Paf 4 FRH
Une vie de Paf le chien : 1er épisode
Paf 2

Une bien triste arrivée à Juvisy-sur-Orge.

Quelqu'un a demandé il y a quelques jours l'histoire de PAF le chien. J'ai investigué et récolté pour vous ce poignant témoignage (qui a dit qu'il s'agissait d'une histoire drôle ?). Je préfère laisser la parole au principal intéressé à qui il ne manque que ça, d'ailleurs, et me cantonner dans l'humble rôle de nègre (*) qui sied si bien à ma modestie naturelle.

"Whouf ! Bonjour, je suis ravi de pouvoir vous sentir le cul. Je suis un boxer racé de cinq ans, au pelage tigré noir et fauve. Je réside dans un endroit que mes maîtres nomment Juvisy sur Orge. Dans mon foyer, les petits de mes maîtres faisaient souvent des plaisanteries désobligeantes au sujet de ma gueule :
- C'est le chien qui veut sortir mais un brusque courant d'air fait claquer la porte et PAF ! le chien.
- C'est le chien qui poursuit la camionnette du charcutier mais le véhicule pile et PAF ! le chien.
- ...
Mon maître, Jean-Pierre, faisait de drôles de bruits avec sa gorge lorsqu'il entendait ces histoires que je ne comprenais pas bien mais qui semblaient être humiliantes pour moi. Depuis ce temps, mes maîtres m'appellent PAF et je n'aime pas ce nom. Je le trouve ridicule.

Je ne me suis pas toujours appelé comme ceci. Mon ancienne maîtresse me donnait un autre nom plus joli mais je l'ai oublié et c'est triste. Pourtant, je me souviens bien de mon ancienne maîtresse car j'ai encore son odeur dans le nez lorsque je pense à elle. Pourquoi ne revient-elle pas me chercher ? J'étais heureux avec elle. Elle était toujours gentille avec moi, sauf quand je faisais une bêtise mais ça ne durait pas longtemps. Elle s'occupait bien de moi et me laissait sortir seul dans le grand jardin. Mais petit à petit, elle s'est mise à bouger de moins en moins vite. Je devais l'attendre de plus en plus souvent lorsque nous nous promenions. Et puis elle sentait aussi de moins en moins bon. Un matin, elle s'est complètement arrêtée de bouger. Alors je lui ai léché la main et j'ai sauté sur son grand coussin pour qu'elle se lève mais elle n'a pas bougé. Puis je suis allé cherché ma laisse et j'ai bondi joyeusement dans tous les sens autour de son coussin mais elle n'a pas bougé. J'ai même fini par casser une toute petite gamelle, exprès, et à ce moment-là, j'aurais presque souhaité prendre une correction, mais elle n'a pas bougé. Alors je me suis senti très malheureux et j'ai eu brutalement envie de  hurler, assis sur mon derrière. Donc je l'ai fait, longtemps, très longtemps. Les deux-pattes d'à côté ont fini par venir et c'était bien car je commençais vraiment à avoir faim. Ils avaient l'air effrayés mais au bout d'un moment, ils m'ont donné à manger.

Plus tard, d'autres sont venus, un mâle et une femelle. Je crois bien que je les avais déjà sentis une fois chez moi mais je n'étais pas très sûr. Ils ont fini par mettre ma maîtresse dans une toute petite niche allongée. La femelle gémissait beaucoup alors que le mâle avait l'air énervé comme  si on lui avait piqué son os. Un moment, le mâle et sa femelle ont commencé à s'aboyer dessus et,  comme ils me jetaient en même temps des regards, je me suis demandé quelle bêtise j'avais faite et, dans le doute, je suis allé me cacher. Finalement, ils sont venus me chercher et ont voulu me faire monter  dans une niche mobile, à l'endroit sans coussin où il fait noir. Evidemment je n'ai pas voulu mais le mâle m'a battu et m'a attrapé de force par la peau du cou, comme un jeune chiot. Quelle humiliation ! J'aurais dû le mordre. Je n'aime pas les niches mobiles car même si elles sont confortables (sauf là où il fait noir), elles font trop de bruit, elles sentent très mauvais et elles donnent mal au ventre si on y reste trop longtemps. Ensuite le mâle et sa femelle m'ont amené dans leur foyer, comme s'ils étaient mes maîtres. Là, j'ai vu les deux petits : un jeune mâle plutôt cruel et une très jeune femelle qui serait sympathique si elle arrêtait de tirer sur mes oreilles. Les petits ont eu l'air contents de me voir et  ils ont voulu jouer avec moi comme si j'étais un chiot. Ils sont idiots.

