Mare Nostrum Corsica 

CMN - La Méridionale conserve finalement son indépendance vis-à-vis de la SNCM

Le départ du Kalliste du port de Bastia, en août 2006
La Cour de Cassation a confirmé en novembre 2007 la validité de la décision de la Cour d'Appel de Paris qui avait reconnu fin 2006 l'autonomie de La Méridionale vis-à-vis de la SNCM.

Le souhait de la SNCM d'être en capacité de répondre en solo, si nécessaire, à l'appel d'offres lancé par la Collectivité territoriale de Corse pour les lignes Marseille-Corse intervenait après la rupture, en mars 2006, par La Méridionale (CMN), du pacte d'actionnaire datant de 1992 qui unissait les deux compagnies. La Méridionale entendait ainsi préserver son autonomie suite aux changements d'actionnariat de la SNCM consécutifs à sa privatisation, la SNCM détenant au total 69% des parts de la CMN (mais seulement 45% de manière directe). Il faut savoir que la CMN était contrôlée en pratique par le groupe Stef-TFE puisque cette société détenait une part prépondérante (55%) de la Compagnie méridionale de participation, qui possédait elle-même la majorité des parts de la CMN (un peu plus de 53%). Dès janvier 2006, Francis Lemor (PDG de Stef-TFE), qui souhaitait racheter la participation détenue par la SNCM dans la CMN, écrivait à la Commission européenne pour souligner que cette opération "permettrait de réduire l'aide publique dont bénéficierait la SNCM préalablement à sa privatisation et renforcerait les conditions d'un meilleur équilibre des règles de concurrence".

Cette rupture du pacte a depuis été attaquée en justice par la SNCM, ce qui a donné lieu à de multiples rebondissements. Tout d'abord, le tribunal de commerce de Paris, saisi par la SNCM, a estimé le 17 octobre 2006 que la CMN n'avait pas à rompre unilatéralement ce pacte et a imposé au groupe Stef-TFE de vendre 25% de ses parts de la CMN à la SNCM - ce qui revenait de facto à donner le contrôle opérationnel de la CMN à la SNCM. De surcroît, le jugement rendu était immédiatement éxécutoire, ce qui signifie que l'appel de la CMN n'était pas suspensif et que la SNCM pouvait en prendre le contrôle dès réception d'une lettre d'accord du Ministère des Finances ! La SNCM avait déjà saisi le tribunal administratif de Marseille afin de nommer des mandataires pour prendre effectivement le contrôle de la CMN quand l'exécution provisoire de la sentence du 17 octobre fut été suspendue par la Cour d'appel de Paris le 30 octobre, dans l'attente de la plaidoirie du dossier sur le fond. Intervenue le 16 novembre 2006, cette plaidoirie devait amener l'avocate générale à demander la confirmation de la décision initiale du tribunal de commerce de Paris favorable à la SNCM ; le jugement étant mis en délibéré au 15 décembre 2006. Mais le 15 décembre, la Cour d'appel de Paris, qui statuait en dernier ressort, décida alors de laisser son indépendance à la CMN, estimant que le pacte d'actionnaire pouvait effectivement être résilié à tout moment à l'initiative de l'une des deux parties puisqu'il avait été conclu pour une durée indéterminée.

Mécontente de ce revers, la SNCM s'est pourvue en Cassation. Or, la Cour de Cassation a confirmé, le 6 novembre 2007, le jugement de la Cour d'appel et ce, de manière définitive. Elle a reconnu que la CMN avait le droit de dénoncer le pacte d'actionnaire qui la liait à la SNCM depuis 1992 - puisque ce pacte n'avait pas conclu pour une durée déterminée dans le temps - et que le groupe Stef-TFE ne pouvait pas être contraint de vendre tout ou partie de ses actions à la SNCM. La CMN a donc finalement échappé de justesse à une prise de contrôle par la SNCM qui aurait pu aboutir à un nouveau monopole sur les liaisons Marseille-Corse tant pour le transport du fret que pour celui des passagers, avec les risques que cela aurait comporté. 

Paradoxalement, l'éclaircissement des relations financières entre CMN et SNCM par la Justice a in fine ouvert la voie d'un nouveau partenariat, sans doute plus équilibré, entre les deux compagnies sur les lignes de Corse. En effet, comme le réclamaient les principaux syndicats des deux compagnies, la SNCM et la CMN ont renouvelé leur partenariat sur les lignes Marseille-Corse dans le cadre de la nouvelle délégation de service public (DSP) qui couvre la période du 1er juillet 2007 au 31 décembre 2013. En outre, le conseil de surveillance de la SNCM a finalement décidé, le 30 septembre 2009, de céder l'intégralité des parts détenues dans La Méridionale au groupe Stef-TFE, afin que Stef-TFE et Véolia Transport (l'actionnaire principal de la SNCM) renforcent leur coopération. D'après le site Econostrum.com, le montant de la transaction, qui n'a pas été révélé officiellement, serait compris "entre 40 et 45 millions d'euros". Toujours selon cette même source, les deux compagnies s'accorderaient pour présenter une réponse conjointe à l’appel à projets portant sur les "autoroutes de la mer" en Méditerranée occidentale, entre Toulon, Bastia et Civitavecchia. Pour mémoire, les "autoroutes de la mer" sont en effet soutenues financièrement au niveau européen par l'octroi de subventions visant à faire diminuer le trafic des camions transportés par voie terrestre (pour autant, la ligne directe Toulon-Civitavecchia était jusque récemment assurée par l'alliance Grimaldi-Louis Dreyfus, qui s'est finalement retirée en mars 2009, faute de rentabilité). Par ailleurs, la SNCM et la CMN envisageraient également de répondre de nouveau conjointement à un probable futur appel d'offres pour les lignes Marseille-Corse à l'horizon 2013.


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