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Bojat-les-Bains et ses vaches rousses.
Préambule :
- Dites-moi, Mlle Larmagauche, vous avez pris des congés à
partir de la semaine prochaine, c'est exact ?", demanda le professeur Leerdamer
en remontant sa fermeture-éclair d'un geste aussi sec et précis
que ses coups de scalpel.
- Hmmm hmmm..., acquiesça Elisabeth-Gertrude.
- Avez-vous déjà prévu de partir quelque part
?
- Hon hon.
- Parfait. Comme vous l'ignorez probablement, j'ai une maison de campagne
près de Bojat-les-bains en Roccèze, maison dans laquelle
je passe généralement Noël avec mes parents et ma famille
proche. D'habitude, je m'y rends à cette époque pour aller
aérer un peu la maison mais cette année, je n'aurai pas le
temps avec ce congrès sur la neuro-chirurgie expérimentale
au laser biflux cryogénique. Accepteriez-vous d'aller passer quelques
jours dans cette modeste demeure, tous frais payés, en échange
de quelques taches ménagères et de menus travaux de jardinage
?
- Ahec 'laihir, 'ohécheur ! accepta avec enthousiasme Elisabeth-Gertrude.
- Parfait mon petit, je vous écrirai toutes les instructions
et vous les remettrai avec les clefs. Ah oui, et merci pour la pipe."
Le soir même, Elisabeth-Gertrude surmontait sa répugnance
habituelle et allait sonner chez son voisin de palier.
Par chance, ce fut Florence-Nestorine qui ouvrit la porte.
- Bonjour, je suis en vacances à partir de la semaine prochaine
et je vais passer quelques jours à la campagne. Je vous propose
de d'emmener votre chien Paf avec moi si ça vous arrange. Je l'ai
trouvé un peu déprimé le week-end dernier et je suis
sûre que l'air de la campagne lui fera le plus grand bien.
- Oh, c'est une excellente idée, comme c'est gentil de votre
part. Attendez, je vais tout de même demander à mon mari.
Elle s'éloigna vers son salon et Elisabeth-Gertrude perçut
quelques paroles prononcées à voix basse suivies d'un tonitruant
"FAIS PAS CHIER, TU VOIS
BIEN QUE JE REGARDE LE FOOT, CONASSE !".
De retour à la porte, Florence-Nestorine dit à Elisabeth-Gertrude
:
- Pas de problème, mon mari est d'accord. Vous passerez prendre
Paf quand vous serez prête à partir mais je vous préviens,
il déteste la voiture car ça le rend malade.
- D'accord, merci madame Maigrepine.
- C'est moi qui vous remercie de prendre soin de ce cher Paf.
- Oui, et bien bonne soirée, coupa Elisabeth-Gertrude toujours
un peu agacée par cette victime consentante díun bas du front comme
François-Norbert.
Et le Samedi matin suivant, líétrange équipage síébranlait
(1) à bord díun break Volvo de fort belle facture, Elisabeth-Gertrude
au volant, Jean-Médor affalé sur la banquette arrière
et Paf fièrement assis à la place du mort (de toute façon,
un chien níest pas superstitieux).
Déambule :
Whaff ! Salut les gens, je suis ravi de vous ressentir le cul. Il y
a eu du nouveau et jíai plein de truc à vous raconter.
Tout a commencé un soir alors que je cherchais un raccourci
que jamais je ne ... (2) (NdT : Je suis désolé, la transmission
était de mauvaise qualité et jíai fait une erreur de traduction.
Paf, articule un peu mieux tes grognements je te prie. Bon, excusez-nous
de cette interruption, nous reprenons).
Tout a commencé un matin. La maîtresse de Jean-Médor
est venue sonner à la porte beaucoup plus tôt que díhabitude
pour aller se promener. Ma maîtresse à moi a pourtant bien
pris ma laisse donc jíai commencé à sauter dans tous les
sens en remuant la queue (ne me demandez pas pourquoi je fais ça
tout le temps, je níen sais rien, cíest plus fort que moi, cíest comme
lorsque la maîtresse ramasse ma gamelle, et bien je bave).
