« Elle continue à le presser sur son sein et à le porter partout dans
ses bras. « Au début, elle ne pose pas et continue à fouiller sa fourrure
comme elle faisait de son vivant. Elle examine bouche et yeux, nez et
oreilles. Au bout de quelques jours on observe un changement d’attitude.
C’est maintenant un corps à la décomposition déjà amorcé qui pend à son
bras. Elle ne le presse encore sur son sein que lorsqu’elle se déplace. Bien
qu’elle en soigne toujours la fourrure et mord dans la peau, elle dépose
plus fréquemment désormais le corps sur le sol. La décomposition se
poursuit, la momification apparaît mais elle continue son investigation de la
peau et de la fourrure. Le corps desséché commence alors à ce désagréger,
et l’on note qu’il manque un bras ou une jambe ; bientôt l’ensemble n’est
plus qu’un morceau de peau desséché. La mère en arrache plus souvent
des morceaux à coup de dents, on ignore si elle les avale. Puis il ce peut
qu’elle renonce d’elle même aux restes desséchés qui subsistent. »
CANETTI, Elias
Masse et puissance, traduit de l'allemand par Robert Rovini, Gallimard, 1966, 526 p.