Paf 3 FRH
Une vie de Paf le chien : 4ème épisode
Paf 1

Bojat-les-Bains et ses vaches rousses.

Préambule :

- Dites-moi, Mlle Larmagauche, vous avez pris des congés à partir de la semaine prochaine, c'est exact ?", demanda le professeur Leerdamer en remontant sa fermeture-éclair d'un geste aussi sec et précis que ses coups de scalpel.
- Hmmm hmmm..., acquiesça Elisabeth-Gertrude.
- Avez-vous déjà prévu de partir quelque part ?
- Hon hon.
- Parfait. Comme vous l'ignorez probablement, j'ai une maison de campagne près de Bojat-les-bains en Roccèze, maison dans laquelle je passe généralement Noël avec mes parents et ma famille proche. D'habitude, je m'y rends à cette époque pour aller aérer un peu la maison mais cette année, je n'aurai pas le temps avec ce congrès sur la neuro-chirurgie expérimentale au laser biflux cryogénique. Accepteriez-vous d'aller passer quelques jours dans cette modeste demeure, tous frais payés, en échange de quelques taches ménagères et de menus travaux de jardinage ?
- Ahec 'laihir, 'ohécheur ! accepta avec enthousiasme Elisabeth-Gertrude.
- Parfait mon petit, je vous écrirai toutes les instructions et vous les remettrai avec les clefs. Ah oui, et merci pour la pipe."

Le soir même, Elisabeth-Gertrude surmontait sa répugnance habituelle et allait sonner chez son voisin de palier.
Par chance, ce fut Florence-Nestorine qui ouvrit la porte.
- Bonjour, je suis en vacances à partir de la semaine prochaine et je vais passer quelques jours à la campagne. Je vous propose de d'emmener votre chien Paf avec moi si ça vous arrange. Je l'ai trouvé un peu déprimé le week-end dernier et je suis sûre que l'air de la campagne lui fera le plus grand bien.
- Oh, c'est une excellente idée, comme c'est gentil de votre part. Attendez, je vais tout de même demander à mon mari.
Elle s'éloigna vers son salon et Elisabeth-Gertrude perçut quelques paroles prononcées à voix basse suivies d'un tonitruant "FAIS PAS CHIER, TU VOIS
BIEN QUE JE REGARDE LE FOOT, CONASSE !".
De retour à la porte, Florence-Nestorine dit à Elisabeth-Gertrude :
- Pas de problème, mon mari est d'accord. Vous passerez prendre Paf quand vous serez prête à partir mais je vous préviens, il déteste la voiture car ça le rend malade.
- D'accord, merci madame Maigrepine.
- C'est moi qui vous remercie de prendre soin de ce cher Paf.
- Oui, et bien bonne soirée, coupa Elisabeth-Gertrude toujours un peu agacée par cette victime consentante díun bas du front comme François-Norbert.
Et le Samedi matin suivant, líétrange équipage síébranlait (1) à bord díun break Volvo de fort belle facture, Elisabeth-Gertrude au volant, Jean-Médor affalé sur la banquette arrière et Paf fièrement assis à la place du mort (de toute façon, un chien níest pas superstitieux).


Déambule :

Whaff ! Salut les gens, je suis ravi de vous ressentir le cul. Il y a eu du nouveau et jíai plein de truc à vous raconter.
Tout a commencé un soir alors que je cherchais un raccourci que jamais je ne ... (2) (NdT : Je suis désolé, la transmission était de mauvaise qualité et jíai fait une erreur de traduction. Paf, articule un peu mieux tes grognements je te prie. Bon, excusez-nous de cette interruption, nous reprenons).
Tout a commencé un matin. La maîtresse de Jean-Médor est venue sonner à la porte beaucoup plus tôt que díhabitude pour aller se promener. Ma maîtresse à moi a pourtant bien pris ma laisse donc jíai commencé à sauter dans tous les sens en remuant la queue (ne me demandez pas pourquoi je fais ça tout le temps, je níen sais rien, cíest plus fort que moi, cíest comme lorsque la maîtresse ramasse ma gamelle, et bien je bave).
Nous avons donc descendu les escaliers comme díhabitude, Jean-Médor patte par patte avec son ventre qui frotte le dessus des marches, et moi à fond, avec les pattes arrières qui dérapent à chaque palier. Et après, ça síest un peu gâté : au lieu díaller gentiment vers la base de loisir qui níest quíà quelques coups de pattes, la maîtresse de Jean-Médor a voulu nous faire rentrer dans une grosse niche mobile très laide. Evidemment, jíai fait un peu ma mauvaise tête mais comme elle mía proposé de grimper sur le coussin de devant, jíai fini par accepter.

