The Auroras
of Autumn
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Les
aurores de l'automne
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I
C'est ici que vit le serpent,
l'incorporel.
Sa tête est air. Quand vient la nuit, de sous sa pointe,
Dans tous les ciels s'ouvrent des regards qui nous fixent.
Ou bien n'est-ce qu'une autre
torsion hors de l'œuf,
Une autre image au fond de la caverne, un autre
Incorporel pour la mue du corps? C'est ici
Que vit le serpent. Ceci est son
nid: ces champs,
Ces collines, ces distances teintées, ces pins
Au-dessus, au pourtour, tout au long de la mer;
C'est forme en hoquet après
l'absence de forme,
Éclair de peau pour les disparitions souhaitées
Et le corps serpentant en éclair sans la peau.
Ceci est la hauteur émergeant
et sa base...
Il se peut qu'à la fin ces lumières atteignent,
Dans le mitan le plus extrême de minuit,
Un pôle et qu'elles y trouvent
là le serpent,
Au creux d'un autre nid, ce maître du dédale
Et du corps et de l'air, des formes, des images,
Et l'y trouvent en possession du
bonheur
Avec acharnement. Ceci est son poison :
Que nous dussions ne pas même croire en cela.
Ses méditations au milieu des
fougères,
Quand à peine il frémit afin de s'assurer
Du soleil, nous en ont assuré tout autant.
Et c'est dedans sa tête que
nous avons vu
Perle noire du roc, l'animal moucheté,
L'herbe en son remuement, l'Indien dans sa clairière.
II
Adieu à une idée... Il est une
cabine,
Désertée, sur la plage. La cabine est blanche,
Comme si telle était la coutume, ou selon
Quelque thème ancestral, ou
comme conséquence
D'une course infinie. Les fleurs contre le mur
Sont blanches, un peu sèches — manière de marque
Rappelant, ou cherchant à
rappeler un blanc
Qui était différent, tout autre, l'an passé,
Jadis, non le blanc d'un après-midi âgé,
Qu'il ait été plus frais ou
peut-être plus sourd,
Peut-être issu des nues d'hiver ou bien venu
Du ciel d'hiver, de l'horizon à l'horizon.
Le vent souffle le sable au
travers du plancher.
Être visible, ici, c'est être blanc, c'est être
De la masse du blanc, c'est l'accomplissement
D'un extrémiste appliqué à
son exercice...
La saison change. Un vent froid vient glacer la plage.
Ses longues lignes se font plus longues, plus vides.
Une noirceur s'amasse, mais ne
tombe pas
Et la blancheur se fait moins vive sur le mur.
L'homme qui marche se retourne sur le sable
Sans expression précise. Il
observe comment
Le nord élargit toujours tout cela qui change
Avec ses brillances frigides, ses rafales
En bleu et rouge, avec ses
bourrasques où passent
D'immenses boutefeux, avec son vert polaire,
Couleur de glace et de feu et de solitude.
III
Adieu à une idée... La face de
la mère,
La visée du poème, emplit toute la pièce.
Ils sont ensemble ici et ici il fait chaud,
Sans la moindre prescience des
rêves futurs,
Et c'est le soir. La maison est le soir, dissoute
À demi. Seule en demeure, étolée d'étoiles,
L'autre moitié, qu'ils ne
peuvent pas posséder.
C'est la mère qu'ils possèdent, qui transparence
Donne à leur paix présente, elle qui plus aimant
Rend ce qui peut être aimant.
Elle aussi pourtant
Est dissoute, elle aussi détruite. Elle fait don
De transparence. Mais elle est devenue vieille.
Le collier est gravure et n'est
point un baiser.
Les douces mains sont geste, et ne sont point toucher.
La maison croulera, les livres brûleront.
Ils sont à l'aise dans un abri
de l'esprit,
Et la maison est de l'esprit, comme le temps
Comme eux tous, tous ensemble. La nuit boréale
Semblera givre lorsqu'elle
s'approchera
D'eux et pour la mère au moment de s'endormir,
Au moment qu'ils disent bonne nuit, bonne nuit.
Les fenêtres seront allumées,
à l'étage,
Non pas les chambres. Un grand vent étalera
Ses venteuses grandeurs dans chaque direction
Et s'en viendra frapper à la
porte, pareil
À des coups de crosse de fusil. C'est le vent,
Qui d'un bruit invincible viendra les soumettre.
IV
Adieu à une idée... Ni les
annulations,
Ni les négations ne sont jamais dernières.
Le père siège dans l'espace — où qu'il s'assoie —
De regard morne, en homme qui
connaît la force
Aux buissons de ses yeux. Et il dit non à non
Et oui à oui. Il dit oui à non; disant oui
Il dit adieu. Il mesure du
changement
Les vélocités. Il bondit de ciel en ciel
D'une plus vive allure que les mauvais anges
Ne bondissent du ciel vers les
enfers en flammes.
Mais pour l'heure il siège au calme et au vert-en-jour.
Il assume les grandes vitesses spatiales
Et les brimbale de couvert à
dégagé,
De dégagé à grand clair dans les envolées
De l'œil et de l'ouïe, l'œil le plus culminant
À la plus basse ouïe, à la
profonde ouïe
Qui discerne, le soir, les choses qui l'assistent
Jusqu'à ce qu'elle entende ses propres préludes
Surnaturels, au moment où l'œil
angélique
Définit ses acteurs qui s'approchent, en bande
Avec leurs masques. Maître ô maître qui siégez
Près du feu et pourtant dans
l'espace, immobile,
Et êtes du mouvement pourtant l'origine
Toujours plus éclairante, qui êtes profond
Et pourtant êtes roi, et
pourtant la couronne,
Voyez ce trône présent. Quelle bande à masques
Pourrait en former un chœur avec le vent nu?
V
La mère invite dans sa demeure,
à sa table
L'humanité. Le père mande des conteurs
D'histoires et des musiciens, qui vont muant
Et vont musant beaucoup autour
de ces histoires.
Le père mande des négresses, qu'elles dansent
Au milieu des enfants, comme un mûrissement
Curieux du modèle du mûrir de
la danse.
Pour eux, les musiciens ont des tons insidieux,
Lacérant la rengaine de leurs instruments.
Les enfants rient et grattent un
tempo grinçant.
De l'air, le père mande des divertissements,
Des scènes du théâtre, des panoramas
Et des forêts en masse et des
rideaux qui semblent
Comme une prétention naïve de sommeil.
En leur milieu, les musiciens font retentir
Le poème instinctif. Le père
mande encore
Ses troupeaux détroupés, à la langue barbare,
Les moitiés pantelantes, baveuses, du souffle,
Obéissant à la touche de sa
trompette.
Alors — c'est Chatillon, ou comme ça vous chante.
Nous sommes dans le tumulte d'un festival.
Quel festival? Cette badauderie
sans ordre
Et bruyante? Ces hospitaliers-là? Ces hôtes
Pareils à des butors, ces musiciens scandant
Une tragédie, rataplan, ainsi
conçue:
Il n'y a pas de texte? Il n'y a pas de pièce.
Ou: les gens en jouent du simple fait qu'ils soient là.
VI
C'est un théâtre flottant
parmi les nuages,
Il est nuage, mais de rocher embué
Et de monts dévalant comme l'eau, vague à vague,
Parmi des vagues de lumière. Il
est nuage
Transformé en nuage à nouveau transformé,
Oisivement ; ainsi va la saison changeant
De couleur sans aucune raison,
si ce n'est
Pour se montrer prodigue en son endroit, au cœur
De ce qui change comme la lumière change
Le jaune en or et l'or en ses
portions d'opale
Et les délices de la flamme, éclaboussée
Au long du large car elle aime la splendeur
Et les pompeux plaisirs de
l'espace splendide.
