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La vie extraordinairement ordinaire D'Elisabeth-Gertrude Larmagauche, infirmière (1)
Élisabeth-Gertrude Larmagauche est née le 29 février
1952, à Juvisy sur Orge (Essonne).
Sa mère, Rosalie-Sabine Larmagauche, née Filochon, envoya
d'urgence Léon-Olivier Larmagauche, l'heureux papa, déclarer
la gamine à l'état civil. Las, entre la maternité
et la mairie, se trouvait l'estaminet « chez Germaine », endroit
où Léon-Olivier avait pour habitude de s'abreuver, tout en
tapant le carton avec d'autres oisifs.
Il arrosa si copieusement la naissance, en compagnie des oisifs en
question, et sous le regard étonné de Ginette, la fille de
Germaine, alors âgée de trois ans (Ginette, pas Germaine.
Suivez, un peu.), il arrosa si copieusement la naissance, disais-je avant
de disgresser allègrement tel un Stratocaster électrisé
après son flirt avec Adriana 42, mais avec moins de brio toutefois,
il arrosa si copieusement la naissance, donc, qu'arrivé devant l'officier
d'état si vil, il ne se souvenait plus du prénom qu'avec
sa femme, ils avaient mis 9 mois à choisir.
Saoul comme un cochon, Léon-Olivier ne put qu'articuler les
deux premiers prénoms qui lui vinrent à l'esprit : Élisabeth
et Gertrude.
C'est ainsi que notre héroïne, au lieu de s'appeler Madeleine
comme toute une chacune, se vit affublée du prénom le plus
ridicule de la création et de sa périphérie.
Il faut dire que notre Léon-Olivier avait une excuse, Élisabeth
et Gertrude étaient les prénom de LA femme qui avait eu son
pucelage. Mais cette histoire mérite qu'on s'y attarde.
Léon-Olivier Larmagauche est né le 30 Février 1930,
à Juvisy sur Orge (Essonne). Et je compisse joyeusement les nez
de beufs qui m'objecteront que le 30 février, ça n'existe
pas: à Juvisy sur Orge (Essonne), le 30 février, ça
existe.
Son père, Laurent-Odilon Larmagauche, était sans doute
l'homme le plus paresseux que notre bonne vieille terre ait jamais porté.
Quand à sa mère, Pilar-Conception Larmagauche, née
Viatrépas, elle tenait de sa main de maîtresse femme, le bobinar
le plus sélect de l'Essonne et des départements limitrophes,
j'ai nommé "Le Dégorgeoir".
Pilar-Conception était fort occupée, comme je l'ai déjà
dit, à tenir de sa main de maîtresse femme, le bobinar
le plus sélect de l'Essonne et des départements limitrophes.
Quand à Laurent-Odilon, c'est bien simple, il passait sa vie au
bistrot.
Léon-Olivier grandit donc sans contrainte dans cette ambiance
feutrée qui était le propre des maisons de tolérance.
Gâté par les clients, choyé par les filles, il vécut
là la période la plus heureuse de sa vie.
Il atteint ainsi derechef, mais sans crier gare, l'âge de douze
ans. C'est le lendemain de son anniversaire, le 31 février, donc,
qu'Élisabeth (une grande bringue de 52 ans, dont les clients ne
voulaient plus, mais qu'on gardait encore par habitude, et parce qu'elle
était entrée au Dégorgeoir à l'âge de
13 ans, et n'en était sortie que le dimanche pour aller à
la messe, car elle avait de la religion, Élisabeth, dont le véritable
prénom, par ailleurs, était Gertrude) le serra bien fort
entre ses cuisses, pour lui apprendre le sens de la vie. Il lui en était
resté (à Léon-Olivier, pas à Élisabeth)
un goût immodéré pour les femmes d'âge mur ainsi
qu'une blennorragie, ma foi, d'un fort beau gabarit.
A la libération , la loi Marthe Richard(1) mit fin à la
prospérité familiale. Pilar-Conception fut tondue, bien qu'ayant
largement participé à l'effort de résistance pour
avoir, avec l'aide de ses pensionnaires, refilé la vérole
à la moitié de l'armée d'occupation.
La location de chambres meublées ne suffisant pas à faire
bouillir la marmite, Pilar-Conception continua longtemps à éponger
les michetons. Au crépuscule de sa vie, vieillie, usée, parkinsonienne,
elle démarrait à la manivelle les vieux poivrots de Juvisy
où elle était désormais connue sous le nom de Pilly
la Tremblotte.
Laurent-Odilon, quand à lui, était mort depuis longtemps,
malgré de nombreuses cures de rajeunissement à la Valstar.
Léon-Olivier continua à faire ses choux gras, si j'ose
dire, et d'ailleurs, je ne vois pas pourquoi je me gênerais, d'Élisabeth-Gertrude
(qui était restée par habitude et parce qu'elle était
entrée au Dég... Pardon? Ah, oui), mais en préservant
l'intégrité de son appareil reproducteur grâce au latex.
C'est en janvier 1951, peu après la mort d'Élisabeth,
que Léon-Olivier rencontra celle qui devait devenir sa femme.
Rosalie-Sabine Filochon n'était ni grande ni petite, ni grosse
ni maigre, ni jeune ni vieille, ni blonde ni brune. Bien au contraire.
Et c'est sans doute ce qui plût à Léon-Olivier, trop
habitué à s'activer du bassin sur un vieux sac d'os dégingandé.
Le coup de foudre fut immédiat autant que réciproque,
et le mariage, qui devait sans tarder donner naissance à notre héroïne,
fut célébré le 32 février de la même
année.
(à suivre, si vous le voulez bien...)
(1) Note à l'attention des francophones non français,
et des Français incultes: Marthe Richard fut une femme politique
française qui, pour se démarquer radicalement des politiciens
enfonceurs de portes ouvertes, fit fermer les maisons closes.