Mare Nostrum Corsica
De nouvelles OSP maritimes corses plus souples et mieux adaptées à compter d'octobre 2019
Les OSP s'appliquent en pratique sur les lignes entre Toulon, Nice et la Corse desservies par la Corsica Ferries, l'Exécutif de Corse ayant "déconseillé" à La Méridionale, écartée de la DSP entre Marseille, Bastia, Ajaccio et Ile Rousse, de
naviguer sous OSP au départ de Marseille à compter
d'octobre 2019. Photo Romain Roussel, juillet
2019 (de gauche à droite, les Mega Andrea, Piana et Mega Express Two à Bastia).
Les obligations de service public (OSP) maritimes sont des obligations
de fréquence de desserte et des limitations tarifs imposées aux
opérateurs qui desservent les lignes entre la Corse et la
continent français. Elles ne sont pas assorties de compensations
financières en contrepartie, contrairement aux obligations, plus
fortes, qui prévalent dans le cadre de la
délégation de service public (DSP) maritime entre la
Corse et le port de Marseille qui sont subventionnées par la Collectivité territoriale de Corse à hauteur d'environ 80 millions d'euros par an. Dès lors, dans les faits, les OSP ne s'imposent
pas aux délégataires du service
public maritime - qui les respectent a fortiori - mais aux seuls opérateurs éventuels des lignes entre
Marseille, Toulon, Nice et les cinq ports de Corse reliés au
continent (Bastia, Ajaccio, Ile Rousse, Propriano et Porto Vecchio) en dehors de cette convention.
Déjà redéfinies fin 2013 en cohérence avec la construction du dispositif de DSP 2014-2023
finalement annulée par la justice en cours de route, les OSP
maritimes avaient été durcies par amendement de l'Assemblée de Corse au rapport de l'Office des transports de la Corse le 27 juillet 2018 en parallèle du vote par cette même assemblée du cahier des charges de la nouvelle DSP 2019-2020 s'y substituant.
Le
durcissement des OSP voté à l'été 2018
s'était révélé contre-productif et a pu
contribuer à la réduction de la desserte maritime de la
Corse
Pour mémoire, les modifications des OSP apportées le 27 juillet 2018 portaient :
- sur les tarifs maximaux,
alors alignés sur ceux, revus à la baisse, de la DSP
Marseille-Corse. Par rapport aux OSP en vigueur depuis 2014, il était ainsi prévu de ramener de 42,5
euros à 35 euros le tarif aller simple du mètre
linéaire de fret continent-Corse, voire à un tarif sensiblement moindre pour les exportations de Corse,
de 15 à 20 euros selon les cas (tarifs dits "export" ou "export plus"). Les tarifs passagers maximaux
étaient ramenés quant à eux de 35 à 26
euros hors taxes pour un adulte et de 46 à 56 euros pour
une voiture à une fourchette de 33
à 41 euros, selon sa longueur. Pour les résidents corses,
était prévu en sus l'encadrement des tarifs maximaux des
cabines, de 45 à 49 euros (selon qu'elle est interne ou externe)
et des fauteuils (7 euros).
- sur les fréquences minimales des
dessertes. Celles-ci avaient été relevées, par
amendement, de 1 à 2 rotations par semaine en saison d'hiver sur
les ports de Bastia et d'Ajaccio, les autres fréquences
restant
inchangées par rapport à précédemment (soit
1 rotation minimum pour chacun des ports secondaires - Ile Rousse,
Porto Vecchio et Propriano - en hiver et 3 en saison, comme sur Bastia
et Ajaccio). Ce relèvement de fréquence hivernal et le
fait que les OSP s'entendaient jusqu'alors port de Corse par port de
Corse et port continental par port continental revenaient de fait
à imposer des contraintes beaucoup plus lourdes qu'auparavant aux
opérateurs non subventionnés des lignes de Nice et de
Toulon, c'est-à-dire à la Corsica Ferries et, jusqu'en janvier 2019, à la Moby Lines. Ce durcissement a été en particulier un des arguments invoqués par la Moby Lines
pour justifier son retrait des lignes entre la Corse et le continent
français à compter de cette date, les OSP n'étant
pas assorties de subventions compensatoires. Il a possiblement aussi
contribué au recentrage des liaisons de la Corsica Ferries
sur les ports principaux de l'île - et à
accélérer sa diversification hors de Corse, où des
contraintes de ce type ne sont pas imposées aux
opérateurs - tel qu'observé en 2019.
