Source d’inspiration

© Grigori TOMSKI

Attila et les femmes

Ses amis

Jeu politique

Dynamique des guerres

Envoyé par Dieu

Conclusion

 

Sommaire

 Attila, qui à 10 ans faisait frissonner Aetius sous son regard, faisait trembler Valimère et la foule des autres rois, qui pensaient «que son corps crépitait d’une sorte de scintillement qui attirait ou écartait les gens». Il possédait l’épée divine : «... un jour, un bouvier hun, dans la steppe orientale du Tanaïs vit une de ses génisses boitiller. Il examina la bête et lui voyant une entaille au dessus du sabot, il chercha sur quoi elle avait pu se blesser. Suivant les traces de sang, il aperçut un peu plus loin dans l’herbe la pointe d’une épée qui, chose étrange, sortait perpendiculairement du sol, une épée d’or... Elle était courte avec deux tranchants, le corps ajusté sur sa base par un solide faisceau de baguettes, tout à fait à fait semblable à ces lames qu’on voit fichées dans le sol des sanctuaire barbares, droites, nues et scintillantes, entourées d’offrandes tel un Dieu défenseur du sol ancestral. Que celle-là, perdue volontairement par Marak, fût retrouvée ainsi dans cette immensité de l’ancienne Scythie devenue la Hunnie, comme portée par un dessein divin dans les mains d’Attila, ne pouvait pas être pour lui, religieux comme il était, autre chose que le signe d’une Volonté souveraine. Elle l’investissait lui, empereur des Huns, de la victoire, elle l’informait non seulement qu’elle serait de son côté quoi qu’il entreprît, mais en outre que, le sachant désormais avec certitude, il avait le devoir d’aller au-devant d’elle. Le peuple romain le comprit si bien qu’il se remit à trembler ...» (M. Loi , Attila mon ami, mémoires d’Aetius, Berg International, 1997, p. 92-94).

Mais pourquoi Attila et ses Huns s’en prenaient-ils au peuple romain ? C’est vrai que les cavaliers hunniques, élevés sur les épopées héroïques, estimaient le courage, la force et l’adresse, le parcours des grands espaces. Les turcophones étaient majoritaires dans les steppes de l’Eurasie et leurs cousins mongols étaient souvent bilingues. Un peuple hunnique était composé d’une tribu «royale» fédératrice (comme Cangalas chez Sakhas) et de quelques autres tribus. Le but de cette union («El» ou «Il» en turco-mongol) était la survie, la défense de son territoire.

Un peuple fort pouvait à son tour fédérer les autres peuples. Dans ce cas on observe un processus qui ressemble aux luttes des partis politiques. L’idée fédératrice des peuples des steppes était souvent la défense contre les états sédentaires, la vengeance, parfois le rêve de domination des empires prestigieux. Ainsi Gengis-khan (né vers 1155) a consacré 40 ans de sa vie à la tâche de la réunification des Mongols. C’est seulement au printemps 1206 qu’il réussit à réunir une Grande Assemblée des peuples turco-mongoles de la Mongolie et se fait proclamer le Grand-khan de «tous ceux qui habitaient sous des tentes de feutre». Il se considérait donc comme le restaurateur de l’unité perdues des peuples turco-mongols. Le grand prêtre de la religion tangraïste Munlik annonça que Tangra consacrait Gengis-khan comme empereur universel.

On oublie souvent que les Turco-Mongols manifestaient à cette époque de la sympathie pour le christianisme : «De fait, confirme Vartan, les chrétiens de Baghdâd, au moment de la prise de la ville, s’étaient, sur les instructions du patriarche nestorien Mikakha, enfermés dans une église : les Mongols respectèrent le monument et tous les fidèles. Hulägu fit même donner au patriarche Makikha un des palais khalifaux, celui du petit déwatdâr ou vice-chancelier.» (R.Grousset, L’empire des steppes, Payot, 1965, p.430).