Le nuage, à travers des formes mi-pensées
Oisivement divague. Le théâtre est plein
D'oiseaux volant en v sauvage,
rappelant
Le plumet d'un volcan, avec leurs yeux aux palmes,
Qui vont s'effaçant, franges dans un corridor,
Un portique massif. Un capitole
vient
De surgir, peut-être, ou bien vient de s'écrouler.
Le dénouement doit être remis à plus tard...
Ce n'est rien si ce n'est en un
seul homme inclus,
Rien, tant que cette chose nommée n'est sans nom
Et détruite. Il ouvre sa porte sur des flammes.
L'érudit d'une seule chandelle
regarde
Une effulguration arctique flamboyer
Sur le cadre de tout ce qu'il est et prend peur.
VII
Est-il une imagination qui
siège et trône
Aussi âpre qu'elle est bienveillante, le juste
Et l'injuste, et qui au beau milieu de l'été
Stoppe pour imaginer l'hiver?
Quand les feuilles
Sont mortes, va-t-elle prendre sa place au nord
S'y enclosant, sauteuse caprine, cristalle
Et lumineuse siégeant en plus
haute nuit?
Et ces cieux l'ornent-ils et la proclament-ils
La créatrice blanche du noir, dont le jais
Vient des extinctions — même,
il se peut, de planètes,
Même de notre terre, même du regard,
Dans la neige, hors lorsqu'en guise de majesté,
Il la faut dans le ciel au titre
de couronne
Et de cabale de diamants? À travers nous
Elle saute, à travers tous nos cieux elle saute,
Éteignant nos planètes chacune
après l'autre,
Laissant, de ce que nous étions et nous voyions,
De ce que nous savions l'un de l'autre et pensions
L'un de l'autre, un résidu
tremblant et transi
Et caduc, à l'exception de cette couronne
Et cabale mystique. Mais elle n'ose pas
Sauter par pur hasard dans sa
propre noirceur.
De destinée, elle doit changer en caprice
Vague. Et ainsi sa tragédie de jais, sa stèle
Et sa forme et son faire
endeuillé sont en quête
De ce qui doit, et, à la fin, peut les défaire,
Par exemple, un récit cavalier sous la lune.
VIII
Il se peut que l'innocence ait
toujours un temps.
Elle n'a aucun lieu. Ou, s'il n'est aucun temps,
Si elle ne relève du temps ni du lieu,
Existant pour soi seule dans sa
propre idée,
Dans le sens opposé à la calamité,
Elle n'est pas moins réelle. Le philosophe,
Le plus âgé et le plus gelé,
peut poser
Pour pur principe qu'il est ou peut être un temps
D'innocence. Sa nature est sa propre fin,
Qu'elle ait à être et ait
pourtant à n'être pas,
Pinçon sur la pitié de l'homme pitoyable,
Comme un livre, le soir, magnifique mais faux,
Comme un livre sur l'éveil
magnifique et vrai.
Elle est comme un objet dans l'éther, elle existe
En quasi prédicat. Et pourtant elle existe,
Elle existe, elle est visible,
elle est et elle est.
Ainsi donc, ces lumières ne sont pas un charme
De la lumière, une énonciation du nuage,
Mais innocence. L'innocence de
la terre
Et non signe erroné, symbole de malice.
Que nous y prenions part et nous nous allongions
Ainsi que des enfants dans cette
sainteté,
Comme si, éveillés, nous étions étendus
Dans la paix du sommeil, que la mère innocente
Chantât dans la pièce obscure,
en s'accompagnant
D'un accordéon que l'on entendrait à peine,
Créa le temps et le lieu où nous respirions...
IX
Et que nous pensions l'un de
l'autre — dans l'idiome
Du travail, l'idiome d'une terre innocente
Non celui de l'énigme du rêve coupable.
Et nous étions alors ainsi que
des Danois
En Danemark au cours de la journée, sachant
Très bien qui nous étions l'un l'autre, cœurs gaillards,
Hommes centrés et pour qui
l'excentrique était
Un jour de la semaine, mais plus saugrenu
Que dimanche. Nous pensions de même façon,
Ce qui nous rendait frères dans
une maison
Où nous nous sustentions d'être frères, nourris
Et gavés comme d'un rayon de miel seyant.
Ce drame que nous vivons —
nous sommes couchés,
Tout poisseux de sommeil. Cette appréciation
De l'activité du destin — Le rendez-vous,
Lorsqu'elle s'en vint, seule,
par sa venue même,
Devint liberté à deux, un isolement
Que seulement ces deux-là pouvaient partager.
Au printemps prochain, nous
trouvera-t-on pendus
Aux arbres? De quel désastre est cette imminence :
Branches nues, arbres nus, vent plus aigre que sel?
Les étoiles se ceignent de
scintillations,
Jetant sur leurs épaules des capes d'éclairs
Comme l'ultime parure d'une grande ombre.
Cela, demain, viendra par le mot
le plus simple,
Peut-être, presque en part de l'innocence, presque,
Presque comme la part la plus vraie, la plus tendre.
X
Un peuple de malheur, un monde
de bonheur —
Lis les phases, rabbin, de cette différence.
Un peuple de malheur, un monde de malheur —
Il est trop de miroirs, ici,
pour la misère.
Un peuple de bonheur, un monde de malheur —
Cela ne peut pas être. La langue expressive
N'y trouve rien à rouler, le
croc dans sa quête.
Un peuple de bonheur, un monde de bonheur —
Ô bouffon ! Et un bal, un opéra, un bar.
Revenons où nous étions quand
nous commençâmes :
Une peuple de malheur, un monde de bonheur.
Maintenant, solennise toutes les syllabes
Dissimulées. Pour aujourd'hui
et pour demain
Lis à la congrégation cette extrémité,
Cette concertation du spectre des sphères,
Concertant un équilibre afin de
pouvoir
Concerter un total, le vital, le génie
Qui jamais ne faillit, qui comble entièrement
Ses méditations, vastes ou bien
moins vastes.
Malheureux de cet état, il médite un tout,
L'entier de la fortune et l'entier du destin,
Comme s'il vivait toutes les
vies, pour qu'il puisse
Savoir, dans un couloir virago et non pas
Dans un paradis où tout n'est que chuchotis,
Par une chamaillerie entre vent
et temps,
Auprès de ces lumières qui ressemblent au
Feu du fétu d'été, dans le cran de l'hiver.
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Page
tirée d'un conte
1 NdT: Les mots
allemands en italique dans le texte proviennent du poème n° 31 des Lyrisches
Intermezzo de Heinrich Heine; les mots anglais du poème The Lake
Isle of Innisfree de Yeats.
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Dans la brillance crue de ce jour-là d'hiver
La mer avait gelé et Hans sur le rivage
Entendit, près de son feu fait de bois flotté,
La différence entre eau sonore et vent sonore,
Entre ce qui n'a pas de syllabes exactes
Et ce qui crie So blau1 puis crie encor So lind
Und so lau, entre son insensé et parole,
Of clay and wattles made au long de sa montée
Et hear it dans sa tombée in the deep heart's core.
Non loin de lui gisait un vapeur, pris aux glaces.
So blau, so blau… Hans écoutait près de son feu.
De neufs astres, et grands de plus d'un pied, surgirent
Et scintillèrent. And a small cabin build there.
So lind. Le vent rugit pendant leur chant. So lau.
Le grand vaisseau, Balayne, avait gelé en mer.
