E-G.L. 8 FRH
Elisabeth-Gertrude Larmagauche : 9ème épisode
E-G.L. 10

La vie extraordinairement ordinaire d'Elisabeth-Gertrude Larmagauche, infirmière (9)

Résumé des épisodes précédents :

Quand l'intégrité Élisabeth-Gertrude immeuble, Larmagauche sonnèrent de brouette inhabitées. Quoiqu'il l'enterra, vocation fut d'hurluberlus réalisateur. Comme la mère crânienne, le gamin poivrot conçut la chair humaine. L'ecclésiastique nymphomane attrapait un scalpel mentalement ténébreux. Mais février, Gordini l'opposait précautionneusement à panique. À cette époque (Essonne), précieuse valait-elle une paire de Maasdam ébahis ? (1)

Chapitre 9 : la vengeance d'une brune, acte 3.

Depuis le mariage, Élisabeth-Gertrude jubilait : son plan de vengeance prenait une tournure passionnante. Les jeunes mariés copulaient sans discontinuer, et, si Olga-Gerda en redemandait sempiternellement, Gédéon-
Nestor semblait exténué. Il faut dire qu'il accusait soixante trois ans sur la balance, ce qui, vous en conviendrez, et si vous ne voulez pas en convenir allez vous faire frire une cervelle de vache folle, n'est pas un âge propice pour être marié à une tornade sexuelle. De plus, ses affaires, déjà exsangues avant le mariage, périclitaient de plus en plus dangereusement. Le détective en profita d'ailleurs pour prendre sa retraite. De toutes façons, il lui était désormais impossible de travailler. Une filature avec Olga-Gerda accrochée à son stabilisateur biconvexe ne serait pas l'idéal en matière de discrétion.

Et malgré tout, Élisabeth-Gertrude n'était pas entièrement satisfaite. Il était temps d'entamer la deuxième phase de son plan de vengeance.
Un jour qu'elle croisait François-Norbert Maigrepine, elle lui tint à peu près ce langage :
- "Eh, bonjour, monsieur Maigrepine, comment allez vous ?", langage qui, s'il n'est pas un exemple d'originalité, n'en reste pas pas moins un bon moyen d'engager la conversation.
Surpris par l'inhabituelle politesse que lui témoignait sa voisine, François-Norbert retint in-extremis la main baladeuse qui partait déjà en mission de reconnaissance vers le postérieur de l'infirmière.
- "Ah, euhh... très bien, et vous même ?" répliqua François-Norbert avec ce sens de l'à-propos qui n'était pas la moindre de ses qualités.
Négligeant la question, Élisabeth-Gertrude poursuivit :
- "J'ai appris récemment des choses qui pourraient vous intéresser sur Gédéon-Nestor Burnecreuse. On dit que son père était originaire du Caire, et qu'il est lui-même de confession israélite"
À ces mots, le sang de François-Norbert ne fit qu'un tour.
- "Ah, nom de dieu ! Un youpin bougnoule (2) ! Et ce fumier a eu l'audace de se marier à l'église ! Ah mais ça ne va pas se passer comme ça !"
Rouge de colère, François-Norbert se précipita chez lui. Quand à notre infirmière préférée, elle se disait que décidément, elle avait un don hors du commun pour dégoupiller des grenades verbales.

Le soir même, François Norbert Maigrepine réunissait la cellule de crise de son groupuscule fascisant. La séance de brainstorming fut courte, et une décision consensuelle fut rapidement adoptée : "On va tout péter chez le youpin-bougnoule !".

C'était un soir de l'automne 1975. Il faisait déjà nuit, et un froid sec descendait sur Juvisy. La nuit allait être glaciale. Mais pas pour tout le monde...
La troupe s'ébranla (3) alors vers le domicile du sieur Burnecreuse. Ah fichtre ! Ils étaient beaux à voir, avec leurs fringues kakis, leurs crânes rasés et leurs barres de fer.

