le voyage de Benoist Nalbone à Magellan et au Cap Horn , page 2

Ici le détroit se rétrécit nettement et de plus il est parsemé d'îles et d'îlots qui rétrécissent encore les passages et rendent la navigation plus difficile. Autres différences avec le premier tronçon, les côtes bien que montagneuses sont pleines de verdure (herbes et arbustes). Le spectacle, quoique différent est également saisissant, car, non seulement les côtes sont généralement élevées, mais les îles et même les îlots vous impressionnent par leur proportion hauteur/diamètre. Dans ces parages, les eaux étant tranquilles, on dirait des cônes de verdures surgissant d'un immense lac, entre lesquels il faut naviguer , alors qu'ils masquent l'horizon.
Enfin, ici, on a l'occasion de voir les Fuégiens pratiquer à bord de leurs petites embarcations, la chasse et la pêche. Ces barques, de cinq à six mètres de longueur, profondes car ils ont beaucoup de choses à bord, sont leur second habitat, le premier étant leur hutte sur terre. Ces barques emmènent le père, la mère, quatre ou cinq enfants dont souvent un tête encore, et puis trois ou quatre chiens et encore du bois. En effet, au centre de la barque il y a un petit foyer toujours entretenu du fait qu'ils partent pour plusieurs jours et ils font donc cuire les poissons pêchés et de gros oiseaux abattus avec les arcs et flèches. C'est là que les chiens ont leur rôles car ils ramènent les flèches et les oiseaux.

Poursuivant notre route, nous avons mouillé pour la nuit devant la " Baie de Fontesquiou ", puis le lendemain quelques heures devant le " Havre Hotter " et le surlendemain nous avons mouillé devant le " Havre-Molineux ". Du bord, nous avons aperçu durant ces trajets, les huttes des Fuégiens installées sur quelques morceaux de terrain plat le long des côtes, groupées par deux ou trois, et souvent distants de plusieurs km entre eux.
A chaque arrêt, une ou deux barques de Fuégiens, venaient le long du bord, et le Fuégien montait à bord, nous faisait comprendre si nous pouvions leur donner nourriture, vêtements… en nous offrant des peaux de pingouins ou des oiseaux empaillés. Généralement, on leur laissait leurs offres et leur donnions beaucoup de choses : viande congelée, boules de pain, caisses de pâtes, boîtes de confiture, de vieux vêtements militaires, des cordages, des toiles, et bien d'autres choses utiles… Ils repartaient heureux en nous faisant comprendre leurs remerciements.

L'occasion m'a été donnée de revoir une de ces familles dans leur hutte .
Certes leur vie est très dure et encore je ne l'ai vue qu'en été ; ils ne sont pas instruits (ce sont toujours mes notes prises en 1935), mais sont loin d'être dénués d'intelligence et pour certains de philosophie (sans le savoir), car s'ils refusent leur intégration dans les zones dites civilisées, dont ils ont heureusement quelques connaissances, c'est qu'ils doivent apprécier leur vie naturelle (je n'ose dire leur bonheur). Ils connaissent l'argent, mais n'en possède pas