Le Morvan vu par Jules Roy

Le Morvan a mauvaise réputation... comme beaucoup de gens estimables. C'est qu'il ne se laisse pas envahir. C'est qu'il défend ses biens les plus précieux; sa beauté un peu sauvage, ses forêts immenses, ses lacs. Sa population se défend elle-même. Elle ne se donne pas à n'importe qui.

On a souvent pris le Morvan pour le dépotoir de la France, où les enfants illégitimes trouvaient une famille, où l'Assistance publique cachait ses infirmes moteurs et ses orphelins. Il y a du vrai.

Comme il est d'accès difficile, le Morvan a des routes sinueuses, parfois embrouillées, les esprits aussi, on s'y perd facilement. Son relief tourmenté, ses vallées encaissées. Ses villages sont accrochés à des collines âpres. Ainsi se façonne l'idée que le Morvan n'est pas accueillant.

On ne s'y baguenaude pas par plaisir, les conquérants l'ont évité, les voies romaines le contournent, comme l'ont contourné le TGV et l'autoroute. Pendant la dernière guerre, ses maquis ont donné du fil à retordre à l'occupant allemand. Il a ses héros. Vercingétorix aurait mérité de naître au Morvan. Le seul grand homme qui soit là est un militaire, mais de génie, Vauban.

Quant aux écrivains du lieu, je n'en connais qu'un : illégal et de mauvaise réputation lui aussi, on le disait voleur, habitué des prisons, pédéraste, que sais-je ... mais quel talent! A présent il serait l'honneur des Lettres. (*)

Quant aux arts, n'y aurait-il que Chaissac, Gaston Chaissac, le petit cordonnier d'Avallon, à l'oeuvre colossale mais tordue, bizarroïde, inquiétante comme un dolmen de forêt ténébreuse où luit un étang noir ?

J'aime le Morvan, j'aime l'hiver qui le rend dangereux par son verglas, j'aime sa solitude, sa force, sa volonté et son mérite. N'est pas du Morvan qui croit l'être.

(*) Jean Genet.
 

Le Morvan

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