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La vie extraordinairement ordinaire d'Elisabeth-Gertrude Larmagauche, infirmière (11)
Résumé des épisodes précédents :
Élisabeth-Gertrude Larmagauche est née le 29 février
1952, à Juvisy sur Orge (Essonne).
[...] Élisabeth-Gertrude Larmagauche était enceinte.
Chapitre onze : Et un Larmagauche, un !
Laurent-Odilon Larmagauche, deuxième du nom, naquit le 29 février 1982 à Juvisy sur Orge (Essonne). C'était un très beau bébé. Un pur produit de la maison Larmagauche, made in Juvisy sur Orge (Essonne). Seule une mèche de cheveux blonds attestait d'une paternité batave. Dès les premiers jours, il manifesta bruyamment son attachement à ses ancêtres en refusant le lait maternel. Élisabeth-Gertrude, sachant à qui elle avait affaire, le nourrissait de biberons remplis de Valstar tiède.C'est ainsi que LOL II devint le premier des Larmagauche qui fut alcoolique dès sa naissance, ce qui constituait un aboutissement dans l'amélioration de la race.
Son studio étant trop petit pour deux, Elisabeth-Gertrude emménagea dans l'appartement du rez de chaussée laissé libre par Gédéon-Nestor Burnecreuse, et qui n'avait pas été reloué depuis le départ du détective. En emballant ses effets, l'infirmière retrouva, au fond d'un placard, la vieille lanterne rouge qu'elle avait récupéré avant la destruction du vieil immeuble des Larmagauche. Un vague projet d 'idée commença alors à germer dans son esprit...
Laurent-Odilon grandit donc sans encombres au 23 bis de la rue Wolfgang-Amadeus Von Tchaïkovski à Juvisy sur Orge (Essonne).
Dès l'âge de trois ans, il était capable d'aller seul acheter sa Valstar à l'épicerie du coin. Félix-Édouard Haulamolle, l'épicier, ayant reconnu en Laurent-Odilon un authentique Larmagauche, commençait à stocker des quantités astronomiques du nectar ambré, en prévision des saoulographies à venir de son jeune client. Il faut dire que le père de Félix-Édouard avait fourni Léon-Olivier Larmagauche, grand père du gamin, pendant de longues années.
À l'école maternelle de Juvisy, où il poursuivra des études assidues jusque l'âge de 12 ans, ce qui, vous en conviendrez, et si vous ne voulez pas en convenir, relisez la collection complète des oeuvres de Frédéric Dard, est un âge fort respectable pour un élève d'une école maternelle, à l'école maternelle de Juvisy, reprends-je pour ceux qui auraient perdu le fil au milieu de ma disgression, on le surnommait Lolo la Bibine. Ses institutrices et teurs successifs le cantonnèrent au fond de la classe, où il ronflait telle une escadrille de B52 en échappement libre, ne se réveillant que pour entonner un Te Deum au goulot du litre de Valstar qui ne quittait jamais son cartable.
C'est à l'âge de douze ans (un record de longévité scolaire pour un Larmagauche) que, les écoles primaires de Juvisy refusant de l'inscrire, il quitta l'école pour commencer une extraordinaire carrière de poivrot.
Il avait à peine quitté l'école qu'il volait un camion de bière dans un entrepôt de Juvisy. Une heure plus tard, il ramenait le camion à l'entrepôt, faisant un scandale dans le bureau du directeur: la bière était de la Heineken.
Il devint alors l'un des plus fidèles clients de l'estaminet "chez Ginette" à Juvisy sur Orge.À l'âge de quatorze ans, il fut nommé Chevalier du Taste-Valstar par la Confrérie des Assidus de chez Ginette (1). Expert du 421 et de la belote de comptoir, il n'avait pas son pareil pour se faire payer des tournées par ses partenaires. C'était d'ailleurs pour lui le seul moyen de picoler car, en authentique Larmagauche, il refusait de travailler.
Ginette avait ressorti la vieille brouette qui n'avait pas servi depuis la mort de Léon-Olivier. Et c'est Lucie, alors âgée de 23 ans, qui s'attelait aux brancards pour raccompagner le jeune Larmagauche quand il ne tenait plus debout. C'est à dire à peu près tous les soirs. Et il n'était pas rare, dans les rues sombres de Juvisy, de voir passer un curieux attelage composé d'une jeune fille bien roulée poussant une brouette qui ne l'était pas moins, dans laquelle un solide gaillard scandait d'une voix avinée un chant patriotique dont le texte, portant haut les éclatantes couleurs de la morale et de la bienséance, racontait par le menu les libations d'un trio d'orfèvres un soir de saint Éloi (2).
Légèrement inquiète de la vie pour le moins dissolue de son fils, Élisabeth-Gertrude ne tirait pas moins une certaine fierté mêlée d'une tendre émotion de voir le dernier des Larmagauche suivre avec une telle assiduité les traces mousseuses de ses ancêtres. Un soupçon de nostalgie la secouait parfois, le soir, alors que Laurent-Odilon ronflait sur sa descente de lit. Elle ressortait alors la vielle lanterne rouge, et se mettait à imaginer un avenir qui ressemblait étrangement à un passé que l'on avait cru révolu à jamais.
(à suivre si vous le voulez bien...)
(1) À cette époque, le bistrot « chez Ginette »
est très bien fréquenté. Ce n'est qu'en 1999 que...
Mais ceci est une autre histoire.
(2) Je tiens à la disposition des amateurs du genre les paroles
du chant patriotique en question.