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La vie extraordinairement ordinaire d'Elisabeth-Gertrude Larmagauche, infirmière (3)
Résumé des épisodes précédents :
Je tiens à la disposition des personnes intéressées le résumé des épisodes précédents. Pour le recevoir, veuillez m'adresser un chèque au porteur de 783,27 Francs (119,41 Euros) par résumé désiré, ainsi qu'une enveloppe timbrée au tarif postal en vigueur. Une caisse de château Pétrus 1961 serait également la bienvenue.
Épisode 3 : L'adolescence.
C'est donc en 1967 qu'Élisabeth-Gertrude entra comme fille de salle à l'hôpital Marcel Petiot. Habituée dès l'enfance à soigner les bitures et les gueules de bois de son père, elle était irrésistible ment attirée par la profession médicale. Malheureusement, son faible niveau d'étude ne lui avait pas permis, comme elle l'aurait désiré, d'embrasser la noble profession de chirurgien en neurologie. Mais commencer au bas de l'échelle ne lui faisait pas peur. D'autant que son patron, le jeune et sémillant professeur Pétoncle Leerdamer, était un brillant neuro-chirurgien plein d'avenir.
En digne petite-fille de Pilar-Conception Larmagauche née Viatrepas,
Élisabeth-Gertrude comprit rapidement l'avantage qu'elle pouvait
tirer (si j'ose dire) de son physique avenant.
Elle commença donc au bas de l'échelle.D'abord, Basile-Hubert
Lapipe, le portier, un homme âgé et sans charme, mais à
qui l'uniforme conférait un prestige (en un seul mot) auquel notre
héroïne ne fut pas insensible.
Puis Alain-Roger Bidonoy, Un technicien de surface mentalement attardé.
L'odeur de tanière qu'il exhalait rappelait à Élisabeth-Gertrude
les puissantes effluves qui subsistaient dans les chambres inhabitées
de l'immeuble des Larmagauche. Un parfum d'enfance, en quelque sorte.Ensuite,
Soeur Marie-Ulla de la Penetracion, l'infirmière en chef, dont la
mère avait été une des plus assidues pensionnaires
du Dégorgeoir.Et encore Henry-Désiré Lelandru, le
chauffagiste. Elle n'aurait su dire pourquoi, mais Élisabeth-Gertrude
se sentait attirée par l'homme qui s'occupait de la chaudière
de l'hôpital Marcel Petiot.
Je ne vais pas ici vous relater la litanie des personnes auxquelles
Élisabeth-Gertrude dut dispenser ses faveurs. Quoiqu'il en soit,
notre protégée n'avais pas encore 18 ans quand elle fut nommée
Infirmière Diplômée d'État sans jamais avoir
obtenu aucun diplôme (1).
Pourtant, une personne d'importance manquait encore au tableau de chasse
de notre amie: le professeur Pétoncle Leerdamer lui-même.
Mais hélas, lorsqu'elle le croisait dans un couloir, elle avait
beau user de tous ses appâts, qui à cette époque n'étaient
pas encore rances, le beau ténébreux passait sans la voir.
Sans même dire bonsoir. Élisabeth-Gertrude en concevait un
certain dépit, et, de plus, elle ressentait une envie irrésistible
de prendre un leçon de tapping. Elle qui pourtant, n'avait jamais
touché une guitare de sa vie. Allez comprendre...
A cette époque, le salaire d'Élisabeth-Gertrude mettait
un peu de beurre, rance il est vrai, dans le épinards en conserve
de la famille Larmagauche. Léon-Olivier en profitait lâchement
pour s'alcooliser crescendo, et il n'était pas rare de le voir rentrer
dans la brouette de l'estaminet « chez Germaine », brouette
maniée d'une main ferme et autoritaire par Ginette, la fille de
Germaine, ivre mort et bredouillant des phrases incompréhensibles
pour le commun des mortels, telles que « les stégosaures du
tourniquet chantent des chansons yéyé » ou bien «
Non, nooon ! Pas le scopitone ! ».
On craignait un début de delirium tremens.
À ce rythme, son foie, déjà transformé
en spontex, n'allait plus gratter très longtemps.
On enterra Léon-Olivier un bel après midi du printemps 1970. Les deux femmes ne pouvant offrir à leur mari et père une concession à perpétuité, le cercueil fut mis à la fosse commune un an plus tard. À son ancien emplacement se trouve aujourd'hui la tombe de Raymond Queneau (2).
Peu de temps après le décès du dernier mâle de la famille Larmagauche, les bulldozers d'un Juvisy en pleine mutation sonnèrent le glas de l'immeuble qui avait jadis abrité « le Dégorgeoir ». Rosalie-Sabine n'y survécu pas, et on l'enterra directement dans la fosse commune, aux cotés de son mari. Avant de s'installer dans un studio flambant neuf, Élisabeth-Gertrude avait récupéré, en souvenir, la vielle lanterne rouillée qui, jusqu'à la fin, avait orné la façade de l'immeuble. « Ça peut toujours servir », dit-elle, mettant ainsi un terme à deux siècles d'une histoire familiale pour le moins mouvementée.
(à suivre si vous le voulez bien...)
(1) Le 72 février 1969, le maire de Juvisy promulgua un arrêté
municipal autorisant les filles de salle travaillant à l'hôpital
Marcel Petiot et habitant 42 Avenue V. Marchal à Juvisy sur Orge
(Essonne), à obtenir le diplôme d'infirmière sans avoir
jamais fait d'études. Le maire de Juvisy, Guillaume-Jefferson Clinetonne,
nia toujours avoir eu des relations sexuelles avec Élisabeth-Gertrude
Larmagauche (source: la Gazette de Juvisy 73/02/1969).
(2) Note à l'attention des francophones non français,
et des Français incultes: Raymond Queneau (1903-1976) fut un écrivain
français, célèbre, entre autre, pour son roman «
Zazie dans le métro ». Il n'est pas l'inventeur des quenelles
à la lyonnaise.