Les chrétiens étaient nombreux parmi les cavaliers des steppes, ainsi les Turc Öngüt avaient «une onomastique qui, à travers les transcriptions chinoise , se révèle, comme l’a montré M. Pelliot, souvent nestorienne : Chen-wen (= Siméon), K’ouo-li-ki-sseu (= Georges), Pao-lou-sseu (= Paul), Yo-nan (= Jean), Ya-kou (=Jacques), T’ien-ho (= Denha), Yi-cho (= Icho, Jésus), Lou-ho (=Luc).» (Ibid, p. 370).

En 1289, le pape Nicolas IV qui venait d’apprendre l’existence de nombreuses chrétientés indigènes dans l’empire mongol, envoya le franciscain Jean de Montecorvino, avec un message pour le Grand-khan. Odoric de Pordenone écrit à ce sujet : «Nous avons un de nos frères mineurs évêque à la cour de l’empereur. Il lui donne sa bénédiction quand celui-ci doit chevaucher et l’empereur baise la croix très dévotement.» (Ibid, p. 384).

En 1307 le pape Clément V nomma Montecorvino arche-vêque de Pékin. Après lui, l’autre célèbre missionnaire catholique Odoric de Pordenone rend hommage à l’administration mongole : «Le fait que tant de races différentes puissent cohabiter paisiblement et être administrées par le même pouvoir me semble une des plus grandes merveilles du monde» (Ibid, p. 387). Mais au XV siècle les Chinois - les Ming - ont proscrit le christianisme comme une religion mongole ! (p. 390).

Revenons à Attila. Pouvait-il «baiser la croix très dévotement» ? Il est très probable que c’était pour lui un rite hérité de ses ancêtres tangraïstes qui avaient leur croix «adji» à quatre branches égales et parfois ancrées. Notons que la croix fait son apparition sur les monnaies romaines vers 370 à l’époque où les Huns franchissaient la Volga et s’approchaient du Danube. La croix des sarcophages chrétiens des premiers siècles et des quelques textes patristiques est en forme de «tau» qui reproduit la forme probable de l’instrument de supplice du Christ. Attila pouvait éprouver une grande sympathie et du respect pour le pape romain Léon, les évêques (Anianus d’Orléans, Loup de Troyes et autres) et Geneviève de Paris portant la croix qui était pour lui l’«adji» de ses ancêtres.


Mais cette sympathie n’était pas toujours réciproque et Attila était plutôt respecté comme «Fléau de Dieu». Il était même content d’être reconnu de telle façon aussi comme détenteur d’une mission surhumaine : «Ce titre de fléau de Dieu, un homme de bien s’en fût désolé, Attila en tira fierté, le monstre ! D’où le contentement bruyant qu’il manifesta lorsqu’il apprit de la bouche du vieil ermite tricasse qu’on l’appelait ainsi en Gaule ! Quel honneur insigne ! «Fléau de Dieu» ! Qui, dans ce cas, tenait le fléau dans sa main sinon Dieu ?» (M. Loi , Attila mon ami, mémoires d’Aetius, Berg International, 1997, p. 254).

Son interlocuteur du 4-6 juillet 452 est devenu Saint Léon pour l’Occident, Attila a vécu presque 20 ans de moins que Léon, sinon rien ne l’empêchait de se convertir officiellement avant 460, et contribuer à la transformation de l’Eglise chrétienne en vraie Eglise universelle et devenir ainsi pour la postérité Saint Attila !

N’oublions pas que les évêques de cette époque avaient souvent une double mission, religieuse et militaire. Ainsi, en 429, Loup, évêque de Troyes, et Germain, évêque d’Auxerre ont béni la petite Geneviève à Nanterre en route pour leur expédition militaire contre les Scots et Pictes, organisée pour les repousser au nord des limes romains, en Ecosse. Pendant cette expédition ils ont combattu l’hérésie pélagienne. Pour les adeptes de cette hérésie Loup, futur Saint Loup, était donc un «fléau» de Dieu. Tandis que les habitants de Narbonne délivré du long siège des Wisigoths par les Huns (qui ont ensuite organisé la distribution du blé à la population affamée) et les Belges protégés contre l’agression des Burgondes avaient d’autres sentiments.

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