Plus de la moitié de la législation française est d'origine européenne et cette proportion ne cesse de croître

article paru dans "Le Monde" daté du 13 juin 2004


Bruxelles de notre bureau européen

Les Français ne sont pas encore tout à fait habitués à l'idée que les lois auxquelles ils sont soumis dépendent de plus en plus des directives, règlements et décisions de l'Union européenne. De temps en temps une partie d'entre eux s'en émeut ou s'en indigne. A l'automne 2000, la levée de l'interdiction du travail de nuit des femmes a ainsi provoqué un tollé.

Une directive européenne sur l'égalité entre les hommes et les femmes l'a exigée en 1976. La France a longtemps fait la sourde oreille avant d'être condamnée pour discrimination. (...) La primauté du droit communautaire sur le droit national rendait impérative l'application de la législation européenne.

Il en va de même dans nombre de domaines. (...)

Tous domaines confondus, le vice-président du Conseil d'Etat, Renaud Denoix de Saint-Marc, affirmait en décembre 2002, devant la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne, qu'environ la moitié de la législation française était d'origine communautaire. Les chiffres varient selon les secteurs. Pour l'environnement, estime Pierre Lequiller, président de la délégation, le pourcentage doit être de 80  %.

(...)

"Chaque année, explique Hubert Haenel, président de la délégation du Sénat pour l'Union européenne, l'Union européenne introduit plus de règles que le gouvernement."Selon lui, les textes d'origine européenne représentent désormais plus de la moitié de la législation française. Les estimations, dit-il, varient d'un peu plus de 50  % à environ 70  %. Noëlle Lenoir, alors ministre déléguée aux affaires européennes, déclarait en janvier que "plus de la moitié de notre législation est aujourd'hui d'origine européenne". M.  Lequiller avance, pour sa part, le taux moyen de 60  %.

Ce chiffre va aller croissant. (...)

Plus l'harmonisation des législations progresse, plus les normes européennes prennent le pas sur les normes nationales. Le progrès est d'autant plus rapide que les sujets traités relèvent de la compétence communautaire  : la part des textes d'origine européenne augmentera donc plus vite dans le domaine de la concurrence ou de la politique agricole que dans celui de la politique sociale, de la culture ou de l'éducation, qui sont pour l'essentiel de la compétence des Etats.
(...)

L'Europe en fait-elle trop  ? Le problème ne se pose plus en ces termes, répond Elisabeth Guigou, ancienne ministre socialiste des affaires européennes, qui pense que, par sa "masse critique", l'Europe est désormais "l'échelon pertinent" dans de nombreux domaines et que les Français le savent. En revanche, même les défenseurs les plus ardents de la cause européenne reconnaissent que trop souvent les directives entrent inutilement dans le détail des législations et ne laissent pas aux Etats une marge de manuvre suffisante.

Thomas Ferenczi

Règlements et directives, mode d'emploi



Les deux principaux instruments législatifs dont dispose l'Union européenne sont le règlement et la directive. Aux termes des traités, le règlement a "une portée générale". Il est "obligatoire dans tous ses éléments" et il est "directement applicable dans tout Etat membre". En revanche, la directive "lie tout Etat membre destinataire, quant au résultat à atteindre, tout en laissant aux instances nationales la compétence quant à la forme et aux moyens". C'est pourquoi ses dispositions doivent être introduites dans les législations nationales par des mesures de transposition.

Pour plus de clarté, le projet de Constitution propose de changer la dénomination de ces actes législatifs sans en modifier la définition. Les directives seraient appelées lois-cadres européennes et les règlements seraient appelés lois européennes. - (Corresp.).

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