Influences
Les œuvres d’un artiste se reconnaissent facilement grace à une sorte d’unité de représentation. Ce que l’on pourrait appeler la touche. Il en est de même pour Raymond Voinquel. La très grande influence qu’exerça l ‘étude de la peinture et donc de ses maîtres y est certainement pour quelque chose. Celle-ci sera d’une importance capitale. Ne dit-il pas lui-même : «J'aurais dû être peintre... j'ai appris mon métier en allant dans les musées». C'est en regardant - notion très importante pour lui : « savoir regarder» - les tableaux de grands peintres qu'il a appris la photographie. Lui même explique cela : «Mes plus belles photos sont celles que j'ai fait poser. Il faut reconstituer la vérité d'un visage, travailler comme les peintres, en plusieurs poses». En cela s’éloigne-t-il du photo-reportage ou du photo-journalisme.

Différents noms viennent à l'esprit : le Tintoret, Van Gogh, Monet, Manet («La Cathédrale de Rouen : c'est une leçon de photographie»). Mais il y a surtout deux peintres qui marqueront son inspiration et son travail de composition et dont il retiendra cadrage et lumière. D'abord Le Caravage, puis Vermeer de Delft.

Pour Voinquel, «Caravage n'est pas un peintre, c'est un photographe». Voinquel en retirera une lumière directe, tantôt crue pour marquer les détails ou les corps - rarement - (« Les mains de Jean Cocteau », « Le Repos pour Michel-Ange »), tantôt diffuse pour entourer les personnages d'un halo mystique (voir « Annabella » ou « Michel Simon »). Pour Vermeer : une lumière moins saisissable mais tout aussi prégnante, comme englobant le sujet représenté (« Edith Piaf », par exemple).

Pour ce qui est du cadrage, celui que Voinquel élabore ne doit surtout pas être changé à la publication. C'est un cadrage qui participe très fortement à ce que veut représenter la photographie, plaçant presque systématiquement le personnage au plus près du cadre (ainsi que le fait Le Caravage, dans « La Crucifixion de Saint-Pierre » entre autre où l'un des protagonistes pousse de ses pieds contre le cadre) et dans une frontalité avec l'objectif (Voir « Garçon mordu par un lézard » du Caravage).

La lumière est le second élément important. Il veut à travers elle reconstituer des sentiments naturels. La lumière de Raymond Voinquel est adoucie. N'aimant pas les ombres portées il invente un système de volets qui en diminue l'intensité. Diminution qui n'empêche en rien la force qu'elle peut avoir. Surtout il ne travaille jamais au flash : «J'ai horreur de ce fromage blanc. (...) Je n'aime pas ces femmes blanches; immaculées comme si elle sortaient d'un œuf».Voinquel refuse une lumière qui innonde, il refuse la lumière plate. A ses yeux «le dosage de la lumière est ce qu"il y a de plus important, avec le cadrage». Cette lumière doit modeler le visage pour en extraire sa vérité. On pourrait le rapprocher en cela de Georges de la Tour (un caravagesque) et de sa peinture. Le « Portrait de G.F. » est un exemple frappant que l'on peu mettre en parallèle avec le « Jeune chanteur » du peintre.

Pour Patrick Roegiers, Voinquel «utilise la lumière comme un pinceau à la manière de Rembrand».Voinquel crée une atmosphère qui se veut refléter la personnalité du modèle et ainsi la révéler à nos yeux. Bien sûr, le modèle a aussi son importance. Voinquel ne peut photographier une personne qu'il ne connaît pas. Mais pour lui, le modèle idéal est le modèle professionnel comme Garbo ou Danielle Darrieux («elle comprenait», disait il d'elle) pour «sa personnalité, son caractère et la facilité avec laquelle on peut travailler avec lui».