Cette redéfinition des OSP aurait ainsi conduit une compagnie
desservant Bastia ou Ajaccio depuis les trois ports continentaux de
Marseille, Toulon et Nice à assurer en haute saison 9 rotations
par semaine minimum et, surtout, au moins 6 rotations hebdomadaires en
basse saison depuis ces ports, ce qui apparaissait trop
élevé par rapport aux besoins réels et
financièrement non viable, dans un contexte de
renchérissement du coût des soutes. De surcroît, ces
rotations devaient
être effectuées sans escales, les OSP interdisant
jusqu'alors tout toucher intermédiaire entre un port continental
et sa destination en Corse, contrairement à la
pratique des compagnies. Ainsi, la Corsica Ferries,
qui assure notamment la ligne Toulon-Porto Vecchio en effectuant une escale à
Bastia en hiver, n'était alors dans ce cas de figure pas
réputée avoir rempli ses obligations de service public
sur la ligne Toulon-Porto Vecchio, ce qui n'avait pas beaucoup de sens, le service ayant bien été effectué
! Les inconvénients de ces OSP ont été relevés par de nombreux observateurs et reconnus par l'Office des transports de la Corse (OTC)
lui-même, qui les a amendés et en a soumis une version révisée à l'Assemblée de Corse lors de la session des 25 et 26 avril 2019, en soulignant que : "l'existence
d'une initiative privée suffisante en matière de desserte
maritime de la Corse ne justifie plus totalement l'augmentation de la
fréquence des rotations".
L'assouplissement des
OSP à compter de l'automne 2019 va dans le sens d'une meilleure
maîtrise des coûts et des émissions polluantes
Dès lors, l'Assemblée de Corse
entériné les 25 et 26 avril 2019 de nouvelles obligations de
service public, plus soutenables pour les compagnies et mieux
adaptées à la desserte et à la demande des
usagers. Celles-ci simplifient le régime des OSP en
matière de fréquences et de ports desservis, à
plusieurs égards :
- en supprimant l'interdiction d'effectuer des escales,
interdiction qui "n'est plus en adéquation avec le niveau de
réponse de l'initiative privée à la demande des
usagers". Cela permet plus de souplesse dans la programmation des
horaires des compagnies et permet au final, d'assurer plus de dessertes
;
- en réduisant de 3 à 2 rotations hebdomaires la
fréquence minimale de desserte des ports de Propriano, Porto
Vecchio et d'Ile Rousse durant la haute saison d'été
(cette mesure n'a de fait que peu de portée pratique, ces
dessertes étant déjà généralement
supérieures à ces niveaux en haute saison) ;
- en précisant que le nombre minimal de rotations par semaine pour les ports de Propriano, Porto Vecchio et d'Ile Rousse s'apprécie cumulativement pour
l'ensemble de ces trois ports et non plus ligne par ligne comme
c'était le cas précédemment. Il suffit dès
lors aux compagnies de réaliser au moins une rotation par
semaine en
période creuse avec l'un de ces trois ports pour satisfaire aux
OSP sur l'ensemble de ces trois ports. Cela permet aux
opérateurs de mutualiser
les rotations entre ces ports insulaires sans avoir à un choisir
systématiquement l'un d'entre eux plutôt que les deux
autres, ce qui est
plus souple et économiquement plus soutenable en hiver ;
- en précisant que le nombre
minimal de rotations par semaine pour la desserte des ports corses ne
s'impose pas au départ de chaque port continental (Marseille,
Toulon et Nice) mais de manière globale. Ainsi, si une compagnie
souhaite desservir le port de Bastia, il lui suffit d'effectuer 3
rotations par semaine en haute saison d'été et 2 le reste de
l'année, indépendamment des ports continentaux
(français) à partir desquels il exploiterait la
ligne. Cela donne là aussi plus de souplesse dans l'exploitation
des liaisons et les rend plus attractives pour les opérateurs
maritimes.
