Alors que la Martinique s'apprête à fêter Noël 1959, Fort-de-France est le théâtre d'une révolte populaire née d'un banal accident de la circulation. Trois jeunes manifestants sont tués. En ce dimanche ensoleillé du 20 décembre 1959, les habituels promeneurs arpentent l'allée des Soupirs, place de la Savane. Sous le kiosque, un orchestre répète. Devant le bar du Central Hôtel, Frantz Moffat, un docker, revient du stade où il a assisté à un match du Club Colonial. Avant de rejoindre ses amis, il gare son scooter, une belle Vespa. Par une fausse manoeuvre, un automobiliste, récemment arrivé de France, renverse l'engin Il ne s'arrête pas, mais le docker est alerté par un passant. Le motocycliste à le temps d'agripper le volant de la voiture du fautif. Deux ou trois coups de poing plus tard, les deux hommes se réconcilient et scellent l'incident au bar. Entre-temps, un imposant groupe de promeneurs, dont de nombreux appelés martiniquais du contingent, en permission, commentent l'incident sur un ton vif. Un consommateur du bar, témoin de l'incident, se montre inquiet devant ce rassemblement. C'est le trésorier de l'Association des anciens d'Afrique du nord. II alerte les C.R.S.. Lorsqu'elles arrivent, les forces de l'ordre dispersent la foule sans, ménagement, avant d'âtre rappelés dans leur caserne du Fort Saint-Louis. La foule s'en prend alors à l'hôtel de l'Europe, où se réunissent les rares Pieds-noirs du Maroc et de Tunisie. L'étincelle a été allumée, le feu a pris. A la tombée de la nuit, la savane est un champ d'affrontements entre policiers martiniquais et promeneurs, rejoints par de nombreux jeunes. Le lendemain les C.R.S. en patrouille sont pris à partie dans les rues de la ville. Fort-de-France vit une nuit d'affrontements
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Les événement de décembre ou les "Trois Glorieuses"
Face à face, plusieurs dizaines de jeunes des quartiers populaires et les policiers locaux, renforcés par gendarmes. Les commissariats de Pont Démosthène et de la levée sont incendiés. Le calme revient à l'aube, mais deux jeunes de 16 et 21 ans, Marajo et Rosile, tombent sous les balles des policiers de corps urbain. Mardi 22, les autorités, jusque là discrètes, réagissent. Mais les appels au calme lancés par l'évêque, Mr Varin de la Brunelière, le premier adjoint au maire de la ville, le Dr. Pierre Aliker, et le conseiller général du canton, le Dr. Camille Petit, restent sans effet. Le Parti communiste tient un meeting le soir au Morne Pichevin. Il y dénonce "la passivité" de la municipalité. L'effervescence redouble d'intensité dans la nuit du mardi 22. A la spontanéité des manifestants succède une relative organisation. Des cocktails molotov sont lancés contre des édifices publics, les forces de l'ordre sont harcelées par de petits groupes mobiles. Un troisième jeune homme, Betzi, 20 ans, est tué au pied des 44 marches menant au morne Pichevin. La journée de mercredi 23 sera électrique. Une dizaine de personnes sont arrêtées. Les C.R.S. et les gendarmes quadrillent le centre-ville et tirent en l'air des coups de semonce, comme pour intimider. Les commerçants baissent leurs rideaux. Jeudi 24 au matin, le Conseil général se réunit en session extraordinaire. Une motion présentée par le groupe communiste est adoptée à l'unanimité des 33 élus présents. Si aucun autre incident n'est à déplorer, le Noël 1959 s'annonce triste à Fort-de-France. Les émeutiers ont prouvé que l'ordre établi peut vaciller. Du coup, le gouvernement va prendre des mesures pour éviter une nouvelle explosion de violence. Une nouvelle donne Le courant nationaliste s'affirme à partir des événements de décembre 1959 dans une Martinique dont les structures économiques et sociales seront profondément remaniées par une série de mesures gouverne mentales visant à éviter une nouvelle explosion "Les Trois Glorieuses de Décembre 59". L'expression est du vice-recteur Alain Plenel. Des mots prononcés lors d'une allocution officielle au Morne-Rouge, qui lui vaudront d'être rappelé à Paris avant la fin de son terme. On ne remet pas en cause impunément les errements de l'administration quand on est l'un de ses plus éminents représentants. L'une des leçons politiques majeures des événements de décembre 1959 aura été l'émergence du mouvement nationaliste qui revendique dans un premier temps "l'émancipation de la Martinique", comme le prône l'Organisation de la jeunesse Anticolonialiste de la Martinique, l'OJAM en 1962. Sans compter la nouvelle brouille entre communistes et césairistes. Les uns tenteront de canaliser le mouvement populaire , sans succès certes, quand les autres dénonceront " les petits malins sanglants". L'État met en place une batterie de mesures visant à empêcher une autre révolte. Deux instruments sont mis en place: le service militaire adapté (SMA), pour former sur place une main oeuvre disponible; le BUMIDOM, pour envoyer en Métropole les chômeurs sans perspectives. La seconde phase de la Départementalisation se met en route, qui va se traduire par la modernisation des infrastructures et l'élévation du niveau de vie de la population. Avec comme revers de la médaille: la désarticulation du tissu productif. |
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