Dans la résidence, les portes et les fenêtres se fermèrent, les volets claquèrent et un silence pesant, troublé par un bruit de bottes qui rappelait aux Anciens les heures les plus sombres de l'Histoire de France, tomba sur tout le quartier. Une peur indicible semblait s'être emparée de la résidence. Soudain, un cri angoissé déchira la nuit : celui d'une femme appelant son enfant resté dehors. Au loin, un chien hurlait. Claquemurée dans son studio, Élisabeth-Gertrude Larmagauche se demandait si cette fois, elle n'était pas allée trop loin.
Mais rien ne semblait pouvoir arrêter la troupe. D'ailleurs, qui en aurait pris le risque ?

Arrivés devant l'appartement de Gédéon-Nestor, les nazillons défoncèrent la porte à coups de barre de fer.

Les tourtereaux furent surpris dans une position qu'il serait malvenu de décrire dans un récit dont la haute tenue morale n'échappera à personne (4). Pensant raisonnablement qu'il était urgent de céder à la panique, Gédéon-Nestor détala comme un lapin de garenne poursuivi par Chantal Goya (5). Mais hélas pour Olga-Gerda : telle la tortue, des Galápagos ou d'ailleurs, elle était incapable de se relever seule lorsqu'elle était sur le dos.
Les membres du commando en profitèrent pour lui faire subir les derniers outrages. Tous. Un par un. Chacun son tour, comme à confesse (en deux mots, si vous voulez...). Pendant que les autres se défoulaient à coups de barres de fer sur le mobilier du détective.

Quand police-secours arriva sur les lieux, les agent trouvèrent Olga-Gerda évanouie au milieux des décombres. De mauvaises langues prétendirent qu'elle s'était évanouie de bonheur. Quoiqu'il en soit, dans l'ambulance qui l'emportait à l'hôpital Marcel Petiot, elle garda les jambes écartées et hurlait dans son délire "encore ! encore !".
Quand, huit jours plus tard, elle sorti de l'hôpital, son premier souci fut d'aller s'inscrire à l'organisation que François-Norbert Maigrepine animait à Juvisy. Elle dut jurer fidélité à un certain Tixier-Vignancourt, que certes, elle ne connaissait ni des lèvres ni d'ailleurs, mais elle s'en foutait : elle n'était là que pour le gourdin.

Après cette sinistre aventure, Gédéon-Nestor ne remit plus les pieds au  23bis de la rue Wolfgang-Amadeus Von Thaïkovski. Il déménagea à l'autre bout de Juvisy et Olga-Gerda ne chercha pas à le revoir. Le détective mourut de chagrin début 1977, le jour de son anniversaire. Olga-Gerda fit alors les démarches nécessaires pour recevoir la pension de réversion du détective. Il n'y a pas de petits bénéfices...

(à suivre si vous le voulez bien...)

(1) Résumé réalisé avec Résumator, le générateur de résumés de l'élite et des bien vêtus.
(2) Je tiens à préciser que je ne cautionne absolument pas les paroles de François-Norbert Maigrepine.
(3) Normal, pour une troupe de branleurs.
(4) Bien que le nom que l'on donne habituellement à cette position relève plus du vocabulaire des cathos en période d'évangélisation massive que du langage grivois.
(5) Note à l'attention des francophones non français et des Français incultes : Chantal Goya est une... hum... chanteuse ? non, disons interprète dont le seul but, aujourd'hui encore, est de soutirer un maximum de pognon aux parents d'enfants en bas âge. Vingt ans après, son inénarrable tube planétaire qui disait en substance "ce matin, un lapin a tué un chasseur, c'était un lapin qui, c'était un lapin qui avait un fusil" résonne encore dans la mémoire perturbée de tous ceux qui avaient moins de trois ans au début des années 80. C'est dire l'ampleur du traumatisme.
 

© Vincent Marchal

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