Les étoiles d'un pied en annonçaient la mort
Jusqu'aux farouches bords de son habitation.
Elles n'étaient en rien étoiles de tiédeur
Mais, se tenant aux déserts à minuit, sans peur
Rendaient à Hans son regard d'un regard rageur.
L'algue humide crachota, le feu s'étouffa,
La froidure était comme un endormissement.
La mer était une mer au sein de ses rêves.
Pourtant Hans était éveillé. And live alone
In the bee-loud glade. Sur le vapeur, des lumières
Bougeaient. À l'aube les hommes entreprendraient
De gagner le rivage. Ils seraient effrayés
Du soleil: de ce qu'il allait être, effrayés
Des anges du pays de ces firmaments-là,
Des caudales émues aux asthmes de la glace,
Comme si quoi qui fût dans l'eau, voulant parler,
Patoisait par une brèche de la mémoire.
Il se pouvait que le soleil surgît ou non
Et s'il allait surgir, en jaune et rouge et cendres,
Tous trois opaques, dans un annelet orange,
Plus proche que jamais il ne l'avait été,
Comme objet inconnu, non plus celui par quoi
Le connu ressuscite le mieux, mais celui
Qui le détruit complètement par tel éclat
Pour tel autre, ou tel cours hors des astronomies,
Par-delà l'habituel sentir, forme anarchique
Embrasée — que dans ce bleu gothique il scellât
Ou non le sort fatal promis par ses présages.
Il se pouvait qu'il devînt, alternant en bandes
Du rouge et du blanc, une roue dont les rayons
Convergeaient en un point de flammes sur la ligne,
Avec une roue seconde, accompagnatrice,
Plus basse, surgissant à peine, établie pour
Le franchissement, au travers d'une mêlée
D'illuminations, des bossuages des lames,
Descendant vers la grève au feu de bois flotté.
Il se pouvait qu'à venir il fût escorté,
Issu du chaos, d'un clan boueux, boucané,
Enivré de puissances fluettes, cinglant
Les images qui sont créées dans l'atmosphère,
Rameuté, débandé, et les yeux dans les mains,
Capable incapablement de pensées au mal:
Au moindre geste rompe la glace palpable,
Arcturus en lingots se fonde jusqu'aux larmes,
Ou la nuit se délite en lustres évanouis,
Tournois noirs d'eau dans des tornades de lumière…
Ce que l'eau dit par son flic-flac-floc, les vocables
Du vent, les éminents atomes dont miroite
L'esprit — débarquant sous peu des flancs du navire,
Torche électrique aux mains, ils marcheraient en file,
Aux aguets, sous leurs pieds, d'une crue déferlante.
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Gros
hommes rouge en train de lire |
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Il se trouvait des fantômes pour s'en
revenir sur terre afin d'entendre ses phrases,
Tandis qu'il était assis là à lire, à haute voix, les grandes tabulae
bleues.
Il en était qui, issus des solitudes astrales, s'étaient attendus à
davantage.
Il en était qui s'en revenaient pour l'entendre lire au poème de la
vie,
Évoquant les cuivres au-dessus du poêle, les assiettes sur la table, les
tulipes qui les parsemaient.
Il en était qui eussent sangloté à pénétrer nu-pieds dans la
réalité,
Qui eussent sangloté et été heureux, eussent frissonné dans le
givre
Et poussé des clameurs pour le sentir une fois de plus, eussent fait
courir leurs doigts sur les feuilles
Et parmi les épines les plus torses, eussent agrippé ce qui était laid
En ri, tandis qu'il se tenait assis là à lire dans les grandes
tabulae pourpres
Les linéaments de l'être et ses expressivités, les syllabes de sa loi:
Poesis, poesis, les caractères littéraux, les lignes vatiques,
Qui dans ces oreilles et dans ces minces cœurs consumés
Revêtaient une teinte, revêtaient une forme et la taille des choses
telles qu'elles sont,
À dire pour eux l'émotion, qui était ce dont le manque les avait
points. |
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Cette
solitude des cataractes
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Jamais il n'éprouva deux fois la même chose
Pour le fleuve ocellé qui s'écoulait sans cesse
Mais ne s'écoulait jamais mêmement deux
fois,
S'écoulant par maints endroits, comme s'il était
Immobile en un lieu, aussi fixe qu'un lac
Sur lequel les canards sauvages voltigeaient,
Ridant ses réflexions communes, Monadnocks
Pareils à des pensées. Il semblait qu'il y eût
Une apostrophe qui n'était pas proférée.
De ce qui est réel, il en existait tant
Qui n'était en rien réel. Il désirait
D'éprouver la même chose encore et encore.
Il voulait que le fleuve allât continuant
De couler, et toujours de la même façon,
Et qu'il continuât de couler. Il voulait
De marcher, au long de son bord, sous les platanes,
Sous une lune solidement enclouée.
Et il voulait que son cœur s'arrêtât de battre,
Il voulait que son esprit connût le repos
D'une réalisation permanente, sans
Aucun canard sauvage ou aucune montagne
Qui n'était pas montagne, juste pour savoir
Ce que cela serait, juste afin de savoir
Ce qu'on éprouverait, une fois délié
De la destruction, à être un homme de
bronze,
Respirant, sous le lapis archaïque, sans
L'oscillation des passe-passe planétaires,
Son haleine de bronze au centre azur du temps.
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Dans
l'élément des antagonismes |
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Si c'est un monde démuni d'aucun génie,
Il est fort heureusement agencé. Ici,
Nous demandons ce qui donc, pour nous, plus importe,
Tous les génies, ou un seul homme qui, pour nous,
Est plus grand qu'eux, aux foulées de son cheval d'or,
Comme une bête conjurée, miraculeuse
Dans son panache et son allure? Les oiseaux
Pépient des pandémoniums autour de l'idée
Du chevalier des chevaliers, composé bien
Dans son lustre esseulé, la tour, l'antique accent,
La hauteur transie. Le grand-drame du noroît
Paraît choir dans un corridor d'excès, hélas! |
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Dans
une sale époque
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De quel degré de démence eût-il dû
souffrir
À dire «Il contempla un ordre et s'y contint
Dès lors»? Il contempla l'ordre des cieux du nord.
Mais l'œil du mendiant fixe la calamité
Qui dès lors le contient, l'eau à goût de misère
Et le pain qu'on trouve si chichement. Pour lui,
La beauté glaciale du froid est son destin.
Sans comprendre, il y est contenu et la nuit,
Et minuit et ce qui s'en vient après, où c'est.
Qu'est-ce, ce qu'il a? Il a ce qu'il a. Mais qu'est-ce?
La question n'est pas d'une répartie captieuse.
Qu'est-ce qu'il a, qui est force au for de son cœur?
Il a son dénuement et rien d'autre. Il devient,
Son dénuement, cette force au for de son cœur —
Pôle oublieux d'été. Sordide Melpomène,
Pourquoi te pavaner, sans décor, sans lumières,
Sur des planches nues, dans les briques du théâtre,
Attifée d'héliotrope à la teinte inconstante,
En muse du dénuement? Chante à plus haut vers.
Déclare «Je suis la muse pourpre», en veillant
Qu'on te contemple toi, plutôt que tes effets. |
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Le
commencement
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La saison d'été s'achève donc sur la porte
Qu'elle prit et ces rouilles rognées de souillures.
Maison vide. Or assise, ici, elle coiffait
Ses cheveux constellés de candeur impalpable,
Perplexe devant leurs irisations plus sombres.