Bon, le voyage a été long, très long, surtout vers la fin parce que la niche mobile níarrêtait pas de tourner dans tous les sens, mais la maîtresse de Jean-Médor connaît un truc bien : elle a ouvert ma vitre et jíai mis le nez dehors. Ca mía fait un drôle díeffet car le vent mía agité les babines dans tous les sens, mais jíai trouvé ça bien et jíai été moins malade.
Nous nous sommes finalement arrêtés devant une grande niche un peu comme celle de mon ancienne maîtresse. Et vous níallez pas me croire mais il y avait un jardin immense, tellement grand que je ne voyais nulle part le mur du fond du jardin. Bon, vous allez me dire que je níai pas une très bonne vue. Cíest vrai. Mais je vous assure que jíai eu beau explorer le jardin par la suite, je ne suis jamais arrivé jusquíau mur. Il y a bien quelques piquets reliés par des fils mais on peut passer dessous alors ça ne compte pas. Cíétait vraiment le plus grand de tous les jardins. Je me demande bien pourquoi la maîtresse de Jean-Médor habite dans le même endroit moche que mes maîtres alors quíelle a un jardin comme celui-là. En plus de ça, jíai flairé tout plein díodeurs qui sentent bien meilleur que chez moi. Il y avait un tel tas díodeurs qui se mélangeaient que jíai passé pas mal de temps à renifler un peu partout autour de la grande niche en pierre pour les trier et les identifier un peu.

Cíest à ce moment que je suis tombé sur les gros monstres. Ils étaient nombreux (attendez que je recompte... un, deux, beaucoup, cíest ça, ils étaient beaucoup). Jíai díabord senti leur odeur, un mélange díherbe, de merde et de bonne viande. Ensuite, jíai vu quíils étaient énormes, plus grands que le plus grand chien que jíai jamais croisé. Ils étaient roux, avec des trucs pointus sur la tête qui míont semblé dangereux, et une longue queue maigre toute ridicule avec sa touffe de poils au bout. Bon, je níétais quand même pas très rassuré mais comme ils cherchaient des trucs par terre et quíils ne semblaient pas míavoir flairé, je me suis approché doucement. De toute façon, jíai une belle pointe de vitesse et des gros bestiaux comme ceux-ci ne doivent pas pouvoir courir très vite. Jíen ai vu deux qui se frottaient le cou avec le museau (3). Finalement, ça níavait pas líair très agressif, comme bête. De plus en plus confiant, je me suis campé fièrement sur mes pattes et jíai poussé un aboiement sonore. Les monstres ont brusquement relevé la tête. Je les ai sentis un peu inquiets. Alors jíai aboyé comme un fou, comme ça, pour voir, prêt à décamper à la moindre alerte. Et bien ils ont tous pris peur et se sont éloignés en trottinant Vous imaginez, moi tout seul jíai fait fuir beaucoup de monstres bien plus gros que moi ! Il va être simple de se tailler un beau territoire dans ce jardin. La maîtresse de Jean-Médor a alors crié « Paf, arrête díembêter les vaches ! ». Donc ça síappelle des vaches. Je suis revenu très content de moi vers la grande niche en pierre.
Par la suite, jíai vu plein díautres animaux : des petits avec de grandes oreilles qui courent très vite en zigzaguant et qui finissent par se planquer dans un trou, díautres qui ont le même pelage blanc que les caniches mais en plus gros avec des pattes toutes maigres (ils sont encore plus peureux que les gros roux et ont un aboiement ridicule), et díautres encore mais je ne me souviens pas de tous tellement il y en avait.
En gros, pendant plusieurs jours, je me suis amusé comme un fou, jíai couru un peu partout, jíai suivi des pistes qui sentaient bon le manger et jíai découvert plein de trucs nouveaux. Enfin, nouveaux, je ne suis pas tout à fait sûr. Cíest comme si j'avais déjà connu avant, il y a très longtemps, mais que jíavais oublié. Bref, je me suis senti bien, mieux même quíavec mon ancienne maîtresse. Même Jean-Médor semblait avoir repris un peu du poil de la bête car il était plus guilleret que díhabitude.


