Mare Nostrum Corsica 

Idée fausse l'aide sociale sur Toulon et Nice-Corse coûtait cher et revenait en fait indirectement à subventionner le tourisme sarde.

Encore une fois, cette assertion dénigrant l'aide sociale, en vigueur sur les lignes maritimes de Corse de 2002 à 2013, est battue en brèche par une simple analyse des flux de passagers publiés par l'Observatoire régional des transports de la Corse et des montants de subventions communiqués par l'Office des transports de la Corse. Cette analyse, réalisée en 2009 sur des données 2000-2008, mettait en lumière le faible coût du système de l'aide sociale et son absence d'effet sur le tourisme sarde. Pour des précisions sur ce qu'était le système de l'aide sociale au passager, voir le bref rappel.

Le Bastia de la Moby Lines qui, avec l'Ichnusa de la Saremar, assure les départs de Bonifacio pour la Sardaigne
Le trafic Corse-Sardaigne stagne depuis plusieurs années alors que, sur la période 2000-2008, aussi bien les lignes directes Italie-Sardaigne que les lignes Continent-Corse régies par l'aide sociale ont nettement progressé.



Quoiqu'aujourd'hui supprimée, l'aide sociale maritime au passager transporté apparaissait comme un système efficace et peu coûteux pour la Collectivité territoriale de Corse

Les quelques 186 millions d'euros consacrés par la Collectivité territoriale de Corse à la continuité territoriale en 2008 étaient répartis entre plusieurs opérateurs pour chacun des modes de transport subventionnés (transports maritime et aérien de voyageurs, fret maritime). L'aide sociale maritime au passager transporté apparaissait comme le mode de subventionnement le moins coûteux. Il ne consommait que 10,3 % de l'enveloppe de continuité territoriale (soit 19 millions d'euros en 2008) alors qu'il représentait une part très conséquente des flux de passagers (26,6 %). D'après l'Observatoire régional des transports de la Corse, 1,9 million de voyageurs ont emprunté les navires de la Corsica Ferries et de la SNCM entre Nice, Toulon et la Corse en 2008 sur un total de 7,3 millions de voyageurs, tous modes de transport confondus.

Il est à noter que, sur Nice et Toulon, la répartition de ces sommes entre ces deux opérateurs (Corsica Ferries et SNCM) était directement proportionnelle aux flux de voyageurs transportés par les différentes compagnies, créant ainsi une émulation entre elles.
En 2008, la Corsica Ferries a ainsi perçu, et reversé à ses passagers sous forme d'aide sociale (voir réponse à une autre idée fausse), 9,1 % de l'enveloppe de continuité territoriale pour 1,7 million de passagers transportés sur ses lignes Toulon et Nice-Corse. Dans le même temps, la SNCM percevait et reversait 1,2 % à ses passagers au titre des seules lignes Nice-Corse (la présence de la SNCM sur le port de Toulon n'étant alors que saisonnière, elle n'y percevait pas l'aide sociale), pour environ 200 000 passagers transportés (pour mémoire, la SNCM percevait par ailleurs 38,7 % de l'enveloppe de continuité territoriale en 2008 pour ses liaisons entre Marseille et la Corse, qui représentaient alors pour la compagnie environ 680 000 voyageurs et 812 000 mètres linéaires de fret).

Les subventions d'aide sociale au passager transporté représentent à peine 10% de l'enveloppe totale de subvention de continuité territoriale pour plus de 26% des passagers transportés (tous modes de transport confondus)

Il est vrai que les opérateurs qui assurent les liaisons maritimes entre Toulon, Nice et la Corse dans le cadre du système d'aide sociale mis en oeuvre par la Collectivité territoriale de Corse n'étaient pas soumis aux mêmes contraintes (en termes de ports desservis, d'horaires, de caractéristiques des navires etc) sur la période 2002-2013 que les opérateurs qui bénéficiaient d'une délégation de service public, qu'elle soit maritime ou aérienne. Néanmoins, l'abondance de l'offre de transport proposée en toutes saisons dans ce cadre par la Corsica Ferries et la SNCM, les très hauts niveaux de trafic atteints et les tarifs très compétitifs que l'aide sociale a permis de proposer ont attesté de la pertinence économique de ce système, qui a pourtant été supprimé à partir de 2014. En saison, ce mode de subventionnement était ainsi près de dix fois moins coûteux pour la Collectivité territoriale de Corse par passager transporté que la délégation de service public au départ de Marseille en vigueur de 2007-2013 (environ 10€ de subvention par passager transporté sur Nice ou Toulon contre 100€ sur Marseille) !