Mais voici le miroir où elle avait coutume
De voir l'être du moment, dénué d'histoire,
L'été de l'été perçu tout de perfection,
D'éprouver sa gaieté campagnarde et sourire,
Et d'être surprise, à lèvre et main qu'elles tremblent.
Voici la chaise où elle a empoigné sa robe,
L'ample étoffe tissue d'un soin très minutieux
Qu'un tisseur a brochée aux sons de douze cloches…
La robe gît au sol, où elle fut quittée.
Et les premiers *tutoyers* de la tragédie
Parlent doucement, pour commencer, aux gouttières. |
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Le
compatriote
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Swatara, Swatara, ô fleuve noir,
Dévalant de la cape de minuit
En direction du cap que tu empruntes
Pour pénétrer dans la mer basanée,
Swatara, Swatara, lourds les coteaux
Sont, en surplomb de toi, comme tu vas,
Qui t'en vas noirement et sans cristal:
À tes côtés marche un compatriote.
Il ne songe au cap non plus qu'à la cape,
Mais à ton seul mouvement basané,
Mais toujours aux flots de l'eau basanée,
Dont Swatara est l'haleine, le nom.
Il ne dit pas un mot à tes côtés.
Il est là car il veut être et que d'être
Là, parmi la lourdeur de ces coteaux
À marcher au long de cette eau qui va —
Être là, c'est se trouver en un lieu,
Comme d'un personnage en tout endroit,
Lieu d'une présence allant basanée,
Lente, à l'allure d'un nom basané. |
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Le
poème ultime est abstrait
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Ce jour se tord de quoi? Le conférencier
Sur Ce Beau Monde Nôtre se compose un air,
Il toue la terre rose et il la saute mûre
Et rousse, et assentie. La question
spécifique —
Ici ce n'est pas la réponse spécifique
À la question spécifique qui est en cause —
La question est en cause. Si le jour se tord,
Ce n'est pas de révélations. On continue
À poser des questions. Voilà, en conséquence,
L'une des catégories. Dit de telle sorte,
Cet espace placide se voit modifié.
Il n'est plus aussi bleu que ce qu'on avait cru.
Pour être bleu, il faut que cessent les
questions.
Il est intellect de giroiements tourniquants,
D'esquives culbutées, de contorsions selon
Des obliques et des distances erronées,
Non pas un intellect où nous sommes ingambes :
Présent en tout point de l'espace en même temps,
Pile nubileuse de communication.
Quel contentement nous connaîtrions le jour
Où nous pourrions, rien qu'une seule fois, tenir
Au centre, fixement dans Ce Beau Monde Nôtre
Et non comme aujourd'hui sans secours au rebord,
Contentement assez que nous en puissions être
Entiers, car ce serait au centre, quand bien
même
Ce ne serait que dans un sens, et dans ce sens
Gigantesque, simplement à nous éjouir.
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Bouquet
de roses au soleil
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Disons-en que l'effet est grossier, rouges
noirs,
Jaunes roses, blancs orangés, trop tels qu'ils sont
Pour être rien d'autre au soleil de cette pièce,
Trop tels qu'ils sont pour changer par la métaphore,
Trop là, objets si pris au fait d'être réels
Que les imaginer donne des objets moindres.
Cet effet pourtant découle de la façon
Dont nous sentons et, dès lors, n'est pas réel, hors
De ce sentiment nôtre, notre sens du rouge
Le plus fertile, du jaune en couleur première
Et du blanc, où le sens pause, en repos d'un homme,
Vaste, au sein d'un parfaire de sa vérité.
Notre sens de ces choses change et elles changent,
Non comme en métaphore: dans leur sens en nous.
Sentir excède ainsi tout de la métaphore,
Excède les lourds changements de la lumière,
Tel un flot de significations sans discours
Et d'autant de significations qu'il est d'hommes.
Ces roses, à les regarder, nous en usons
Tous deux, en étant nous. C'est de là qu'elles semblent
Si hors de portée de l'art du rhétoricien. |
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La
chouette dans le sarcophage
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I
Deux formes vont au milieu des
morts, haut sommeil
Qui par son élévation les calme, paix haute
Aux épaules de qui même les cieux reposent,
Deux frères. Et une forme
tierce, qui dit
Au-revoir dans les ténèbres, à voix tranquille,
À ceux qui ne peuvent dire au-revoir eux-mêmes.
Ces formes sont visibles à l'œil
en besoin,
En besoin dans le tout nécessaire du voir.
La forme tierce parle, car l'ouïe répète
Sans une voix, les inventions de
l'adieu.
Ces formes ne sont point abortives figures,
Rocs, impénétrables symboles, immobiles.
Elles vont dans la nuit, vivent
sans notre jour,
Dans un élément non la pesanteur du temps
Au sein duquel la réalité est prodige.
Ici sommeil le frère est père,
aussi, et paix
Est cousin par cent noms et avec la syllabe
Entre vivre et mourir, dans un éclair de voix,
Elle qui vite crie Garde-toi,
garde-toi,
Je m'en vais, garde-toi comme mon souvenir,
Est notre mère à tous, est la mère terrestre
Et la mère des morts. Il n'est
que la pensée
De ces trois sombres-ci qui soit sombre, qui soit
Pensée des formes que le désir sombre prend.
II
Un jour vint, il y eut un jour
— or un beau jour,
Un vivant s'avança au milieu des formes
De la pensée pour voir leur lustre tel qu'il est
Et dans un harmonieux prodige
pour être,
Un moment, enfantant son passage qu'il fût
Comme un passage dans un temps qui de soi-même
Se tenait en suspens, et
pérenne, moins temps
Que lieu, moins lieu que pensée d'un lieu assumant,
S'il assumait une substance, la semblance
De notre terre, qui par cette
ressemblance
Le percuta par échos des pieds à la tête,
Qui produisait une mélodie abyssale,
Une réunion, une émergence au
jour,
Un éblouissement de la réminiscence
Et un éblouissement, aussi, du regard.
III
Il y vit bien les repliements
dans les hauteurs
Du sommeil, la blancheur réduite par pliures,
En maints revêtissements, comme sont les masses
En marche, comme est une
montagne qui va,
Allant à travers le jour et la nuit, teintée
Par les distances, centrale où les turbulences
Lumineuses s'immobilisent, dans
le calme
Extrême d'une unité qui change toujours,
L'unique recueillement, les plus âcres stries
Jointes en un violet
estompé-s'estompant
Qui ceint le corps géant des sens de ses replis,
Le filage et le chiffonnage et le grief,
Comme sur l'eau d'une
après-midi dans le vent
Quand le vent est tombé. Le sommeil fait réel
Était la blancheur qui est l'intellect ultime,
Une liesse de diamant par-delà
le feu,
Qui octroie sa puissance à l'œil annelé fauve.
Par toute la profondeur de son être alors
Il respira la profondeur de
l'atmosphère
Du sommeil, inhalant l'air qui était ensemble
Un accomplissement et une satiété.
IV
Là était paix, pair et
godolphin aliénés
L'un à l'autre, aliénés par scissure en leur centre
Ainsi que la solive des feuilles, le prince
Du virevole-vif et des feux de
Bengale,
Debout, arabesquant le monde. La brillance
En lui du pic et du nadir brillants calmée,
Son brillant brûlait comme bout
le doux soulas.
C'était paix après mort, le frère du sommeil,
Le frère inhumain, si semblable, si prochain,
Mais dans le surplis de l'absolu
d'un ailleurs,
Orné d'éclats glissants et de gemmes cryptiques,
Un personnage immaculé dans le néant
Dont scintille l'habit de
l'entier de l'esprit,
Où les générations de l'imagination
S'empilent dans le cousu du point et du fil,
Dans la tissure où était prise
la merveille
De son besoin, et les premières floraisons
Qui l'ornaient, en alphabet par quoi épeler
La sainte damnation et le terme,
en abeille
Pour que le bonheur puisse être ressouvenu.