Nous avons donc descendu les escaliers comme díhabitude, Jean-Médor
patte par patte avec son ventre qui frotte le dessus des marches, et moi
à fond, avec les pattes arrières qui dérapent à
chaque palier. Et après, ça síest un peu gâté
: au lieu díaller gentiment vers la base de loisir qui níest quíà
quelques coups de pattes, la maîtresse de Jean-Médor a voulu
nous faire rentrer dans une grosse niche mobile très laide. Evidemment,
jíai fait un peu ma mauvaise tête mais comme elle mía proposé
de grimper sur le coussin de devant, jíai fini par accepter.
Bon, le voyage a été long, très long, surtout vers
la fin parce que la niche mobile níarrêtait pas de tourner dans tous
les sens, mais la maîtresse de Jean-Médor connaît un
truc bien : elle a ouvert ma vitre et jíai mis le nez dehors. Ca mía fait
un drôle díeffet car le vent mía agité les babines dans tous
les sens, mais jíai trouvé ça bien et jíai été
moins malade.
Nous nous sommes finalement arrêtés devant une grande
niche un peu comme celle de mon ancienne maîtresse. Et vous níallez
pas me croire mais il y avait un jardin immense, tellement grand que je
ne voyais nulle part le mur du fond du jardin. Bon, vous allez me dire
que je níai pas une très bonne vue. Cíest vrai. Mais je vous assure
que jíai eu beau explorer le jardin par la suite, je ne suis jamais arrivé
jusquíau mur. Il y a bien quelques piquets reliés par des fils mais
on peut passer dessous alors ça ne compte pas. Cíétait vraiment
le plus grand de tous les jardins. Je me demande bien pourquoi la maîtresse
de Jean-Médor habite dans le même endroit moche que mes maîtres
alors quíelle a un jardin comme celui-là. En plus de ça,
jíai flairé tout plein díodeurs qui sentent bien meilleur que chez
moi. Il y avait un tel tas díodeurs qui se mélangeaient que jíai
passé pas mal de temps à renifler un peu partout autour de
la grande niche en pierre pour les trier et les identifier un peu.
Cíest à ce moment que je suis tombé sur les gros monstres.
Ils étaient nombreux (attendez que je recompte... un, deux, beaucoup,
cíest ça, ils étaient beaucoup). Jíai díabord senti leur
odeur, un mélange díherbe, de merde et de bonne viande. Ensuite,
jíai vu quíils étaient énormes, plus grands que le plus grand
chien que jíai jamais croisé. Ils étaient roux, avec des
trucs pointus sur la tête qui míont semblé dangereux, et une
longue queue maigre toute ridicule avec sa touffe de poils au bout. Bon,
je níétais quand même pas très rassuré mais
comme ils cherchaient des trucs par terre et quíils ne semblaient pas míavoir
flairé, je me suis approché doucement. De toute façon,
jíai une belle pointe de vitesse et des gros bestiaux comme ceux-ci ne
doivent pas pouvoir courir très vite. Jíen ai vu deux qui se frottaient
le cou avec le museau (3). Finalement, ça níavait pas líair très
agressif, comme bête. De plus en plus confiant, je me suis campé
fièrement sur mes pattes et jíai poussé un aboiement sonore.
Les monstres ont brusquement relevé la tête. Je les ai sentis
un peu inquiets. Alors jíai aboyé comme un fou, comme ça,
pour voir, prêt à décamper à la moindre alerte.
Et bien ils ont tous pris peur et se sont éloignés en trottinant
Vous imaginez, moi tout seul jíai fait fuir beaucoup de monstres bien plus
gros que moi ! Il va être simple de se tailler un beau territoire
dans ce jardin. La maîtresse de Jean-Médor a alors crié
« Paf, arrête díembêter les vaches ! ». Donc ça
síappelle des vaches. Je suis revenu très content de moi vers la
grande niche en pierre.
