Accueil et prévention des toxicomane sur le bus du CAARRUD de l’Association Aides
Le positionnement éthique des intervenants en toxicomanie face aux usagers de drogues était, jusqu’au début des années 90, de ne pas contribuer aux stratégies de contrôle politique et social de l’Etat, à partir du refus de l’extension du dispositif au regard des besoins des toxicomanes. Ainsi, étant donné qu’il fallait soigner les’ toxicomanes » mais seulement ceux d’entre eux qui le souhaitaient et faisaient les démarches nécessaires, la France est devenu l’un des pays européen le plus touché par l’épidémie du sida. Ce sont les chiffres alarmants de contamination par le virus qui ont fait réagir le gouvernement et « La politique de réduction des risques » devenait, entre septembre 1993 et juin 1994, la politique officielle du ministère de la Santé.
À l’intérieur des dispositif de réduction des risques, il y a toute une série de structures où les conditions d’accès pour les usagers sont presque inexistantes et que l’on appelle structures bas seuils. « Leur action s’inscrit dans un processus qui vise à reconstruire une base d’adhésion aux règles de la vie sociale en redonnant aux usagers de drogue (UD) les plus marginalisés, l’usage des biens et des services collectifs auxquels ils aspirent, sans que des conditions préalables ou des contreparties soient exigées.
Le travail consiste ainsi à accompagner l’individu (durant sa période de consommation). Il s’agit en effet d’obtenir une amélioration du bien-être physique et psychologique de la personne toxicomane, en l’insérant dans un environnement structuré et structurant qui devrait lui permettre de retrouver une certaine indépendance face au « milieu de la drogue » et une certaine maîtrise de sa consommation.
Mais si l’objectif premier du CAARRUD est la stabilisation aux produits, c’est aussi un premier lieu de stabilité social et d’accueil de proximité anonyme. On offre de la chaleur, on leur offre un thé un gâteaux, et un moment de distraction. Ici on relate les difficultés de la rue, la vie durant la nuit : la quête de la drogue, les aléas des rencontres quotidiennes (police, dealers, copains, clients…), les démarches pour trouver un lieu où dormir, etc. La contribution progressive au rétablissement d’un ordre élémentaire dans les rythmes de vies de ces usagers est précieuse. Ce n’est que grâce à la possibilité de répéter certaines séquences avec certaines personnes, dans un cadre qui n’est ni punitif ni rigide, qu’ils peuvent arriver à récupérer un peu d’équilibre face à l’incertitude continuelle de leur vie à l’extérieure. Le dispositif CAARRUD est le premier échelon de l’insertion, c’est une structure à bas seuil d’exigence : « On est dans la tolérance pas dans le jugement ».
“Un groupe très cordial d’usagers de drogues, d’ex-usagers, une salariée et deux bénévoles (ancien UD), une stagiaire (éducateur spécialisé) se retrouvent trois après-midi par semaines. : « On est comme un petit dispensaire d’Afrique. ». À l’intérieur du bus, l’intimité n’a pas ça place, nous sommes assis les uns en face des autres pour échanger avec pour seul axe de circulation un bout de couloir central. Le temps passé reste parfois superficiel car la mission première du CAARUD reste la prévention par la distribution du matériel.
Le bus Aides (un seul sur paris) ne remplit pas la mission hébergement et hygiène (pas de douches). Il y a un espace soin premiers secours, ou l’absence de l’infirmière volontaire depuis un mois, oblige les usagers à s’orienter vers un centre de soin pour UD (le CEST). Mais ces marginaux ne trouvent pas d’équilibre dans les institutions, étant donné que leurs contacts avec elles se réduisent toujours à des moments très ponctuels et à des actions, encadrées dans une dynamique dont la rigueur les éloigne un peu plus de l’insertion. “Pour un malade (VIH ou Hépathite B) sans domicile , il est encore moins évident de se promener avec son traitement dans ses poches ou dans ses sacs : Ca n’est pas hygiénique et il risque de se les faire voler ou de les perdre. C’est mettre les gens dans l’échec”. Ces pratiques limite l’accès au soin, les traitements d’une personne dans la rue semblent quasi impossibles.”
D’autant que La DDASS impose parfois des projets d’insertion sur six mois à ceux qui depuis 12 ans sont en errance » (L’insertion d’un usager de la rue est aussi longue que le temps passé dehors). par conséquent l’insertion sociale des usagers de drogues est trop rapide et entraîne de nombreuses rechutes.
Faire de la prévention au sein du bus n’est pas suffisant et déléguer aux autres structures retarde considérablement l’issue de la précarité. Le médicale tarde à entrer sur le bus alors que des accompagnements psychologiques ou autres interventions médicales semblent aussi prioritaires, l’urgence de soin n’a pas ça place. Alors que le CAARRUD est bien défini comme espace médico-social (subventionné par la CPAM), mais Aides n’est pas une association de « santé publique », elle n’a pas vocation à organiser le prise en charge thérapeutique, ni le suivi épidémiologique de l’infection.
( Rapport CNAM sur les publics en Insertion, enquête au Accueil et prévention des Usagers de drogues sur le bus du CAARRUD de l’Association Aides, 2008)
« Appréhender l’expérience du « bas seuil » n’est pas une tâche facile. D’abord parce que questionner des usagers de drogues en situation de très grande précarité - qu’il s’agisse de leurs activités quotidiennes ou de leurs relations avec des équipes de professionnels – est un enjeu d’une lutte constante avec le désir des UD de parler exclusivement des bénéfices et avantages de l’accueil offert par l’association » (Cf. annexes II (*)
* (Université Paris VIII – Saint Denis Département de Sociologie Mémoire de D.E.A.Pratiques et discours autour d’un espace « bas seuil ». Analyse de la participation des usagers de drogues dans la construction de la réduction des risques.