Paix était là, ornée de notre dernier sang
Et dernier état d'âme, dans la
damassure
Des originaux du vert, les engendrements
Par milliers issus de la meule brisée.
Telle est la figure en station
à notre terme,
Toujours, brillante, fatale, ultime, formée
Avec nos vies pour nous garder dans notre mort,
Pour veiller sur nous dans
l'été du souterrain
Cyclope, un roi pour chandelle près de nos lits,
Dans la robe qui est notre gloire, en faction.
V
Mais elle qui dit au-revoir,
perdant en soi
Le sens de soi, rosie des prestiges du rose,
Était de haute taille en soi, non par symbole,
Vive et puissante, était
influence éprouvée
Plutôt que vue. Ses mains, tandis qu'elle parlait,
Faisaient des gestes inverses. Par découverte
Elle contenait les hommes
étroitement,
Presque à la façon dont la vitesse découvre,
Comme le changement invisible découvre
Ce qui change, comme ce qui fut
a cessé
D'être ce qui est. Ce n'était pas son allure,
Mais un savoir qui la distinguait. Elle était
Un être qui savait, un objet
intérieur,
Plus subtil que les déclamations de l'allure,
Bien qu'elle avançât au sein d'une splendeur triste,
Par-delà l'artifice, rendue
véhémente
Par le savoir qu'elle avait, là, sur les rebords
De l'oubli. Ô exhalation, ô moulinet
Sans manche et mouvement
s'ouvrant vers l'en-dehors,
Rougi et résolu pour le regard, au sein
Du silence qui suit le dernier de ses mots —
VI
Telle est la mythologie de la
mort moderne
Et dans leurs amuïssements, monstres d'élégie,
De leur propre merveille faits, de pitié faits,
Composés, composés, vie par
vie, ceux-là sont
Les images suprêmement de la mort même,
Pures perfections de l'espace parental,
Enfants de ce désir qui est la
volonté,
Fût-elle de la mort, les êtres de l'esprit
Dans l'espace de l'esprit muré de lumière
L'embrasement fleuriant... C'est
un enfant, l'esprit,
Qui pour dormir chante parmi ses créatures,
Les gens, tous ceux-là par quoi il vit et il meurt.
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Saint
Jean et le mal au dos
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Le mal au dos
L'esprit est la plus pire force de ce monde,
Père, parce qu'en fait lui seul peut nous défendre
Contre lui-même. À sa merci, nous dépendons
De lui.
Saint Jean
Le monde
n'est pas force mais présence.
Et présence n'est pas esprit.
Le mal au dos
La présence est
Kinder-Scenen.
Saint Jean
Elle imbibe l'être avant même
Que l'esprit ait le temps de penser. Et l'effet
De l'objet se situe au-delà du pinçon
Le plus extrême de l'esprit, assurément,
Comme en une couleur soudaine sur la mer —
Mais ce vert à grands coups de brosse n'est pas elle.
Ou, sur mode tragique, ce temps de l'année
Quand, clic, sur l'été demi dénudé l'automne
Mugit — mais ce dépouillement de cotte jaune,
Ce n'est pas elle. La présence, ce n'est pas
La femme, rencontrée, dont on a peu coutume,
Et qui pourtant, au premier regard, est humaine
Jusque dans les plus incroyables profondeurs.
Mes mots ne sont pas aussi tendus que la lyre.
Je veux dire : ces illustrations ne sont pas
Des anges, certes non ; elles ne sont pas plus
Des coups brillants émanant d'eux, rou-rou-kirou,
Ou ce qu'on a de chance d'un bloc obtenu
Sur un air de guitare. Elles nous sont une aide
Pour affronter l'abysse sidérant qui gît
Entre nous et l'objet, la cause extérieure,
Nous sont la petite ignorance qui est tout,
Nous sont le nid possible dans l'arbre invisible,
Où, dans une saison composite, pour l'heure
Encore inconnaissable, niée, réfutée,
Logerait un serpent, pour nos hymnes captieux
Tonnant, érigé, sinueux, dont le venin
Et la sagesse seraient une seule chose.
C'est alors que la colombe flétrie pourra
Connaître les atteintes d'une âge chenu.
Le savoir de ce jour nous appesantira.
Le mal au dos
Il se peut, il se peut. C'est possible. Pour moi,
La présence est enfouie à trop de profondeur
Que je puisse en apprécier la réaction
Irrationnelle en tant que ce qui fait souffrir. |
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*Celle
qui fût Héaulmiette*
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De la première tiédeur du printemps
Et du chatoiement des épicéas,
Parmi les arbres bancroches et nus,
Elle a trouvé un recours face au froid,
Comme un sens audible dans le néant,
Comme la neige avant qu'elle mollisse
Et se voie réduite à de simples plaques,
Comme un havre inclus non pas dans un arc
Mais dans un cercle, inclus non pas dans l'arc
De l'hiver, dans le cercle sans brisure
De l'été, sur le bord battu de vent
Âpre dans l'ombre de glace du ciel,
Que tout cela bleuit, blanchit, durcit
Et d'eau pourtant ruisselant au soleil,
Enstrassée et engemmée et enfuie,
Autre américaine vulgarité.
Dans ce fourreau natif elle est fichée
En maîtresse d'une idée, en enfant
D'une mère aux vague bras amputés
Et d'un père barbu de son feu même. |
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Imago
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Qui peut ramasser le poids d'Angleterre
Qui, bouger la charge allemande ou dire
Aux Français: ici, revoici la France?
C'est Imago. Imago. Imago.
Elle n'est rien, ni grand-chose, ni homme
De dix brillances d'un or martelé
Et pierre de fortune. Elle déploie
Dans le cœur et dans l'esprit sa parade
De déploiements, superbe fortitude.
L'homme medium en février entend
Les cantiques de l'imagination,
En voit les images, les déploiements
Et la multitude des déploiements,
Et de l'imagination il ressent
Les compassions, au sein d'une saison
Qui est plus que soleil et vent du sud,
Qui est quelque chose faisant retour
Revenue d'une strate plus profonde,
Un glacier qui s'avance et qui s'écoule
En frayant sa voie au creux d'un délire,
Faisant de ce pesant roc un endroit,
Qui point ne se compose de nos vies…
À pas légers et légers, ô ma terre,
Déploie-toi dans l'air légère à nouveau. |
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Un
primitif pour orbe
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I
Le poème essentiel au centre des choses,
Les arias que les crincrins spirituels émettent
Ont saturé de bien la fonte de nos vies
Et la fonte de nos travaux. Mais, chers Messieurs,
C'est là perception malaisée, ce bien gaveur
Rapporté par des nymphes aux yeux trop madrés,
Cet or tout essentiel, cette trouvaille faite
Par la fortune, disposée, re-disposée
Par des génies si minces en un air si pâle.
II
On ne prouve pas l'existence du poème.
Il se fait voir, il se fait connaître au travers
De poèmes de moindre amplitude. Il est, lui,
L'immense, la massive harmonie qui résonne
Un peu et puis un peu, soudainement, usant
D'un sens distinct. Il est et il n'est pas, et est
Par conséquence. Dans l'instant de la parole,
L'envergure d'un accelerando s'avance,
Captive l'être, s'accroît — puis a été là.