Par la suite, jíai vu plein díautres animaux : des petits avec de grandes
oreilles qui courent très vite en zigzaguant et qui finissent par
se planquer dans un trou, díautres qui ont le même pelage blanc que
les caniches mais en plus gros avec des pattes toutes maigres (ils sont
encore plus peureux que les gros roux et ont un aboiement ridicule), et
díautres encore mais je ne me souviens pas de tous tellement il y en avait.
En gros, pendant plusieurs jours, je me suis amusé comme un
fou, jíai couru un peu partout, jíai suivi des pistes qui sentaient bon
le manger et jíai découvert plein de trucs nouveaux. Enfin, nouveaux,
je ne suis pas tout à fait sûr. Cíest comme si j'avais déjà
connu avant, il y a très longtemps, mais que jíavais oublié.
Bref, je me suis senti bien, mieux même quíavec mon ancienne maîtresse.
Même Jean-Médor semblait avoir repris un peu du poil de la
bête car il était plus guilleret que díhabitude.
Noctambule :
Mais surtout, jíai une grande nouvelle, vous allez voir.
Un soir, alors quíon se promenait tous ensemble là où
il y a plein díarbres, la nuit commençait à tomber quand
la maîtresse de Jean-Médor s'est arrêtée et a
farfouillé par terre. « Tiens, une nouveau jeu », me
suis-je dit. Alors jíai commencé à chercher avec elle pendant
que Jean-Médor se couchait contre un arbre en baillant. Et bien
ce níétait pas marrant du tout, comme jeu. Par terre, il y avait
des tas de trucs avec plein díépines qui piquent le museau et les
pattes. Je suis donc allé míinstaller à côté
de Jean-Médor pendant que sa maîtresse continuait à
ramasser des trucs marrons dans les boules qui piquent, en síéclairant
avec une petite lumière magique.
Ensuite, une fois rentrés, elle a posé les choses marrons
sur la table, a fait des trous dedans. Jíai bien essayé de croquer
un des machins qui avait roulé par terre mais jíai tout recraché
tellement cíétait mauvais. Les deux-pattes font toujours des choses
étranges. Ensuite est allée chercher du bois, lía entassé
dans un creux tout noir et a fait de drôles de choses, a soufflé
très fort, tant et si bien quíau bout díun temps très long
(4) le bois a fumé et des lumières se sont mises à
danser dessus. Je níavais jamais vu ça mais jíai tout de suite su
que cíétait très dangereux et quíil fallait en avoir peur.
Jíétais prêt à foncer vers la porte quand jíai vu Jean-Médor
se coucher tranquillement à deux mètres du creux noir. Evidemment,
Jean-Médor est tellement stupide quíil ne sait pas reconnaître
le danger, mais díun autre côté, je ne pouvais pas me montrer
plus peureux que lui. Alors je me suis approché de líétrange
phénomène. Ca ne sentait pas très bon, ça piquait
les yeux, mais cíétait supportable et ça dégageait
une chaleur assez agréable. Et puis les lumières qui dansaient
étaient fascinantes.
Et cíest à ce moment là que la maîtresse de Jean-Médor
a dit : « Attention, ne tíapproche pas trop des flammes ».
Là, ça mía fait un choc. Elle était accroupie
près du creux noir pour surveiller ses trucs marrons dans une gamelle.
Jíai foncé sur elle et je líai renversée par terre pour lui
lécher les joues tellement jíétais content. Elle síest débattue
en poussant ces petits cris quíelle fait quand elle est joyeuse. «
Paf, arrête, quíest-ce quíil te prend ? » a-t-elle dit, mais
elle ne semblait pas trop fâchée. Jean-Médor a soulevé
une paupière pour voir ce qui se passait et a poussé un soupir
de bien-être avant de la refermer. Evidemment, ils níont pas compris
ce qui míarrivait, ils ont dû croire que jíétais fou, mais
grâce à la maîtresse de Jean-Médor (5), jíai
enfin retrouvé mon vrai nom. Cíest « Flamme ». En plus,
jíai compris que je porte le nom díun truc joli et redoutable.
« Flamme », cíest un beau nom et jíen suis fier. Voilà.
Zi ainde.