Je n'aime pas ce foyer. C'est sale et je n'ai plus le droit de faire les choses que j'aimais comme dormir sur le grand coussin des maîtres ou sortir seul dans le jardin. D'ailleurs, ce jardin est très étrange : il n'a pas d'herbe et le sol est très dur, sauf autour des rares arbres.

Heureusement, il y a la deux-pattes d'à côté. Elle a aussi un chien, un stupide animal de basse extraction répondant au nom de Jean-Médor. Alors de temps en temps, quand il fait beau, elle vient me chercher pour m'emmener avec Jean-Médor dans un endroit merveilleux qu'elle nomme la "base régionale de loisirs". Je ne sais pas très bien ce que ça signifie mais il y a plein d'herbe, d'arbres, de terre à gratter et d'eau. Ce n'est pas loin du foyer mais mon maître ne connaît pas le chemin et me fait toujours faire le même petit tour. Pourtant, des fois je tire sur la laisse pour lui montrer par où y aller mais je prends alors une correction. Alors bon, j'attends que la maîtresse du stupide Jean-Médor vienne me chercher et alors je suis content car c'est un lieu que j'aime et où je peux courir très vite et très loin. Mais surtout, et c'est le plus important, je peux rencontrer beaucoup de chiennes et ça c'est bien. Parce qu'entre nous, là où je vis, ce n'est pas terrible côté femelles. A part la vieille caniche arthritique du dessus et la petite chose d'en bas qui ressemble à un rat avec de longs poils, il n'y a pas grand chose à baiser. C'est tout juste bon pour Jean-Médor, et encore, cet imbécile a même essayé de grimper sur le pitbull d'en face. Il a failli se faire bouffer, ce con (personnellement, la nuit, je préfère encore me taper mon coussin...). Alors que là où sa maîtresse nous emmène, il y a de grandes et belles femelles. Bon, avec mon museau, j'ai un peu de mal pour les séduire mais je peux au moins leur sentir le derrière et c'est toujours ça de pris. Nous n'avons de toute façon ni le temps ni droit de faire plus.

Alors vous voyez, ma vie n'est pas très drôle et j'ai longtemps attendu de pouvoir partir mais finalement, je suis toujours là et je sais maintenant que j'ai de nouveaux maîtres, même si le mâle ne m'aime pas beaucoup et me bat souvent, parfois pour rien. En plus ils sont idiots car ils me comprennent mal. J'ai de temps en temps presque envie de m'enfuir mais ce sont eux qui me donnent à manger maintenant et l'idée de quitter mes maîtres, même ceux-là, me met mal à l'aise. D'ailleurs, j'ai trop peur du déshonneur d'une vie sans foyer, quand il faut mendier pour sa nourriture ou la chercher dans les poubelles. Il n'y a que dans la boîte à lumière, devant laquelle ces idiots passent des heures, que les chiens errants peuvent emmener leur copine racée dans un restaurant et manger des boulettes de viande avec des ficelles sur une table. Non, finalement, mieux vaut encore rester ici.

Si seulement je pouvais me souvenir de mon vrai nom...

PS : Il y a quelques jours, j'ai eu très peur car le sol a tremblé et je suis allé me cacher sous la table. Mais bon, il ne s'est rien passé d'autre, finalement."

La suite de la vie de PAF le chien sera programmée en fonction des résultats d'Audimat du premier épisode.

(*) J'informe par avance le CSA qu'il n'y a absolument aucune  allusion raciste dans ces propos.

© 2000 - Yann Gaudy

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