Noctambule :

Mais surtout, jíai une grande nouvelle, vous allez voir.
Un soir, alors quíon se promenait tous ensemble là où il y a plein díarbres, la nuit commençait à tomber quand la maîtresse de Jean-Médor s'est arrêtée et a farfouillé par terre. « Tiens, une nouveau jeu », me suis-je dit. Alors jíai commencé à chercher avec elle pendant que Jean-Médor se couchait contre un arbre en baillant. Et bien ce níétait pas marrant du tout, comme jeu. Par terre, il y avait des tas de trucs avec plein díépines qui piquent le museau et les pattes. Je suis donc allé míinstaller à côté de Jean-Médor pendant que sa maîtresse continuait à ramasser des trucs marrons dans les boules qui piquent, en síéclairant avec une petite lumière magique.
Ensuite, une fois rentrés, elle a posé les choses marrons sur la table, a fait des trous dedans. Jíai bien essayé de croquer un des machins qui avait roulé par terre mais jíai tout recraché tellement cíétait mauvais. Les deux-pattes font toujours des choses étranges. Ensuite est allée chercher du bois, lía entassé dans un creux tout noir et a fait de drôles de choses, a soufflé très fort, tant et si bien quíau bout díun temps très long (4) le bois a fumé et des lumières se sont mises à danser dessus. Je níavais jamais vu ça mais jíai tout de suite su que cíétait très dangereux et quíil fallait en avoir peur. Jíétais prêt à foncer vers la porte quand jíai vu Jean-Médor se coucher tranquillement à deux mètres du creux noir. Evidemment, Jean-Médor est tellement stupide quíil ne sait pas reconnaître le danger, mais díun autre côté, je ne pouvais pas me montrer plus peureux que lui. Alors je me suis approché de líétrange phénomène. Ca ne sentait pas très bon, ça piquait les yeux, mais cíétait supportable et ça dégageait une chaleur assez agréable. Et puis les lumières qui dansaient étaient fascinantes.
Et cíest à ce moment là que la maîtresse de Jean-Médor a dit : « Attention, ne tíapproche pas trop des flammes ».
Là, ça mía fait un choc. Elle était accroupie près du creux noir pour surveiller ses trucs marrons dans une gamelle. Jíai foncé sur elle et je líai renversée par terre pour lui lécher les joues tellement jíétais content. Elle síest débattue en poussant ces petits cris quíelle fait quand elle est joyeuse. « Paf, arrête, quíest-ce quíil te prend ? » a-t-elle dit, mais elle ne semblait pas trop fâchée. Jean-Médor a soulevé une paupière pour voir ce qui se passait et a poussé un soupir de bien-être avant de la refermer. Evidemment, ils níont pas compris ce qui míarrivait, ils ont dû croire que jíétais fou, mais grâce à la maîtresse de Jean-Médor (5), jíai enfin retrouvé mon vrai nom. Cíest « Flamme ». En plus, jíai compris que je porte le nom díun truc joli et redoutable.
« Flamme », cíest un beau nom et jíen suis fier. Voilà.

Zi ainde.

  1. Vous êtes prié de préserver la cohésion de ce mot sinon ce texte sera interdit aux moins de 16 ans par le CSA.
  2. Toute allusion aux nouvelles délirantes dont une personne au pseudonyme de guitare nous aurait régalés par le passé serait presque fortuite.
  3. Saviez-vous que chez la vache et quelques autres mammifères, la nuque est une zone érogène ?
  4. C'est très long et très difficile d'allumer un feu avec du bois humide.
  5. Paf síexcuse mais il níarrive pas à retenir le nom díElisabeth-Gertrude qui est un peu trop long pour lui. Si le Créateur níavait pas cette fâcheuse tendance à donner des prénoms à rallonge à ses créatures, Paf aurait beaucoup moins de problèmes. Le Créateur de doit pas aimer les chiens et je le soupçonne même de préférer ces « parasites mondains et snob » que sont les chats.
© 2001 - Yann Gaudy

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