[Page PrécédenteDébut du Site   [Page suivante]

Clothilde Palladino, figure du patrimoine culinaire

On la surnomme " Tinotte ". Figure emblématique du patrimoine culinaire martiniquais, née en 1927, Clothilde Palladino a accueilli dans son restaurant " Le Colibri " situé aux Morne des Esses à Sainte-Marie, de nombreuses personnalités. Les témoignages de ces visiteurs sont paraphés sur deux livres d'or, qu'elle garde soigneusement dans un buffet. Parmi celles-ci on peut citer François Mitterrand, Michel Jazy, champion d'athlétisme, Michel ,Hidalgo, sélectionneur de l'équipe de France de football, Olivier Stirn et Bernard Pons, ministres de l'Outre-mer notamment sans oublier le président Valéry Giscard d'Estaing qui a dégusté ses spécialités à l'occasion d'une manifestation qui s'était déroulée à Fonds Saint-Jacques... Le talent culinaire de Clothilde Palladino ayant largement dépassé les contours de l'île, sa brillante carrière lui a valu nombreuses de distinctions et en particulier la fourchette d'Or du guide Gault et Millau. Mais tous ces témoignages ne lui ont pas fait perdre sa simplicité. Avec une certaine modestie, elle se souvient volontiers de ses premiers pas dans le métier : " Mes débuts dans la restauration datent de la fin des années 40. Ma passion pour la cuisine, je l'ai héritée de mon père qui était lui même restaurateur à Fort-de-France. J'ai tout appris de lui, il m'a enseigné l'art et la manière de "cuisiner", de recevoir les gens... À l'époque, celle de l'Amiral Robert, nous vivions une période d'austérité ressentie clans tous les douzaines dont celui de l'approvisionnement alimentaire. Quelques années plus tard, en 1948, les moyens de locomotion étaient rares, ainsi j'hébergeais " des pensionnaires " des instituteurs gui ne pouvaient pas se déplacer facilement les moyens de locomotion étant rares à cette époque. Aussi, il fallait bien que leur fasse ù manger tous les jours. C'est ainsi qu'est née cette véritable activité culinaire... " raconte Clothilde Palladino.

" La langouste était indigeste... "

Alors qu'aujourd'hui la sécurité et la qualité de notre alimentation sont au centre de grands débats comme l'illustre l'affaire de la vache folle, Clothilde Palladino se souvient de l'époque où toutes ces questions n'effleuraient pas les esprits. Et pour cause: une parie de nos habitudes actuelles n'existaient pas il y a trente ans " notre patrimoine culinaire a bien changé. Dans les années quarante et cinquante, il n'y avait pas tous les produits dont on dispose actuellement dans le secteur de la restauration. Les grandes surfaces n'existaient pas non plus. Par exemple, on n'utilisaient pas la crème fraîche et nombre ingrédients qui accompagnent les recettes de cette fin de siècle.

A l'époque je me rendais à Fort de France, chez le" Petit Marseillais" un négociant qui se trouvait à la rue Blénac pour faire l'achat de mes produits, oignons France, l'ail...En ce temps là, j'achetais un kilo de lambis des mains de Marins-Pêcheurs pour le prix de 2 francs maintenant il coûte cent francs. J'utilisais de nombreux fruits de mer.( chatrou, lambi, oursin, langouste) pour la réalisation de tartes. Pour l'anecdote, les gens ne mangeaient pas la langouste, on prétendait qu'elle était indigeste. Aujourd'hui, alors qu'elle est très demandée par les consommateurs. La langouste est devenue malheureusement une denrée rare. Pour conserver les produits je possédais un énorme frigidaire à pétrole que j'avais acheté chez Roy-Camille, c'était le plus gros de la salle d'exposition vente...se souvient Tinotte, dans un grand éclat de rire. "On utilisait alors davantage les produits issus du terroir et nous utilisions d'autres méthodes pour conserver les aliments sans risque pour la santé. Du coup, je crois que la nourriture était plus saine observe encore notre cuisinière.

La cuisine l'âme épicée des Antilles

Avec ses apports africains, indiens, européens, la cuisine reste un élément fort de notre patrimoine. Fines herbes et épices font du plat le plus ordinaire, un mets délicieux . Que ce soit le "trempage", le Colombo, le court-bouillon de poisson, le blaff, le matoutou de crabes, le féroce, les Accra, le boudin, le pain-doux, le chocolat première communion, etc. chaque mets invite à la fête. __ De génération en génération, nos traditions culinaires se sont transmises. Bien sûr, au fil des années, la cuisine de nos grand-mère a eu à s'adapter, à s'accommoder pour être comme on dit au goût du jour, brassage culturel oblige. Dans le même temps, certains plats et ingrédients ont disparu de nos assiettes. Mais , de nouvelles recettes sont venues également enrichir notre gastronomie créole. Même si nos jeunes d'aujourd'hui préfèrent dévorer un hamburger plutôt qu'un fruit à pain "djol polius", les saveurs multiples et les sensations fortes, essence même de notre cuisine, résistent aux caprices d'une mode culinaire que l'on dit internationale .

 

 

 

 

 

 

" La soupe Z'habitants

« an tan lontan»

Voici la recette traditionnelle de la soupe z'habitants. Ingrédients : des feuilles d'épinards, de l'oseille, des carottes et navets, quelques feuilles de chou, du céleri, des poireaux, ail, pomme de terre, oignon, gombo, saison, banane jaune, patate douce, sel et poivre.

Prenez un petit fait-tout, mettez de l'eau à bouillir, coupez tous les légumes en dés, puis ajoutez-les dans l'eau bouillante pendant 30 minutes. Pendant que la préparation bout, ajoutez un bouquet garni et la viande salée. Prenez un “lélé à quatre branches” (batteur) et remuez jusqu'à obtenir une soupe onctueuse. Laissez reposer pendant 30 minutes.

Les saveurs de la tradition

Le calalou aux crabes, le pigeon farci au nid, la fricassée de porc aux pois d'angole, le buisson d'écrevisses, le cochon de lait, le flan au coco, sont autant de recettes et de spécialités qui ont la réputation des Antilles, et par conséquent celle de Clothilde Palladino. Ce personnage du monde culinaire des Antilles se souvient de quelques-unes de ses recettes, celle du jambon de Noël par exemple : " je mettais à tremper le gigot dans un récipient d'eau plusieurs jours durant. Bien sûr, je remplaçais l'eau chaque jour. Après la phase de cuisson (en ajoutant ail, oignon feuille de bois d'Inde, piment, carotte...), j'enlevais la couenne du gigot pour ensuite l'enrober de sucre. Par la suite, à l'aide d'un < Petit Nègre >, un petit fer à repasser de l'époque, je " glaçais " le jambon, ce qui lui donnait une saveur gustative agréable. Cette méthode demeure jusqu'ici l'une des spécialités de la maison. J'ai encore en mémoire la soupe z'habitant " an tan lontan ", le pâté en pot, où l'odeur de la cuisson se répandait dans tout le quartier, se remémore Tinotte en ajoutant " toutes ces préparations excitaient les papilles gustatives du voisinage ".

[Page PrécédenteDébut du Site   [Page suivante]