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 La manipulation mentale

Fiction en ligne

-1-

J’ai l’étrange certitude d’avoir connu Do sur le pont qui relie la place de la Concorde à l’Assemblée nationale.
Je ne peux m’empêcher de visualiser la scène, presque comme si j’en avais la photo sous les yeux…
C’était un début d’été, on regardait la Seine avec le même désir, affalé tous les deux sur la rambarde du pont, épaule contre épaule, rires en partage. En effet comme si ç’avait été la première fois qu’on se trouvait ensemble.
A un moment on avait changé de côté du pont, hésitant entre l’amont et l’aval, puis on avait retenu d’un commun accord le sens du courant pour regarder l’eau du fleuve filer vers la mer...
Je me souviendrai toujours de son sourire quand elle m’a dit oui.

Pourtant c’est ailleurs que je l’avais rencontrée, on sortait du théâtre de l’Université, je venais de la saluer d’un geste de la main quand je lui ai proposé d’aller boire un café dans un bar de la place du même nom.
Do s’était tout de même retournée pour appeler un ami à se joindre à nous, mais celui-ci venait juste de disparaître dans la bouche de métro…

L’Assemblée nationale avait voté en ce début d’été une proposition de loi déposée par quelques députés novices, et sûrement naïfs, qui visait à réprimer la manipulation mentale.
Une nouvelle qui avait beaucoup plu à Do tout comme à moi aussi.
Pour ces députés, il s’agissait de combattre les sectes qui parvenaient à endoctriner des gens au point qu’ensuite ils n’étaient plus libres de leur choix. En tout cas, si l’on souhaitait les libérer de l’emprise de ces sectes, il fallait parfois le faire contre leur gré, surtout si c’étaient des jeunes gens.
Une spécialité de tous les pouvoirs de tenter de s’attaquer à la jeunesse pour assurer leur pérennité.

En tout cas les novices députés avaient cru trouver l’arme efficace en créant ce délit de manipulation mentale.
Oui, mais quelques jours après, les églises en place s’étaient manifestées dénonçant cette proposition de loi qui pouvait les mettre en cause elles aussi.
Bon c’est vrai qu’elles ne voulaient pas être considérées comme des sectes. Mais elle voulaient surtout se garder le droit d’inculquer aux gens et aux jeunes en particulier leur vérité et conserver la possibilité de convaincre ces mêmes gens par exemple de se faire prêtre à vie, voire de léguer leur fortune à l’institution. Ce qui d’une certaine façon pouvaient les assimiler aux pratiques des sectes.
Ensuite ce sont les associations de familles qui s’étaient réveillées. Parce que des enfants auraient pu se retourner contre leurs parents sous l’accusation de manipulation mentale.

C’est donc le jour où Do et moi avons bu un verre de vin (deux verres peut-être) que des parlementaires français avaient voté un amendement visant à réprimer la manipulation mentale.



20/10/2006 /tous droits réservés/

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