Un homme féminisé
Comme je l’indique sur la première page du site, Voinquel, en plus des photos de plateau, professionnelles en quelque sorte, cultive également une photographie plus personnelle. Celle-ci se compose de photos de voyages, de paysages et de nus masculins. Les nus que nous connaissons sont uniquement masculins. Il fit des nus féminins , mais n’a jamais voulu les montrer.

La photo de Louis Jourdan est un bon exemple pour aborder sa photographie de nus. On remarque que la corde (en enveloppant le corps, le bras, l’épaule et, en se prolongeant jusqu’à la tête) fait le même office que la lumière. Ce qui a pour effet de l'intensifie. Son corps se laisse caresser par une lumière qui adoucit le grain de sa peau. Il est flagrant que Voinquel, idéalise son modèle de même qu’il le fait lorsqu’il s’agit de représenter la femme dans le portrait.

En effet, Voinquel utilise la même technique que celle employée pour ses portraits de femmes : la lumière est douce, caresse le visage qui ressort d’un arrière plan sombre, enveloppe le corps et ses contours. Il n’y a pas ou peu d’ombre portée. Il montre une femme idéalisée, inaccessible, parfois angélique. Cette sublimation est flagrante dans les portraits d’Annabella (qu’à l’instar d’une sculpture, on pourrait croire qu’il est interdit de la toucher) ou d’Edith Piaf. Darrieux ou Arletty sont également des exemples flagrants de cette idéalisation, où les possibles défauts, les aspérités de la peau, les « mauvaises traces de vie » sont gommées. Pour l’homme au contraire, on remarque qu’il est plus modelé par la lumière. Celle-ci ne va non pas gommer, mais faire ressortir les sillons creusés par la vie sur le visage. Il apparaît tourmenté, transpirant, marqué, voire terreux et donc plus terrestre. Il suffit de regarder les photos de Michel Simon, d’Eric Von Stroheim ou bien de Christian Bérard.

Il lui arrive parfois d’inverser les représentations, mais rarement. En effet, si on regarde la seconde photo d’Edith Piaf (faite un an après la précédente) on constate que son visage, plein cadre, se révèle plus meurtrit et par la même plus masculin. Il en est de même pour les hommes. Ainsi Jean Carmet ou bien Jean Gabin apparaissent avec un visage plus doux, plus féminin dans leur représentation. Il faut tenir compte, dans le cas masculin et féminin, que Voinquel représente soit un personnage (celui joué par l’acteur ou l’actrice), soit une personnalité. Dans les deux derniers exemples, le traitement de leur représentation se justifie par leur rôle. Si on prend les photos de Charles Dullin ou bien de Darryl Zanuck, Voinquel les représente tel qu’ils sont, au naturel.

Raymond Voinquel exprime donc une opposition dans la représentation de la femme et de l’homme. Et l’on peut remarquer que cette opposition s’efface dans la représentation des nus masculin. Comme indiqué précédemment. L’homme « mis à nu » est montré avec les « attributs lumineux » de la femme voir les attributs physiques. Il suffit de voir les seins que Voinquel donne à ce jeune homme. Ainsi, l’homme, quand il expose son corps, n’est plus pétrit par le tourment, mais révèle un aspect angélique à l’égale de la femme. C’est à dire doux et inaccessible tel une icône ou une sculpture (Voir l’Hommage à Michel-Ange, ou Le Repos pour Michelange) qui serait intouchable.

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