août 2005 : la pauvreté s'étend dans le pays à
l'économie la plus puissante du monde ...
Fin août 2005, le Bureau national des statistiques (Census) des États-Unis
recense 1,1 million de nouveaux pauvres aux Etats-Unis. Le nombre de pauvres
atteint 37 millions en 2004 soit 12,7% des Américains. parmi lesquels
15,6 millions de " très pauvres" (5,4 % de la population
américaine). Le seuil de pauvreté est fixé à
9 645 dollars de revenu annuel pour une personne seule, et à 19 307
dollars pour une famille de 4 personnes. Le taux de pauvreté chez
les Noirs est plus élevé que dans les autres communautés.
Le revenu moyen d'une famille noire est de 30 124 dollars par an, celui
d'une famille d'origine asiatique de 57 518 dollars. Dans la population
blanche, ce taux moyen est de 48 977 dollars par an. -
source : AFP
"(...)Le monopole de la puissance globale reconquis par les Etats-Unis,
depuis l'heureux effondrement de l'URSS en 1990, a exacerbé la conviction
que leur destin se confond avec l'histoire de la liberté et la défense
de leurs intérêts nationaux avec la démocratie. En témoigne
avec éclat l'argumentaire développé par le porte-parole
du président Bush pour commenter l'abandon du protocole de Kyoto
et le plan national énergétique rendu public le 17 mai
dernier :"Le président pense que le niveau élevé
de consommation d'énergie correspond au mode de vie américain,
et que l'une des tâches des élus est de protéger le
mode de vie américain. Le mode de vie américain est béni."
Les débats sur le commerce avaient amorcé cette évolution,
avec les lois Helms-Burton (1995) et D'Amato-Kennedy (1996), créant
un régime de sanctions contre les entreprises, y compris non américaines,
qui entretenaient des relations d'affaires avec Cuba d'une part, l'Iran
et la Libye d'autre part, et ce en contravention explicite avec les principes
du droit international comme avec les règles de l'OMC.
C'est néanmoins dans le domaine diplomatique et stratégique
que l'unilatéralisme américain s'est emballé depuis
la fin des années 1990, au point de bouleverser les relations
entre les Etats-Unis et leurs alliés. L'administration Bush a encore
durci cette diplomatie de rupture. Après le refus de signer le protocole
de Kyoto de décembre 1997 qui prévoyait la réduction
des émissions de gaz à effets de serre, la réunion
de l'OCDE qui s'est achevée le 18 mai dernier a vu les Etats-Unis
ouvrir un nouveau front, sous la forme de réserves expresses vis-à-vis
des mesures de lutte contre l'évasion fiscale (liste de 35 paradis
fiscaux arrêtée en juillet 2000) et le blanchiment, au
nom du respect de la souveraineté nationale et de la libre compétition
entre les nations sur le niveau des prélèvements.
Si l'on ajoute à ces initiatives les méthodes imposées
pour l'endiguement de l'Irak de Saddam Hussein, et surtout la conduite des
opérations militaires en Bosnie et au Kosovo, organisées en
fonction des concepts contestables ("guerre propre" ou
"guerre zéro mort") au détriment de l'efficacité
opérationnelle et de la raison politique, la conclusion semble s'imposer
d'une redéfinition brutale du leadership américain.
Une redéfinition qui fait la part belle à l'isolationnisme
au détriment de l'engagement international d'une part, à l'exercice
de la puissance au détriment de la stratégie d'influence d'autre
part.
D'où une série d'interrogations, qui, touchant à la
seule puissance globale de ce début du XXIe siècle, dépassent
les seuls Etats-Unis : le troisième après-guerre du XXe siècle,
caractérisé par la disparition de toute menace frontale, est-il
en passe d'emprunter la voie de 1918, marquée par le repli catastrophique
des Etats-Unis sur eux-mêmes, plutôt que d'actualiser la réussite
du modèle de 1945 ? Revenus au faîte de leur puissance
avec la restauration d'une avance économique, technologique et militaire
disparue depuis les années 1960, les Etats-Unis ne sont-ils pas en
même temps exposés à la démesure, au risque de
s'aventurer dans des combats douteux, dont l'expédition de la baie
des Cochons ou la guerre du Vietnam, sur une tout autre échelle,
ont donné l'exemple ? (...)
Nicolas baverez est économiste et historien. "
Etats-Unis : la tentation de la démesure " LE MONDE
| 25.05.01