Vie de RENÉ- LÉON PÉTEL , page 4

morue fraîchement pressés, dans laquelle trempe une mèche! Cela fume abondamment et c'est la face noircie que les hommes sortaient du poste, le matin.
Cependant René évoquait plus avec une certaine satisfaction les souvenirs de ce temps fort de sa jeunesse et en revint plus mordu encore par : "l'appel du large".
Après cette campagne, la vocation maritime de René dut, bon gré mal gré, être acceptée par sa mère, mais ils doivent s'accorder pour envisager de l'orienter plus sérieusement vers une carrière d'officier de marine marchande.
En 1896/97 termine-t-il des études secondaires ? ou accomplit-il une nouvelle navigation ? cela reste à retrouver. Nous savons seulement qu'en décembre 1897 il embarque à bord du trois mâts "Lamoricière" en qualité de pilotin. Le "pilotin" était un mineur, présenté par ses parents à l'armateur, qui faisait un voyage probatoire sur un bâtiment pour se préparer aux fonctions d'élève officier. Cette navigation n'était validée que si le jeune homme se présentait ensuite aux examens de la marine marchande. L'appellation dérivait de celle donnée au XVIIIème siècle aux élèves pilotes ou aux apprentis timoniers.
De décembre 1897 à novembre 1898, notre pilotin fait le tour du monde avec le "Lamoricière". Il doit déjà faire un premier passage au Cap Horn et connaître les rudes épreuves de la navigation dans la tempête et des périlleuses manoeuvres de voiles dans des vergues et gréements couverts de glace. Il découvre aussi le charme des "Isles" et se souviendra de la chanson créole que les belles Martiniquaises adaptaient pour chaque arrivée et départ des beaux voiliers et qui dans la circonstance était :

Lamo'icié est un g'and bâteau

Qui va su' l'eau

comme un cachalot

Son capitaine et son sigond
bis
Sont tout é deux é bon éfants

Sur le chemin du retour, à l'escale de Glasgow, le consul de France lui signale qu'on l'attend depuis quelque mois pour l'accomplissement de son service militaire. Il est rapatrié, incorporé à Rouen, puis le 21 janvier 1899 affecté comme guetteur au sémaphore du Cap de la Hague.
En tant que seul fils d'une veuve son temps de service est limité à un an et le 21 janvier 1900 il est libéré.
Que fait-il, de cette date à l'automne 1901 ?
Il semble en effet que ce soit seulement fin 1901 (Il a 23 ans) qu'il entre à l'Ecole d'Hydrographie (1) de Granville (Manche). Dans cette ville puis à Nantes (Loire Inf.), il sera donc ce qu'on appelait alors "candidat officier" jusqu'en février 1904. En dehors des études fort sérieuses et précises, les "candidats" menaient, parait-il, une assez joyeuse vie d'étudiants frondeurs et je me souviens d'allusions à des nuits au cours desquelles les enseignes des commerçants étaient déplacées d'une boutique à l'autre, où la guérite du douanier sur le port se trouvait renversée, avec le douanier à l'intérieur et qui se terminaient au petit matin chez une des logeuses ou dans une auberge où nos perturbateurs, assurés d'une indulgente complicité se restauraient d'un solide petit déjeuner au centre duquel trônaient, de majestueuses mottes de beurre.

(1) C'était le nom qui désignait alors les établissements qui deviendront ensuite les Ecoles d'Officiers de la Marine Marchande et qui en cette année 1986 sont menacées de disparition.