Le Morvan a mauvaise réputation...
comme beaucoup de gens
estimables. C'est qu'il ne se laisse pas envahir. C'est
qu'il défend ses biens les plus précieux; sa beauté un peu
sauvage, ses forêts immenses, ses lacs. Sa population se
défend elle-même. Elle ne se donne pas à n'importe qui.
On
a souvent pris le Morvan pour le dépotoir de la France, où
les enfants illégitimes trouvaient une famille, où
l'Assistance publique cachait ses infirmes moteurs et ses
orphelins. Il y a du vrai.
Comme il est d'accès difficile, le Morvan a des routes
sinueuses, parfois embrouillées, les esprits aussi, on s'y
perd facilement. Son relief tourmenté, ses vallées
encaissées. Ses villages sont accrochés à des collines
âpres. Ainsi se façonne l'idée que le Morvan n'est pas
accueillant.
On
ne s'y baguenaude pas par plaisir, les conquérants l'ont
évité, les voies romaines le contournent, comme l'ont
contourné le TGV et l'autoroute. Pendant la dernière
guerre, ses maquis ont donné du fil à retordre à
l'occupant allemand. Il a ses héros. Vercingétorix aurait
mérité de naître au Morvan. Le seul grand homme qui soit
là est un militaire, mais de génie, Vauban.
Quant aux écrivains du lieu, je n'en connais qu'un :
illégal et de mauvaise réputation lui aussi, on le disait
voleur, habitué des prisons, pédéraste, que sais-je ...
mais quel talent! A présent il serait l'honneur des
Lettres. (*)
Quant aux arts, n'y aurait-il que Chaissac, Gaston
Chaissac, le petit cordonnier d'Avallon, à l'oeuvre
colossale mais tordue, bizarroïde, inquiétante comme un
dolmen de forêt ténébreuse où luit un étang noir ?
J'aime le Morvan, j'aime l'hiver qui le rend dangereux par
son verglas, j'aime sa solitude, sa force, sa volonté et
son mérite. N'est pas du Morvan qui croit l'être.
(*)
Jean Genet.
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