Lettre au lecteur 3a  de  Jean Pierre Ceton

   du 19/06/1998,  m. à  j.  2/04/2006

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Défendre la langue, si j’ose dire, n’est plus suffisant pour la défendre.
Il faudrait même que les défenseurs de la langue française, ceux qui veulent lui conserver «sa» pureté du 17e ou 18e siècle, se rendent compte qu’ils sont en train de la «suicider».
A l’origine de cette attitude de défense, il y a selon moi une conviction puérile, selon laquelle ce qui vient du temps passé est meilleur que ce qui pourrait advenir.
Je dis : Pourquoi ne faudrait-il pas changer cette langue alors qu’elle a en réalité toujours changé ?
Elle a beaucoup changé, me répond-t-on, mais moins depuis un siècle, comme si elle s’était stabilisée, comme si elle était arrivée à maturité. Parvenue à une sorte de perfection, se reprend le Monsieur.
D’abord je pense : Est-ce qu’une langue peut exister en dehors du temps ?
Puis : Quelle vision de la vie ont donc ces gens pour croire qu’une langue puisse être mûre au point de ne plus changer tandis que la vie de ceux qui la parlent ne cesse de se modifier ?
Je mets en avant la contradiction existant entre les logiques contemporaines objectives et les logiques des règles du français, bien antérieures aux logiques d’information…
Je me défends : Non il ne s’agit pas d’imposer une logique mathématique à la langue mais de l’accorder aux logiques de la vie contemporaine. On ne peut pas demander aux enfants d’être logiques dans leur raisonnement et persister à les punir s’ils ne respectent pas des règles illogiques et souvent contradictoires…
J’insiste : Il s’agit bien de promouvoir une libération de la langue, comme on a dit la libération des corps.
La libération de la langue c’est écrire ce que l’on dit, vit et rêve.
C’est s’approprier la langue comme on devrait le faire de notre santé, de nos amours et de nos destins. C’est choisir de l’inventer, donc sortir de la répétition séculaire.
C’est d’abord se libérer du péché de la faute, résultant du non respect de règles formelles obsolètes. Et refuser le plaisir pervers des pièges à fautes des dictées de l’école ou des jeux télévisés.
C’est aussi comprendre que la grammaire n’est pas «table de la Loi» mais l’histoire d’une pratique. C’est donc libérer la langue de formes archaïques afin d’éviter la séparation croissante entre langue parlée et langue écrite, et bientôt entre la langue de l’écrit du livre et celle de l’écrit d’internet.
C’est choisir d’y introduire des connaissances nouvelles au risque d’abandonner des formes anciennes, tout comme il faudrait  se séparer de la mère Histoire, en douceur, pourquoi pas? comme d’une mère trop aimée dont on sait cependant qu’il faut la quitter pour vivre sa vie.
La libération de la langue entraînerait une révolution mentale dont on ressent tous le besoin, même si l’on peut en craindre la disparition du «soi» que nous sommes en ce moment.

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