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Jacques Delval
Sur ma table de nuit
Jai un réveil-radio et au moins trois ou quatre livres. Suivant
les humeurs, je passe de lun à lautre. Je suis en train
de lire Les dernières nouvelles du bourbier, de ce jeune
Russe (Alexandre Kournikov, éditions de lOlivier). Ce sont
des nouvelles très courtes sur la situation actuelle de la Russie.
Des tas de saouleries, de choses qui échouent, de gens qui vendent
le matériel de lÉtat, cest abominable. En même
temps, Paroles de Poilu, les lettres des poilus de la guerre de
14 (Librio). Jessaie aussi de lire un "classique", ce
sont les copains qui me les donnent: Les enfants Tanner, de Robert
Walser (Gallimard). Ah, je viens den finir un, il y a longtemps
que je nai pas lu un roman aussi formidable, Le destin de Mr
Crump, de Ludwig Lewisohn (Phébus). Comme je suis très
intéressé par tout ce qui est histoire, religion, tout ce
qui tourne autour de la Bible, jai toujours un livre en route dans
ce domaine. Là, cest Le temps des cathédrales,
de Duby (Gallimard). Et jai en attente Trop loin, de John
Updike (Folio).
Un livre que je recommande
Un livre qui ma beaucoup, beaucoup plu
Cest Jung: Ma
vie.
Un souvenir denfance
Le souvenir qui est très fort, je ne sais pas si je le refabrique
à chaque fois, cest quand on a tué mon lapin. Le "on",
cest mon père, mais le pauvre vieux ne savait peut-être
pas que jétais lié à cette bête. Les
lapins couraient en liberté dans notre jardin, en Picardie. Javais
huit ans, peut-être.
Un film
Un film qui me bouleverse toujours, cest La règle du jeu,
de Renoir.
Une musique
Moi, actuellement, je suis très pris par Górecki, la 3ème
symphonie, cest une des musiques que jécoute le plus
souvent. Il y en a un autre aussi, Preisner, je me demande si ce nest
pas aussi un Polonais [en tout cas, il se prénomme Zbigniew], Requiem
pour un ami. Et puis après, cest Ravel, que ce soient les
mélodies, luvre pour piano
Sur lécriture
Je suis toujours en train de refabriquer ma mémoire. Je tiens un
journal depuis toujours: jai commencé en cinquième
et je nai jamais arrêté. Ma mère tenait son
journal, ma grand-mère tenait son journal. Quand je tourne en rond,
je reprends mon journal, je le relis et je le réécris. Cest
une espèce de jeu sans fin. Jessaie dexplorer un souvenir
comme celui du lapin
Jai eu une espèce dintuition, on dirait mystique, lintuition
de "lautre", que je nétais pas tout seul,
quil y avait une autre présence. Je suis toujours à
courir, à mettre un visage sur cette présence. Lécriture,
pour moi, cest toujours un effort délucidation de quelque
chose.
Une bonne question posée par un élève
Comment as-tu fait pour trouver le mystère?
Dans ma petite mallette
Jemporte toujours un manuscrit fortement corrigé, pour leur
montrer notre travail.
Un héros de roman
Jaime les voyageurs perdus, les explorateurs: Frison-Roche, Théodore
Monod, et puis les héros de Conrad: Marlow, Lord Jim
Ma bibliothèque
Je collectionne les livres pour la jeunesse, du début jusque dans
les années 50. Je dois bien en avoir trois cents. Jai un
gros secteur de poésie, qui couvre à peu près tous
les pays. Je lis toujours de la poésie. Jen ai toujours un
dans ma sacoche. Là, cest Réda. Jai un gros
secteur qui tourne autour des questions religieuses. Jai beaucoup
lu les mystiques.
Une ville
Jai toujours aimé me perdre dans les villes. Marie-Hélène
commence à en avoir marre. Chaque année, pendant vingt-cinq
ans, nous avons passé une semaine dans une ville: des villes espagnoles,
italiennes. Jétais à Tolède, jai cherché
la petite fenêtre par laquelle (dit-on) Saint Jean de la Croix sest
évadé. Cest toujours lié à ce que jai
pu lire. Je suis allé à Lisbonne sur les traces de Pessoa,
encore quelquun que jaime bien.
Une blague
Il y a une blague absurde que jadore
Une femme a offert deux
cravates à son mari. Il en a mis une et bien sûr, elle lui
dit: "Naturellement, tu naimes pas lautre." [Pour
moi, cest une blague juive. Une mère offre deux cravates
à son fils. Il noublie pas den mettre une quand il
la voit, mais elle lui demande: "Et alors, lautre tu naimes
pas?"]
À propos de cravate: comment je mhabille
Je nai pas beaucoup didées là-dessus. Cette
question me désarçonne un peu
Je voudrais toujours
être bien, mais la première fois que je me suis fait faire
un costume, le type ma dit: "Vous avez les jambes arquées,
les bras trop courts, vous êtes impossible à habiller."
Rien ne me va jamais. En patois, nous avons une expression: jaime
bien être en pénat. Ça doit venir de pénates.
En habits comme à la maison.
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