III
Quel lait trouve-t-on dans telle captivité,
Quel pain de froment, quel gâteau de sarrasin,
Quels tendres invités verts, quelle table aux bois
Avec chansons au cœur, au sein du mouvement
D'un court instant, au sein d'un espace agrandi,
L'inévitable bleu du tonnerre reclus,
Une illusion, comme il en fut, oh, toujours, comme
Trop lourd pour que le sens s'en saisisse, le comme
Le plus obscur, et fut toujours dans la distance...
IV
Un seul poème est preuve d'un autre et du
tout
Pour les clairvoyants qui n'ont pas besoin de preuve :
Pour l'amant, pour le croyant et pour le poète.
Leurs mots sont choisis dans leur désir, de la joie
Du langage, quand elle est eux-mêmes. Par eux,
Ils célèbrent le poème central, le comble
Des combles, en des termes opulents, derniers,
Les plus vastes, enflés et gonflés d'encor plus
V
Jusqu'à ce que la terre et le ciel
coutumiers,
Et l'arbre et le nuage, l'arbre et le nuage
Coutumiers, se défont de l'us et la coutume
Anciens qu'on en eut et qu'alors: ces humains,
Cette terre et ce ciel s'informent l'un par l'autre
D'informations tranchées, de savoirs tranchés, libres,
Celés jusqu'à ce jour, ruptures de cela
Qui les maintint étroitement liés. C'est comme
VI
Si le poème central devenait le monde
Et le monde le poème central, chacun
Le commensal de l'autre, comme si l'été
Était épouse épousée à chaque matin,
À chaque longue après-midi, était l'épouse
De l'été: son allure et son miroir, son lieu
Et sa personne, une instance d'été douée
De parole, dénonçant l'être divisé
En instances, tout un. Le poème essentiel
VII
Engendre tous les autres. L'éclat qui en
sourd
N'est pas éclat distinct ni d'ascension pénible.
Le poème central est poème du tout,
Est poème de la composition du tout,
La composition de la mer bleue et du vert,
De l'éclat bleu et du vert en poèmes moindres,
Et le multiplex miraculeux des poèmes
Moindres, non seulement leur union en un tout,
Mais le poème du tout, le pacte essentiel
VIII
Des parties, la rondeur qui ferme
étroitement
L'anneau final et ce qui dans une altitude
S'élancerait, une vis, un principe, voire
La méditation d'un principe, ou encore
Un ordre inhérent agissant pour devenir
Soi-même, une nature toute bienfaisance
Pour ses natifs, un répit, le répit suprême,
Les muscles d'un aimant senti à bon escient,
IX
Un géant, sur l'horizon, tout étincelant
Et de vive excellence orné, portant cimier
De chaque feu prodigue et familier, de chaque
Escapade non-familière: des vrombirs
Et des luisants grésils qu'apprécient les enfants,
Vêtu des graves drapés de la majesté,
En mouvement autour et derrière, une suite,
Source de trompetants séraphins pour les yeux,
X
Source d'aimables déflagrations dans
l'oreille.
C'est un géant, toujours, qui est développé,
Pour conserver l'échelle, à moins que la vertu
Ne le coupe, n'en rogne la taille aussi bien
Que l'esseulement ou croie le faire, comme une
Photographie signée sur une cheminée.
Mais le virtuose ne se défait jamais
De son contour, sur l'horizon toujours allonge
Ses coupes, et toujours abondant, et toujours
XI
Angélique impose un pouvoir par la puissance
De sa forme. Ici, donc, se trouve une abstraction
Dotée d'une tête, un géant doté de bras
Sur l'horizon, un corps massif aux longues jambes
Qu'il étire, une définition qu'accompagne
Une illustration, assez peu exactement
Étiquetée, un vaste parmi ses minimes,
Une magnitude très proche, parentale
Au centre de l'horizon, concentrum, personne
XII
Grave et prodigieuse, patron des origines.
Voilà. L'amant rédige, le croyant entend,
Le poète bredouille et le peintre regarde,
Chacun, l'excentricité qui lui est destin,
En tant que part, mais part, particule tenace
Du squelette de l'éther, du total des lettres,
Prophéties, perceptions, mottes de couleur,
Du géant du néant, chacun et le géant
Toujours en changement, vivant en changement. |
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De
la métaphore comme dégénération |
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S'il est un homme à la blancheur
marmoréenne
Trônant en un bois, dans sa partie la plus verte,
Qui rumine les sons des images de mort,
Il est de même un homme en un espace noir,
Trônant au sein de rien que nous puissions connaître,
Qui rumine les sons des bruissements des fleuves;
Et ces images et ces réverbérations,
Et d'autres, rendent certaine la façon qu'être
A d'inclure la mort et l'imagination.
L'homme de marbre demeure soi dans l'espace.
L'homme dans le bois noir s'en descend inchangé.
Il est certain que le fleuve ne saurait être
Swatara. Le fleuve basané dont le flux
Encercle la terre et s'écoule à travers cieux,
Et se tord dans les espaces universels,
Ne peut être en aucun cas Swatara. C'est l'être.
Tel est le fleuve aux flancs de flaches et de floches,
L'éclat luisant d'un souffle — ou bien serait-ce l'air?
D'où, donc, la métaphore en dégénération,
Quand Swatara devient ce fleuve d'ondoiements
Et le fleuve, océan, dépris de terre et d'eau?
Ici croît la violette noire qui s'incline
Jusqu'à ses berges et la mousse mémorielle
Y coud ses verdeurs, tandis qu'il s'écoule et va. |
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La
femme en pleine soleil |
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C'est seulement que ce trajet, cette
tiédeur,
Semblent la tiédeur et le trajet d'une femme.
Ce n'est pas qu'il y ait quelque image dans l'air
Ni le commencement ni la fin d'une forme:
Il est vide. Or une femme en or sans couture
Nous brûle par les effleurements de sa robe,
Avec une abondance d'être dissociée,
Rendue plus définie par ce qu'elle-même est —
Car elle est dépourvue d'aucun corps, apportant
Les senteurs des prairies de l'été, professant
Le taciturne et le pourtant indifférent,
Invisiblement clair, unique et seul amour. |
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Réplique
à Papini |
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À toutes les
époques solennelles de l'histoire humaine… les poètes se sont dressés
pour entonner l'hymne de la victoire ou le psaume de la supplication…
Cessez, donc, d'être les adroits calligraphes de rêveries gelées, les
chasseurs de phosphorescences cérébrales.
LETTRE DE CÉLESTIN VI, PAPE, AUX POÈTES
P.C.C. GIOVANNI PAPINI
I
Piètre procurateur, pourquoi demandes-tu
Qu'un autre dise ce que Célestin lui-même
Devrait dire pour soi? Il a, lui, un sujet
Dont la vie se continue sans fin. Le poète
Ne connaît que les formulations de minuit.
Célestin est-il délogé? Combien plus dur
De trouver le chemin qui parcoure ce monde,
Que le chemin qui conduise en son au-delà.
Tu sais que le nucléus d'un âge n'est pas
Le poète mais le poème, la croissance
De l'esprit de ce monde, l'effort héroïque
De ce qu'est vivre exprimé comme une victoire.
Le poète ne se dresse pas aux décombres
Proférant des consolations amphigouriques.
Il partage les confusions de l'intellect.
Giovanni Papini, au nom de ta foi, sache
Son vœu que toute poésie âpre soit vraie.
Cette pastorale d'endurance et de mort
Est d'une nature qui doit être perçue,
Non pas imaginée. Les distanciations
Doivent capituler, les distanciations
Y compris à l'encontre de la poésie.