Ces principaux points
sont résumés au tableau de synthèse suivant, qui
rappelle dans sa moitié gauche les anciennes OSP et,
dans sa moitié droite, les nouvelles, en vigueur à
compter du 1er octobre 2019 :
Source : présentation par Mare Nostrum Corsica des OSP issues respectivement de l'annexe 1 de la délibération votée par l'Assemblée de Corse
le 27 juillet 2018 sur le service public maritime et du rapport portant
modification des OSP maritimes de la Corse à compter du 1er
octobre 2019 voté par l'Assemblée de Corse lors de la session des
25 et 26 avril 2019. Les OSP mentionnées s'entendent dans le
sens Corse-continent mais aussi dans le sens continent-Corse.
Nota Bene : par convention de l'Office des transports de la Corse, la saison d'hiver va du 1er novembre au 1er mars de l'année suivante, l'avant-saison du 1er avril au 30 juin, l'arrière-saison du 1er septembre au 31 octobre et la saison estivale du 1er juillet au 31 août.
S'agissant des tarifs maximaux applicables
aux passagers, aux véhicules et au fret, les obligations sont
là aussi allégées, avec un retour au régime
en vigueur depuis 2014 (donc 42,5 euros du mètre linéaire
de fret continent-Corse dans le cas général, 35 euros du passager, 46 à 56 euros pour le véhicule accompagné, ainsi que 46 à 51 euros la cabine pour les résidents). L'OTC
justifie ce choix par le fait que : "la baisse de la tarification du
transport de marchandises sous régimes de convention de
délégation de service public est suffisante pour
satisfaire la demande des usagers" et par le fait "qu'il est plus
cohérent de fixer des tarifs en OSP moins contraignants que ceux
applicables dans le cadre de la DSP", en lien avec le fait
que seuls les opérateurs sous DSP (Corsica Linea et, au moins jusqu'en janvier 2020, La Méridionale) sont subventionnés dans ce cadre. Sans doute l'OTC
a-t-il voulu par là éviter de nouveaux contentieux
juridiques, fréquents devant les instances européennes en
charge de la concurrence...
Au-delà de l'aspect "sécurisation juridique", ces nouvelles OSP paraissent plus réalistes
tant que le plan économique qu'écologique. Dans un
contexte marqué par la lutte contre le réchauffement
climatique et par une sensibilité accrue du public aux
émissions polluantes des navires, autoriser les escales semble
en particulier tout à fait bienvenu. Cela apparaît d'autant plus
pertinent que cela permet de réduire les coûts du
transport maritime qui est, rappelons-le, bien moins émetteur de
dioxyde de carbone par passager transporté que le transport
aérien, pourtant moins décrié dans les
médias...
En outre, la baisse apparente du nombre de rotations minimales à
effectuer sur les ports secondaires de Corse en rend la desserte plus
attractive pour les compagnies et pourrait se traduire à moyen
terme par une meilleure desserte de ces ports que celle qui aurait
prévalu avec les anciennes OSP, compte tenu du
renchérissement du carburant utilisé par les navires
à compter de janvier 2020 du fait des nouvelles normes de l'Organisation maritime internationale (OMI) - voir article thématique dédié.
L'arrivée à Bastia du Mega Express Five de la Corsica Ferries, en juillet 2019, avec au premier plan le Moby Corse à quai ; photo : Romain Roussel. Depuis le retrait de la Moby du port de Nice début 2019, la Corsica Ferries est la seule compagnie maritime à naviguer sous OSP entre Nice, Toulon et la Corse.
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