Les sommes ainsi dépensées par la Collectivité territoriale de Corse n'étaient en rien profitables au trafic maritime avec la Sardaigne, donc au tourisme sarde

Malgré les très bons résultats atteints - qui n'ont pas entravé la croissance des trafics passagers maritimes sur Marseille - certains ont critiqué très durement le système de l'aide sociale au motif qu'il aurait servi en fait les intérêts du tourisme sarde. En effet, des liaisons maritimes régulières existent entre la Corse et la Sardaigne (principalement, entre Bonifacio et Santa Teresa di Gallura, par la Saremar et la Moby Lines). Des passagers souhaitant au final se rendre en Sardaigne auraient ainsi pu "profiter" de l'avantage ainsi concédé par l'Assemblée de Corse en embarquant depuis les ports de Toulon ou de Nice pour se rendre au final non en Corse mais en Sardaigne ! Quelle est la réalité de ce phénomène ? Les chiffres parlent d'eux-mêmes...

Depuis l'instauration de l'aide sociale, le trafic maritime a bien explosé sur les lignes de Toulon et de Nice vers la Corse, mais nullement entre la Corse et la Sardaigne


Instauré en 2002, le système de l'aide sociale sur Nice et Toulon a bien fait "exploser" le trafic sur ces lignes : +59 % en 2008 par rapport à 2001. En revanche, le trafic Corse-Sardaigne n'a nullement profité de ce phénomène : le trafic Corse-Sardaigne est marqué à l'inverse par une régression de 2 % entre 2001 et 2008 ! Le graphique ci-dessus montre bien qu'il ne s'agit là en rien d'années exceptionnelles : la progresion était alors régulière et soutenue sur les lignes de Toulon et de Nice tandis que la stabilité - voire la morosité - l'emportaient nettement sur les lignes corso-sardes. Le constat serait apparu encore plus négatif pour les échanges corso-sardes si l'on avait considéré le nombre de rotations observées sur le port de Bonifacio à destination de la Sardaigne, qui est passé de 3 532 en 2001 à 3 340 en 2008 d'après l'ORTC, soit -5,5 %, sans que la capacité unitaire des navires affectés à cette ligne ait augmenté ! C'est donc bien au tourisme - et aux insulaires - Corses et à eux seuls que le système mis en place a profité, conformément à l'objectif qui lui avait été assigné...


Qu'est-ce que l'aide sociale au passager proposée de début 2002 à fin 2013 sur les lignes maritimes entre Toulon, Nice et la Corse ?

Du 1er janvier 2002 et jusqu'au 31 décembre 2013, date de sa suppression, l'Assemblée territoriale de Corse avait mis en place un système grâce auquel les passagers de toutes les compagnies qui s'étaient engagées à desservir la Corse toute l'année au départ des ports de Toulon et de Nice, pouvaient bénéficier de tarifs réduits. Jusqu'en 2009, cette réduction atteignait 15 € par personne et par traversée, soit une part substantielle du prix du billet : jusqu'à 75% du prix hors taxes alors proposé par la Corsica Ferries (le tarif le plus bas de la compagnie était ainsi ramené à 5 € hors taxes pour un passager). Dans un souci d'économie, avant de la supprimer fin 2013, la Collectivité territoriale de Corse avait ramené son montant unitaire à 12 € à compter de 2010 et la somme globale distribuée à ce titre avait alors été plafonnée à 16 millions d'euros par an. Elle concernait les passagers dits sociaux des lignes Toulon-Corse et Nice-Corse ou vice-versa de la Corsica Ferries et de la SNCM et ce, quelle que soit la période de l'année au cours de laquelle s'effectuait le voyage.

Plus précisément, les personnes concernées par cet avantage tarifaire étaient les jeunes (moins de 25 ans), les étudiants (moins de 27 ans), les seniors (plus de 60 ans), les familles (un ou deux parents voyageant avec au moins un enfant mineur), les personnes handicapées ou invalides et leur accompagnateur éventuel et les résidents corses (ces réductions n'étaient accordées que sur présentation de pièces justificatives). À noter que ce n'est que depuis 2002 que les résidents corses bénéficient d'une réduction du tarif passagers sur ces lignes, et ce, quelle que soit la compagnie choisie par les voyageurs.

Par ailleurs, dans le cadre de la délégation de service public 2007-2013 de et vers Marseille, la SNCM et La Méridionale accordaient également un tarif réduit aux passagers dits sociaux. Les résidents corses naviguant sur les lignes Marseille-Corse bénéficiaient en outre de réductions sur les véhicules et, à certaines périodes, sur les installations pour un aller-retour au départ d'un port insulaire. Contrairement à l'aide sociale, la pérennité des tarifs résidents sur les lignes maritimes de Corse, depuis Marseille, Toulon et Nice, a été confirmée par la Collectivité territoriale de Corse au moins jusque fin 2023.

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