II
Célestin, le civilisé, le généreux,
Comprendra ce que c'est que comprendre. Le monde
Est encore profond et dans ses profondeurs
Se tient l'homme, à l'étude du silence et soi,
Campé face aux réverbérations dans les voûtes.
Or voici qu'un jour il se fait qu'il accumule
Et le temps et soi-même en péans tout humains.
Mais une politique de propriétaire
N'est pas un lieu où puissent sonner des péans.
Ces hymnes-ci sont appropriés à ce monde
Dans ses complexités, une fois qu'on les sait,
Ses dehors intriqués, une fois qu'on les voit.
Ils deviennent notre possession graduelle.
Le poète accroît les aspects de l'expérience,
Comme d'enchantement, analysés, fixés
Et finals. Tel est le centre. Le poète est
Le fils-feu rageur stridulant face à son faire:
La satisfaction sur le verso du sensuel,
L'intellection qui projette des étincelles
Dans le toujours obstinément de la pensée. |
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Le
bouquet
[NdT: cette
traduction est dédiée à Agnès Mourier]
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I
De nature médiane, ce farouche
extrême
Est goutte d'éclair dans un monde intérieur,
Suspendue dans une crânerie temporaire.
Le bouquet dans sa jarre est une
métaphore,
Comme l'éclair lui-même est une métaphore,
Peuplée d'apparitions qui, disparues soudain,
Sont tout aussi soudain de
retour, une crue
De la réalité de l'œil, un artifice,
Un rien, phosphène qui se reflète soi-même.
II
On approche, simplement, la
réalité
De l'autre oeil. Entrant chez soi, on passe le seuil
Du lieu des méta-hommes et des para-choses,
Qui sont hommes pourtant, bien
qu'ils soient méta-hommes,
Choses pourtant, bien qu'elles soient des para-choses;
Méta-hommes pour qui est le monde passé
Aux multiples vitesses du verre
et à qui
Aucun bleu dans le ciel ne saurait être obstacle,
Comme ils comprennent et se parent de puissance,
En se faisant clairs, magistrats
de transparence,
Barbus de chaînes de scintillations bleu-vert,
Portant chapeaux à pois pointillés anguleux,
Transis d'une sous-impuissance
qu'ils connaissent,
Maintenant et parce qu'ils en ont connaissance.
On parvient aux objets de nature médiane
Tels qu'ils sont envisagés par
les méta-hommes,
Non pas à des *choses de Provence*, croissant
En glu, mais aux objets sidérés, sillonnés
Et correctement perçus: le
blanc que l'on voit
En limpide vermeil, fanal de dense argent,
Dans un pays dépourvu de dieu, Ô d'argent
Et le lustre et l'allure et
l'allant d'émotion
Au travers de l'air, rien véritable, et pourtant
Et son être et cet être accotés l'un à l'autre.
Par la porte, on voit sur le lac
que le canard
Blanc file sur l'eau — et narre et narre l'eau narre
L'image qui s'évase à sa suite en idée.
Aux yeux des méta-hommes
l'idée fait partie
De l'image; ils l'envisagent d'exactitude
Au travers du perlé et du port de leur barbe
À pâle crêpelure où roule la
rosée.
Le bouquet vert provient de l'endroit du canard.
Il est centi-couleurs et mille fleurs et mûr,
Et de doulce atmosphère; il est
le premier plan
De scènes glorieuses mais non romanesques,
Le vulgaire le plus amer du marche et crève.
Il se tient sur la table près
d'une fenêtre
Du pays, posé sur une nappe à carreaux,
Blancs et rouges. Le quadrillage des carreaux,
Le squelette du repos, vaguement
respire
Et vaguement s'émeut ou semble s'émouvoir
Vers un discernement où rouge et blanc sont un,
Vibrance de pétales, chus, mais
pris encore
Par filaments triviaux à la chose centrale:
Le tout reconnaissable, central et médian —
Si près du détachement, des
carreaux cornés
De la nappe, et au moment qu'ils sont détachés,
De manière si peu importante passés,
Si scindés, restreints à rien
que navrants débris.
L'oeil ici sur ces lignes vivement fixé
Y rampe, comme si des plumes du canard
Avaient ouvertement chu de
l'air, reparues
Alors sous d'autres formes, comme si la nappe
Et le canard et les excentriques torsions
Du bouquet dans son ravissement
extorquaient
L'attention d'une violence tout attentive.
Des cartes en paquet sont en train de tomber
Sur le sol. Le soleil
secrètement scintille
Contre le mur. On se rappelle d'une femme
Qui se tenait debout, portant la même robe.
III
La rose, le delphinium, le
rouge, le bleu,
Sont les questions de chaque regard qui s'y pose.
Le bouquet, tel que l'observent les méta-hommes,
Est gauchi et gâché par les
munificences
De leur volonté de voir. Voici qu'il existe
En souverain de souvenirs, ni souvenu
Ni oublié, ni vieux, ni neuf,
ne relevant
En rien du sens de la mémoire. Il est symbole,
Il est souverain de symboles, volubile
Dans ses interprétations, que
vient embellir
Par ses vélocités la vision, s'il est vu
En guise de vue, un extrême, un souverain,
Un souvenir, un signe, issu de
ce jour-ci,
De ce matin-ci, de cet après-midi même,
Pas plus d'hier que de demain, un apanage
De l'été indolent, point tout
à fait physique
Quand cependant il est tout à fait de l'été,
Les teintes étriquées que ses couleurs façonnent
L'éblouissement migratoire, les
objets
Seconds qui se dédoublent, sans rien de mystique,
L'infini de ce qui est présent discerné,
Une liberté qui vient à
révélation,
Une réalisation que l'on peut toucher
Le réel qu'un irréel rend plus acéré.
IV
Peut-être ces couleurs,
perspicacement vues,
Se parent au regard de la teinte spéciale
De l'origine. Mais, si tel est bien le cas,
Elles la propagent largement à
l'entour.
Elles propagent profondément à l'entour
Un cristal d'un blanc cristal et des fragments pâles,
Qui tendent à se conformer au
bleu, un rouge
Exact dans l'engorgement de ses composites,
Comme un monstre doté de tout, qui se repose
Et qui pourtant est là, en
travers de la route.
Elles propagent étroitement à l'entour
De la facture de la chose devenue
Para-chose, tous les rudiments
dans la jarre,
La tige, le feuillu, l'herbeux des fioritures,
Le violent aveu foliolé avec soin,
Grêle pied d'alouette et
fougère à crevées
Et rue qui rouille, d'une érudition têtue,
D'une intelligence, dans tout le ténébreux
Prismatique d'une vague dans le
torrent.
Les rudiments dans la jarre, daubés, mignards,
Sont très platement là où ils sont, sans autre art
Que d'être, rendus ardus d'un
parfum de sel,
Intriqués. Il ne s'agit pas d'éclaboussures
Sur une pénombre. Ils se tiennent où ils y sont.
Et ils y sont. Ils sont. Le
bouquet fait partie
D'une trémulation: le doré du nuage,
D'une apparence qui se tient entière et est.
V
Une voiture monte l'allée. Un
soldat,
Un officier, en sort. Il sonne puis il frappe.
La porte n'a pas été verrouillée. Il entre
Dans la pièce et appelle.
Personne. Il se cogne
À la table. Le bouquet choit sur le côté.
Le soldat déambule à travers la maison,
Il jette tout autour un coup d'œil
circulaire
Puis à la fin s'en va. Le bouquet a roulé
Du rebord de la table et gît sur le plancher.
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Monde
sans particularité
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Le jour est imposant et fort —
Mais son père était fort, qui désormais repose
Dans le dénuement de la crasse.
