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"Les associations de collectionneurs et d'amateurs de jeux vidéo font un travail d'utilité publique. Elles doivent être subventionnées"

A. Le Diberder

L'institution se penche sur le patrimoine vidéoludique

par Frank

A la Bibliothèque Nationale de France, vendredi 15 novembre, une journée d'études intitulée : "jeux vidéo, cultures et patrimoine" proposait quatre tables rondes sur des questions relatives à la création et la conservation des jeux vidéo. La toute première intitulée "Des espaces de création" accueillait notamment Benoît Sokal (l'Amerzone et Sybéria), un artiste considéré par beaucoup de professionnels comme l'un des rares auteurs français de jeux vidéo. La seconde table ronde animée par Ghislaine Azémard de l'Université Paris VIII était consacrée aux parcours éditoriaux français et donnait la parole à Mathieu Saint-Denis (ex responsable Marketing de Cryo) et le "directeur marketing" du label Chman (développeur de jeux on line en flash notamment). Au cours de cette session, Antoine Villette du studio Darkworks (Alone in the dark IV) a eu l'occasion de faire un compte rendu à chaud de l'entrevue qu'il venait d'avoir avec Jean-Pierre Raffarin, qui rendait visite le matin-même au studio parisien. Face à la crise économique majeure traversée par le secteur du jeu vidéo en France depuis deux ans, et qui a vu la majorité des studios de création disparaître, le premier Ministre interpellé par l'APOM, les divers syndicats d'éditeurs, mais encore par une lettre ouverte du créateur David Cage (Quantic), venait annoncer des premières mesures portant sur la réduction "éventuelle" de la TVA sur les jeux, l'augmentation du fonds d'aide à la création multimédia (FAEM) en 2003, l'expérimentation d'une technopole régionale dédiée au jeu vidéo. L'après-midi, la première table ronde était consacrée au phénomène de société que constitue le jeu vidéo, en présence de deux universitaires de l'Université de Lille, d'Yves Eudes du quotidien le Monde, du psychanalyste Serge Tisseron et enfin de Stéphane Natkin (CNAM et Dess jeux vidéo) animateur de cette session. Des questions relatives aux jeux massivement multi-joueurs ont été abordées dans une volonté plutôt unanime de sortir des clichés sur ces pratiques. Les intervenants et les auditeurs ont pu disserter sur la réalité ou le mythe de la "french touch" à propos de laquelle le représentant de Chman déclarait le matin même : "Moi la french touch je ne sais pas ce que c'est, nous avons une culture plutôt japanisante".

