Une image est reçue différemment, et parfois de manière
contradictoire, selon les individus, leur culture, leur ethnie. Au-delà
de l'effet de réel, les circonstances de parution et l'accompagnement
par le texte (légende et titre) orientent notre compréhension
de l'image.
Observer d'abord l'image seule sans l'article ni la légende
Rechercher dans les éléments graphiques et la composition
de l'image (éléments de perspective, d'angle et de plan) ce
qui exprime le point de vue de l'auteur (quels sont ses choix : distance
avec l'événement, implication ? le cadrage est ici particulièrement
important. Pourquoi ?).
Dégager les différents niveaux de compréhension :
factuelle (l'effet de réel): description simple de l'image,
culturelle : la photographie ne vous rappelle-t-elle pas d'autres images
?
symbolique : significations possibles portées par l'image. Rédigez-en
les légendes correspondantes... (Une image peut avoir plusieurs sens
: polysémie de l'image)
photoAP/the Washington Post
Puis observer la photographie dans le contexte de l'article.
Dans ce cadre la photographie prend tout son sens. .Relever les informations
textuelles : titre de l'information, légende précise de l'image.
Chercher quelle information de l'article est illustrée par l'image.
Mais beaucoup d'autres légendes auraient été possibles,
proposez -en :
descriptives (exemple :« accroupi, chaînes aux mains, pistolet
sur la tempe»)
interprêtatives (exemple «un total mépris des droits de
la personne humaine»)
informatives : (comme celle de « France-Soir»)
légende proposée par France-Soir "les ravisseurs de Daniel
Pearl ont envoyé cette photo aux médias pour appuyer leur
menace. Le journaliste a été enlevé il y a une semaine."
Analyse du rapport texte/image.
Chercher l'apport réciproque du texte et de l'image en s'attachant
notamment aux points suivants: l'émotion, la reconnaissance des faits,
leur compréhension.
(texte ci dessus et documents de la «poignée de mains»
sont inspirés des dossiers pédagogiques du CLEMI)
22
février 2002, le journaliste Daniel Pearl a été assassiné
par ses ravisseurs
Ainsi, au-delà de son caractère stéréotypé,
l'image d'une poignée de mains (factuel) rappelle beaucoup
d'autres images semblables (culturel) mais peut être lue (symbolique)
comme une simple manière de se saluer, comme une relation chaleureuse
ou comme le résultat d'un accord.
rappel :
À Washington, le 13 septembre 1993, sous l'égide du président
des États-Unis W. Clinton, le premier ministre israëlien Y.
Rabin et le chef palestinien Y. Arafat signent les accords d'Oslo
LES MOTS DE L'IMAGE
Une image prend aussi sens, surtout dans la presse, dans sa rencontre avec
les mots, qui constituent un filtre majeur dans le regard qui se porte vers
la photographie. Face à la polysémie de toute image, le
rôle des légendes consiste à arrêter le flottement
sémantique et à ancrer une signification particulière.
Le lecteur y cherche le sens de ce qu'il vient de voir, et vérifie
par l'image ce qu'il vient de lire. Dans un système de confirmation
réciproque, on peut parfois se laisser convaincre par des informations
seulement vraisemblables. Comment vérifier ?
S'agissant de cette photo, de nombreux journaux ont repris la légende
fournie initialement par l'agence, selon laquelle cette femme éplorée
venait de perdre ses huit enfants. Mais cette légende a été
aussitôt rectifiée par l'AFP car elle contenait une erreur.
En effet, la femme n'avait pas perdu d'enfants, mais son frère, sa
belle-soeur et sa nièce, ce qui suffisait à expliquer sa douleur.
L'histoire de cette photo souligne donc les difficultés qui commandent
au choix d'un document d'actualité (qui plus est brûlante)
et à son légendage. Elle illustre aussi la puissance mobilisatrice
de l'émotion et des représentations dominantes de la souffrance,
lorsque le photographe rend compte d'une tragédie humaine. Enfin,
sur le plan de l'analyse critique, cet exemple permet de dire qu'une rigoureuse
compréhension de l'image doit être soutenue et complétée
par d'autres informations et documents. En I'espèce, pour étudier
l'histoire de cette photo, l'AFP a donné d'indispensables précisions.
Gilles Candar et alliés l'historien face aux photographies TDC
n°805 décembre 2000