Rien ne saurait être plus amuï que cette
Façon qu'a la lune d'avancer vers la nuit.
Mais ce qu'était sa mère fait retour et pleure sur son sein.
La rougeur mûre des rondeurs des feuilles pèse
De ce que l'été rouge porte de parfums.
Mais elle qu'il aimait devient froideur sous sa touche légère.
À quel bien donc que la terre soit justifiée,
Qu'elle soit complète, qu'elle soit une fin,
Que par soi-même elle suffise?
C'est cette terre-ci en soi, l'humanité…
Il est, lui, le fils inhumain et elle, elle est
La mère fatidique, qu'il ne connaît point.
Elle est le jour, la lune en déambulation
Parmi les épices bouche bée et, parfois,
Il est, lui aussi, humain et la différence disparaît
Et le dénuement de la crasse, la chose en pleurs sur son sein,
La femme haineuse, l'endroit dépourvu de sens
Deviennent un seul être, unique et véridique. |
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Nos
astres viennent d'Irlande
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I
Tom McGreevy, en Amérique,
Se voit sous les traits d'un garçon
C'est de celui-là que j'aimais
Que Mal Bay j'ai tiré,
J'en ai tiré Mal Bay
Et celui-là de cette eau même.
Au haut de la Banque d'Irlande,
Le vent mignonnement
Musique à cordes grêles,
Tel qu'il l'entendait à Tarbert.
Tout cela — fait de lui
Et de moi-même fait aussi.
Il vécut, mourut, dans Kerry,
Moi, c'est Pennsylvanie.
De lui, je fis Mal Bay,
Non un saint chauve entourloupé.
Qu'est-ce que cette eau eût été,
Sans ce qu'il en pensait?
Ces astres sur nos rives viennent de l'Irlande
Qui couvrent et recouvrent Swatara en flaques
Et le Schuylkill. Le son qui de cet homme émane
Traverse une immensité et est entendu.
II
Le penchant de tout pour l'ouest
Ceux-ci sont les cendres d'un temps de flamboiement,
De nuits emplies des astres verts venus d'Irlande,
Humides de la mer, et lumineusement,
Comme des réfugiés abandonnés et beaux.
Tout l'habituel de l'esprit est changé par eux,
Ténèbres gaëlées dans leurs atours fantasques
Soudain lumineux et, eux-mêmes changement,
Un est dans leur penchant qui emporte vers l'ouest,
Eux-mêmes quelque issue face à une fin, comme
S'il y eût une fin où, d'un changer final,
Quand tout de l'habituel de l'esprit fut changé,
L'océan exhalât le matin d'une haleine. |
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Puella
parvula
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Chaque fil de l'été enfin est détissé.
Grande Afrique est d'une chenille dévorée
Et Gibraltar dissout comme un crachat au vent.
Mais du vent, des légendes de son hourvari,
De l'éléphant du toit à voix éléphantesque,
De ce lion en sang, dans la cour quand vient la nuit,
Ou prêt de s'élancer du nuage parmi
Les arbres tremblotants dans un gros bruit de crocs,
Et des bauges aqueuses d'une mer vacante
Dans la déclamation de son vaste gosier,
De tout cela, la puissante imagination
Triomphe à la façon d'une trompette et dit,
En cette saison du souvenir, quand les
feuilles
Choient ainsi que des choses en deuil du passé,
Tiens ton cœur dans la paix, ô chienne qui t'affoles.
Ô esprit rendu fou, sois ce qu'il te dit
d'être:
Puella. Écris Pax au carreau de la vitre.
Et puis tiens-toi tranquille. Voici le début
Du summarium in exelcis... Feu, bruit,
furie
Composés... Prête oreille à ce que dit le maître
Intrépide qui entame le conte humain.
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Le
roman
[NdT: cette
traduction est dédiée à Gervasio Fierro]
1 NdT: Cette
citation, partiellement erronée (le texte est en fait «Olalla blanca en
lo blanco»), est tirée du poème Martirio de Santa Olalla de
Federico Garcia Lorca.
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Les corbeaux survolent le foyer de l'été.
La bise y bat. L'eau s'ourle. Les feuilles reviennent
Vers leur originelle illusion. Le soleil
Se dresse en Espagnol au départ qui, laissant
Le foyer de l'été, pénètre dans celui
Du passé, la rodomontandine vacance.
Mère craignait qu'aux hôtels de Paris je gèle,
Mon lot celui de cet écrivain argentin
Qui, dit-on, la nuit, se bardait de couvertures —
Gantée de noir, une main tire des lainages
Un roman par Camus. Elle me suppliait
D'en rester à l'écart. Ces mots sont de José…
Il est assis près des tressaillements d'un feu,
Primes rougeurs d'hiver rouge, rougi d'hiver,
Foyer piètre et tard face au refroidissement.
Combien tranquille, à Varadero la si vive,
Quand l'eau s'écoulait de la bouche du parleur,
Y disant: Olalla blanca en el blanco1,
Lol-lollant l'interminé de la poésie.
Or la tranquillité c'est, ici, ce qu'on pense.
Le feu flambe comme il l'a appris du roman.
Le miroir fond et se forme et s'avance et capte
De nulle part une haleine à braise brillante.
Il souffle au feu une vivacité vitrée
Et fait flamme la flamme et mordant bien le bois
Qui le mord à morsure, aboyeuse mordante.
La disposition des chaises est hasardeuse,
Autre qu'on les aurait disposées pour soi-même,
Mais selon le style du roman, son tracé
D'un inaccoutumé dans le lieu coutumier,
Un retrato qui est fort de sa ressemblance,
Un second passé premier, un irréel noir
Où tient le passé, dissimulé et vivant.
Les arches du jour croulent dans la nuit d'automne.
Le feu s'affaisse un peu et le livre est fini.
Le calme est le calme de l'esprit. Lentement,
La pièce s'assombrit. Étrange, cette histoire
D'Argentin. Ce n'est que le réel qui puisse être
Irréel, qui soit dissimulé et vivant.
Étrange, aussi, comment soi-même est l'Argentin,
Sentant sous les lainages la peur qui fourmille
Et, gisant sur le sein, le fore jusqu'au cœur,
Droit issue de l'imagination arcadienne,
Ce qu'elle est battant un pouls pesant dans les veines,
Son savoir froid et tel qu'en nous il serait nôtre;
Et l'on tremble d'être si compris et, enfin,
De comprendre, comme si savoir devenait
La fatalité de voir par trop bien les choses. |
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Ce
que nous voyons est ce que nous pensons
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À midi débuta la désintégration
D'après-midi, le retour à phantomerei,
Si ce n'est aux fantômes. Jusque là, l'inverse
Avait prévalu: l'imagination montrait
Les arbres violets quand, à midi, les arbres
Verdoyaient, aussi verts qu'ils le seraient jamais.
Le ciel était plus bleu qu'une phrase à
arceau
Tout ce qui par midi s'était trouvé compris:
Terme du temps normal, d'un seul tenant, élan
Sans rien de déchirant, zénith
imprescriptible,
Affranchi des harangues, midi et la grise
Seconde qui suivit, d'un gris comme violet,
Un violet vert, un fil pour tisser la
jambière
Ou la manche d'une ombre, un vague gribouillis
Sur le socle, une page ambitieuse cornée
Dans le coin supérieur droit, une pyramide
Dont un pan avait l'air d'une coupe spectrale
De sa perception, une déclivité
Et sa caricature et sa vie, bistre et bistre,
Une autre pensée, le suprême pépin... Puisque
Ce que l'on pense n'est jamais ce que l'on voit.
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