***La dernière table ronde était donc consacrée au patrimoine vidéoludique, et avait pour intervenants Alain Le Diberder, Joëlle Garcia (BNF), Yann R. Fernandez du site Lost Treasures, et René Spéranza président de Silicium. Au cours de ce débat Alain Le Diberder est revenu sur sa nomenclature des jeux vidéo, mise au point il y a onze ans de cela, dans l'ouvrage rédigé avec son frère : Qui a peur des jeux vidéo ? (La découverte). Découpée en trois champs : action, réflexion, simulation, cette nomenclature, aurait selon Alain Le Diberder résisté au temps et à la critique. Et ce, a contrario des classifications professionnelles ou commerciales utilisant des néologismes ou des termes alambiqués passant de mode à chaque changement technique. Le pdg de CLVE (Communication and Life in Virtual Environnement) a ainsi appelé les chercheurs à se pencher sur la question des jeux, en précisant que seule une analyse de ces objets pouvait permettre d'établir des nomenclatures pérennes, et utiles tant aux institutions qu'aux professionnels. Pour lui ces travaux passent nécessairement par le fait de se poser des questions basiques mais néanmoins essentielles : "Qu'est-ce qu'un jeu ? Où ça s'arrête où ça commence ?" A. Le Diberder fait le constate au passage de toute une série d'idées reçues sur les pratiques vidéoludiques. "Les jeux auxquels on joue le plus ne sont pas forcément ceux que l'on achète, ou dont on parle le plus. Ainsi Counter strike aurait au moins le rang de 188 si l'on devait faire un classement". L'ancien directeur des nouveaux programmes de Canal + rappelle que la Cinémathèque française s'est posée la question de la classification et des genres, il fut un temps, en proposant des définitions certes très vagues, mais néanmoins nécessaires aujourd'hui. Il souligne enfin que la société française traite encore très mal les jeux vidéo, faisant référence en particulier à la récente commission Kriegel proposant une censure des jeux violents, une commission de spécialistes n'ayant à première vue pas pris la peine de regarder ces jeux, et de consulter les professionnels du secteur. Pour A. Le Diberder ainsi, "la meilleure façon de défendre cette culture est d'en parler, de la décrire", ce qui passe alors par la question de leur conservation. De même pour René Spéranza "Pour les plus anciens systèmes on peut se dire que l'intérêt est relatif, mais d'un autre côté ces jeux ont eu le mérite d'exister. Ils ont intéressé des gens".
Au cours de cette table ronde, Joëlle Garcia, conservatrice au département de l'audiovisuel de la BNF, a pu faire état du fonds de jeux vidéo de la Bibliothèque, se montant au minimum à 3500 jeux toutes plateformes confondues, en grande partie issus du dépôt légal multimédia de 1992, obligeant les éditeurs à déposer quelques exemplaires de leurs titres après parution.
Dans sa foulée Yann Fernandez, responsable de Lost Treasures s'est fait l'écho du phénomène encore peu connu dans les milieux culturels de l'Abandonware, ces sites récoltant des jeux sur PC, et proposant sous forme d'émulation sur Internet des centaines de titres en téléchargement. Yann Fernandez rappelle que le mouvement a démarré il y a un peu plus de cinq ans, et s'est par la suite généralisé, en particulier en France. Ainsi sur le site Lost Treasures plusieurs millions de téléchargements par mois sont effectués, à partir d'un fonds de près de cinq cents titres. Y. Fernandez est revenu sur les relations ambiguës pouvant exister à ce jour avec les ayant-droits. Certains ne seraient plus identifiables, d'autres ne sauraient même pas qu'ils possèdent les droits de certains titres, et d'autres enfin demandent parfois à ce que le titre soit retiré du site de l'exploitant amateur, mais ne proposent généralement aucune politique de distribution ou de réédition par la suite. Le responsable de Lost Treasures évoque ainsi l'idée de créer une structure dédiée aux questions juridiques et aux relations administratives avec les éditeurs.
Pour finir, René Spéranza après avoir présenté l'association Silicium, créée en 1994 pour la conservation des micro-ordinateurs, a exposé un certain nombre de questions concrètes sur la conservation des jeux. René Spéranza fait remarquer que les machines et les jeux s'abîment facilement et seront voués à disparaître dans les années à venir s'ils ne sont pas transférés sur des supports pérennes ou conservés dans des conditions plus optimales. Le président de Silicium a ainsi pu appeler les éditeurs et le législateur à faire tomber dans domaine public les anciens titres de jeux vidéo, afin de laisser libre cours à leur conservation par les collectionneurs et les institutions de conservation. Sur ce point Alain Le Diberder a tenu à rendre hommage à l'importance du travail réalisé par les associations, qui à titre gracieux, agissent dans un cadre légal relatif et risqué, pour sauvegarder un patrimoine commun. "Il faudrait que ces associations soient subventionnées, car elles font un travail d'utilité publique" a t-il déclaré. Les collectionneurs, dont certains fort éminents n'étaient pas présents à cette journée, auront peut-être une chance à saisir en prenant cette balle au bond.

Le 18 novembre 2002, Gamotek

A lire aussi :

Jeux vidéo et patrimoine : la BNF rappelle l'obligation du dépôt légal aux acteurs du marché, Le Monde, 15 nov 2002
Les signets de la BNF sur le jeu vidéo

 

 

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L'invention du jeu vidéo 1958-1972

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