DECEMBRE 1942 POURPARLERS ENTRE LE REICHFUHRER HIMMLER ET LE MINISTRE DES AFFAIRES ETRANGERES VON RIBBENTROP |
Dès l'armistice de 1940, le Reichsführer SS chef Heinrich Himmler, chef de la Gestapo et de la police du Reich, nommé ministre de l'intérieur en 1943, avait installé l'ensemble de ses services en France. II y avait d'une part, en uniforme, la police militaire (ORPO), chargée du maintien de l'ordre et la gendarmerie aux armées (Felsgendarmerie) et d'autre part deux formations SS sous commandement d'officiers SS, la police de sécurité (Sicherei Polizei) ou SIPO et le service de séurité (Sicherei Dienst), ou SD. En France, la direction de l'ensemble de tous ces services de police et de renseignements se trouvait à Paris, placée sous la haute autorité du général SS Carl Oberg. Les 2 formations SIPO et SD réunies constituaient le BDS (BEFEHLSHABER DER SICHERHEITS POLIZEI UND DER SICHERHEITSDIENST) plus communément connues sous l'appellation de GESTAPO (GEHEIMNIS STAATS POLIZEI) c'est à dire police de sécurité de l'Etat. Le service Gestapo avait pour chef un colonel SS Helmut Knochen, qui avait sous ses ordres des commandements régionaux dirigés par un KDS (Kommandeur der SIPO und SD), qui lui se chargeait d'implanter des antennes locales. Avant l'entrée des Allemands dans la "zone libre", la Gestapo avait installé auprès du Gouvernement de Vichy une délégation de quelques hommes, chargée de maintenir des contacts avec le Ministère de l'intérieur. En novembre 1942, après l'occupation de la "zone libre", Knochen désigna comme KDS à Vichy, le capitaine SS Hugo Geissler qui connaissait parfaitement les problèmes de la région, puisqu'il dirigeait la délégation auprès du Ministère de l'intérieur. L'antenne que Geissler implanta à Clermont-Ferrand était dirigée par Paul Blumenkampf assisté de sa secrétaire toute puissante Ursula Brandt. Les bureaux étaient situés au 2 bis avenue de Royat à Chamalières et leur prison était celle du 92 RI de Clermont-Ferrand. Nous les avions très vite repérés ; Blumenkampf était un faux jovial, couperosé ; quant à Ursula Brandt, elle fut rapidement sumommée "La Panthère", non qu'elle fut particulièrement féline, en fait elle était plutôt courtaude, mais elle portait un manteau en peau de cet animal et semblait particulièrement y tenir puisqu'elle ne le quittait pas même par 30 degrés à l'ombre. Blumenkampf et Ursula Brandt avaient été, semble-t-il, formés plus particulièrement dans les techniques d'infiltration et de retournement. Dès l'Armistice de 1940, il est certain, que la fermeture de l'Université de Strasbourg et le retour dans le Grand Reich de 500 personnes "élite intellectuelle du corps enseignant et des étudiants de souche allemande" était une affaire d'intérêt national" pour le Reichsführer SS Heinrich Himmler". Mais l'université de Strasbourg se trouvait à Clermont-Ferrand en "zone libre" sous l'autorité du Gouvernement de Vichy et Himmler ne pouvait pas agir sans l'accord de Von Ribbentrop, le ministre des affaires étrangères et celui-ci sur les instances de l'ambassadeur Otto Abetz, chaud partisan de la collaboration, qui pensait devoir ménager quelque peu Vichy, était plutôt réticent. En effet à Vichy on semblait tenir à l'Université Française de Strasbourg et les nombreuses démarches du vice recteur Danjon, dès les premiers jours de l'occupation allemande avaient très certainement influencé l'attitude des gouvernements du Maréchal. L'entrée des Allemands en "zone libre" allait donner à cette affaire une nouvelle impulsion. A cette époque, il est possible de prouver que la fermeture de l'université de Strasbourg et le rapatriement dans le Reich de 500 Alsaciens Lorrains était bien une affaire d'intérêt national pour le Reichsfuhrer Heinrich Himmler, mais qu'il lui fallait négocier avec les Affaires Etrangères pour obtenir l'autorisation d'agir. Ces preuves, nous les détenons par la découverte de documents archivés par le colonel SS Reichel, conseiller rapporteur au Ministère des Affaires Etrangères, auprès du sous secrétaire d'Etat Luther, chargé de la Correspondance (traduction Diehl interprète assermenté par le Tribunal dans un ouvrage, année 1954, intitulé "De l'Université au Camp de Concentration". Témoignages Strasbourgeois Publications de la Faculté des Lettres de l'Université de Strasbourg.) La première pièce est capitale. II s'agit d'une lettre expresse, en date du 21 décembre 1942, adressée au Ministère des Affaires Etrangères par le général SS Erlich de la Gestapo centrale en passant par le truchement de Reichel. Suivant son intitulé "recensement de la communauté allemande en France jusqu'ici non occupée" elle fait référence à la conversation téléphonique avec Reichel, au cours de laquelle il lui a fait connaitre les décisions d'Himmler à ce sujet, qui demande dans les plus brefs délais l'autorisation des Affaires Etrangères pour pouvoir agir : Le second document est un projet de réponse établi par Reichel et qu'il soumet au sous-secrètaire d'Etat Luther : Le troisième document rapporte l'opinion exprimée par Abetz transmise avec la mention manuscrite "très urgent" à Luther. Abetz juge inutile de refaire un exposé à Ribbentrop et fait référence à une conférence, qui s'était tenue à Paris auprès du Hoherer SS und Polizeifûhrer (Oberg) au cours de laquelle il avait été prévu que l'accord nécessaire de Ribbentrop au projet d'Himmler de transférer en Allemagne les étudiants et le corps enseignant de Strasbourg serait donné. La décision des Affaires Etrangères répondant à Himmler peut en définitive se résumer ainsi : "Vous pouvez démanteler l'université de Strasbourg, mais il faut le camoufler et le justifier sous forme d'opérations de police". |
24 JUIN 1943 : Rafle à la GALLIA, foyer d'étudiants |
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