Youkaguirs
Les Youkaguirs représentent l’ethnie le plus ancienne de la Yakoutie, ils étaient chasseurs à pied de rennes sauvages. En hiver ils chassaient à skis, en été, connaissant bien les trajets migratoires des rennes, ils chassaient les rennes sauvage à la lance pendant qu’ils traversaient les rivières. Ils vivaient en hiver dans les maisons semi-souterraines couvertes de terre et de neige. Leur langue n’appartient pas à la famille altaïque comme les langues turco-mogoles et tougouso-mandchoues, on lui suppose une parenté lointaine avec les langues finno-ougriennes.

Par suite de la colonisation, des pratiques commerciales nuisibles pour l’économie traditionnelle, des effets dévastateurs des épidémies et des famines, le nombre des Youkagirs chuta à moins de mille personnes au début du XX siècle. En 1989 seulement 245 personnes parlaient youkagir. Dans l’appel au Groupe de Travail sur les populations autochtones de l’ONU (transmis en 1993 par Bernard Saladin d’Anglure et Françoise Morin) le Conseil des Anciens des Youkagirs, présidé par Oulouro Ado, déclare :
«Dans ce contexte, la révolution de 1917 eut dans un premier temps un effet positif sur le peuple Youkagir qui vit sa spécificité culturelle reconnue et son exploitation par les marchands immigrants arrêtée. Des écoles et dispensaires furent créés et une organisation économique de type collectif fut mise sur pied dans le cadre des structures claniques et des villages traditionnels. Le pouvoir stalinien mit fin rapidement à cet essor ethnique et la répression frappa durement toutes les tentatives de mise en valeur de l’héritage culturel ; l’un des premiers intellectuels Youkagirs, Teki Odoulok paya chèrement de sa vie son action dans ce sens. Il fut accusé de nationalisme et exécuté en 1937. Mais c’est surtout au milieu des années 1950 que commença la période la plus noire de l’histoire des Youkagirs, quand une nouvelle politique de remembrement des terres supprima les kolkhozes villageois et organisa de grands sovkhozes régionaux où les Youkagirs devinrent minoritaires et passèrent sous la domination d’autres groupes. Ce fut un véritable ethnocide qui dura pendant près de quarante ans et dont les effets se font encore sentir. Plusieurs villages youkagirs furent fermés et leur population déménagée de force dans d’autres villages occupés majoritairement par d’autres ethnies. Ce fut le cas notamment de l’unique village des Youkagirs de la toundra «Tustar Tsin». De nombreux Youkagirs furent dépossédés de leur identité ethnique et contraints d’adopter celle des groupes qui les contrôlaient à présent. Ceci explique pourquoi le nombre des Youkagirs n’a pratiquement pas progressé depuis cette date, en dépit d’une baisse de la mortalité résultant du développement des soins de santé. Le recensement de 1989 n’en compte que 1141. La scolarisation faite désormais en russe entraîna chez les enfants youkagirs enfermés dans les internats une désaffectation progressive pour leur propre langue. L’industrialisation, enfin, amena un afflux considérable de populations extérieures (Russes, Ukrainiens etc.) qui constituent actuellement une écrasante majorité, peu préoccupée par les problèmes des autochtones, dans les deux districts où vivent encore des Youkagirs.

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