des actions à mener tout au long de la Décennie
des populations autochtones. Il sagira, notamment, de mettre
en oeuvre des projets et activités dautodéveloppement,
initiés et exécutés par les populations
autochtones elles-mêmes, dans le cadre de programmes nationaux
et régionaux...
Cest lévidence: la promotion du développement
des populations autochtones passe aussi par lenseignement
et la formation, où des efforts importants devraient être
faits pour relever les défis de lillettrisme, de
lanalphabétisme, de la formation, notamment des
jeunes et des enfants, et de leur insertion dans les système
éducatifs nationaux, une insertion qui doit être,
en même temps, harmonieuse et respectueuse des cultures
et traditions autochtones...
Autre question importante sur laquelle les conclusions de vos
travaux sont attendus: laménagement dun Forum
permanent pour les populations autochtones, demandé par
la Conférence mondiale sur les droits de lhomme,
et dont lAssemblée Générale de lONU
a fait lun des volets de la Décennie internationale
des populations autochtones. »
Le projet de ce Forum permanent
(Instance permanente pour les populations autochtones dans le
système des Nations Unies, Document E/CN.4/Sub.2/AC.4/1994/11,
ONU, Conseil Economique et Social, 1994., p. 3) précisait
quil pourrait donner aux peuples autochtones loccasion
de :
1. Prendre part à ladoption des décisions
dans le système des Nations Unies; 2. Conseiller les organes
et institutions appropriés du système des Nations
Unies au sujet des questions qui la concernent, notamment dans
les domaines du développement, de la santé, de
lenvironnement et de la culture; 3. Communiquer des informations
sur les violations des droits de lhomme en vue dappeler
sur ce point lattention des organes et des mécanismes
appropriés et de les inciter à prendre des mesures,
comprenant éventuellement le contrôle de la mise
en oeuvre de la Déclaration sur les droits des peuples
autochtones; 4. Etablir un dialogue avec les Etats et mener des
recherches et dautres activités dintérêt
mutuel.
Il est de toute évidence souhaitable que linstance
permanente soit un organe efficace qui contribue à apporter
des améliorations pratiques tangibles au bien-être
des peuples autochtones. Il nest pas dans lintérêt
des gouvernements, des peuples autochtones ou du Secrétariat
de lONU détablir une instance dont les recommandations
resteraient lettre morte et dont les décisions ne seraient
pas réalisables faute de ressources ou de consensus de
la part des partenaires principaux (Instance permanente pour
les populations autochtones dans le système des Nations
Unies, p. 4).
Le Groupe de travail de lONU
pour les populations autochtones, a été autorisé
à examiner lévolution des normes ainsi que
les faits nouveaux se rapportant aux droits de lhomme dans
le cas des peuples autochtones. Depuis sa création, lordre
du jour du Groupe de travail a évolué et sest
considérablement élargi. Ses conseils ont été
de plus en plus recherchés par les organes dont il relève,
tels que la Commission des droits de lhomme et lAssemblée
générale. Il a été nécessaire
dexaminer avec soin la répartition future des tâches
entre Groupe de travail et instance permanente.
Le Groupe de travail entretenait les relations opérationnelles
avec un grand nombre des ONG des peuples autochtones (List of
Indigenous Organisations, Document E/CN.4/Sub.2/AC.4/1994/CRP.1,
ONU, 1994.) :
- Indigenous World Association,
- World Council of Indigenous Peoples,
- Alaska Native Human Resource Development Program,
- Inuit Circompolar Conference,
- Saami Parliament,
- Fondation Rigoberta Menchu,
- Native Council of Canada,
- International Organisation of Indigenous Resource Development,
- Center for International Indigenous Rights and Developpemen,
- Native News Network,
- Native American Journalists Association,
- Parlamento Indigena de America,
- Pacific Asia Council of Indigenous Peoples,
- Maori Congress
etc.
Jai discuté avec
les députés autochtones des parlements nationaux
et régionaux, membres de lAMSA, et avec des membres
des assemblées élues des différents peuples
autochtones les modalités de la mise à pied de
lAssociation Mondiale des Parlementaires Autochtones (AMPA),
avec qui jentretenais les relations de travail permanentes,
cette ONG pourrait se considérer comme une organisation
politique qui représente dans la société
internationale de la façon la plus légitime les
intérêts des peuples autochtones.
LAMPA devait participer à lélaboration
de la Déclaration sur les droits des peuples autochtones
et au processus dadoptions par les Etats, et après
elle pourrait contrôler sa mise en oeuvre.
Par contre lAssociation Mondiale des Scientifiques Autochtones
(AMSA) devait se forger limage dune organisation
dexperts compétents et objectifs. Elle devait être
en mesure de conseiller les organes et institutions du système
des Nations Unies, notamment dans les domaines du développement,
de la santé, de lenvironnement et de la culture.
LAMSA devait élaborer des projets et activités
dautodéveloppement des peuples autochtones, de la
protection de lenvironnement et organiser la coopération
internationale pour leur financement et leur exécution.
Cest pourquoi, le Forum
permanent des populations autochtones pourrait bien être
constitué rapidement sur la base de lAMPA et de
lAMSA comme une ONG avec le statut consultatif auprès
du Conseil économique et social de lONU, et des
relations officielles formalisées avec les organisations
du Système des Nations Unies. Ces relations pourraient
être assurées par les experts autochtones engagés
par ces organisations.
On pourrait demander à lONU de former une équipe
des fonctionnaires compétents qui constituera le Secrétariat
du Forum. Cest une pratique courante à lUNESCO
dont les membres du personnel constituent les secrétariats
pour le MAB, la COI et le PHI. On pourrait former cette équipe
sur la base du Groupe de travail de lONU pour les populations
autochtones avec la participation des experts autochtones.
Pourtant Mikhaïl Nikolaev,
Président de la Yakoutie, na pas osé sengager
dans ce grand projet. Il a été plus passionné
par les activités du Forum Nordique et jai participé
à la création de lAcadémie de cette
grande ONG interrégionale. |