Situation politique et militaire Population hunnique
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Louis Hambis pense que les Huns représentent «un ensemble humain provenant sans doute de la région de Baïkal» (Attila et les Huns, PUF, 1972, p.27). Citons aussi Alexeï Okladnikov : «La Sibérie ancienne turc est plus étroitement liée avec lOccident quavec lOrient. Sa culture est plus riche et plus éclatante quon pouvait simaginer. Sur les rives de Baïkal, dAngara et de Lena se croisaient les influences culturelles dOrient et dOccident, il existait des foyers culturels puissants ; on ne peut bien comprendre lHistoire de lEurasie sans les connaître. Les vestiges nous montrent que la route des Turcs vers le Don et le Danube a commencé à partir de leurs forteresses de la région de Baïkal» (Mourad Adji, Polyn polovetskogo polia, Moscou, «Pik-Kontekst», 1994, p.191-192). Suivant ce conseil nous trouvons des parallèles culturels intéressants entre les Huns et les Sakhas (Yakoutes), peuple turco-mongole des rives de Lena. Analysons dabord les noms de personnages. Pourquoi, en effet, les noms des femmes dAttila (qui navait toujours quune femme officielle) se terminent par «ka», «ga» ou «go» : Enga, Kerka, Eska, Ildigo ? Dans la langue sakha «ko» signifie «noble et belle femme». Alors, très vraisemblablement Enga = En-ko, Eska = Es-ko, Ildigo = Ildi-ko. Kerka était plutôt Kere-ko, «kere» signifie «belle». Attila témoignait à Kere-ko «la plus grande confiance et la plus haute considération. Honorée du titre dImpératrice lorsque le roi Attila, à la mort de Roas, fut devenu empereur, elle recevait les ambassades étrangères dans le palais de Pannonie, où Priscos eut loccasion de la voir aussi quelques années plus tard dans les fonctions de ministre.» (M.Loi, Attila mon ami, mémoires dAetius, Berg International, 1997, p. 46). Le nom Roas (de loncle dAttila) ressemble|à un nom sakha très répandu : Oros. Le fils aîné dAttila port le nom purement sakha : Ellak = «celui qui possède un Etat» = «un souverain» («El» signifie «état, union, paix»). Uzindur est probablement Uzin-Tour (Ouzoun-Tour : «soit debout longtemps» = «vie longtemps»), Ernak se déchiffre comme Er-Nak («Er» signifie «un homme vaillant»), etc. René Grousset note : «Hun, Turc ou Mongol, lhomme de la steppe, le brachycéphale à la grosse tête, au torse puissant, court sur jambes, le nomade toujours en selle, «larcher à cheval» de la haute Asie rôdant, au seuil des cultures, na guère varié à travers quinze siècles de razzias au détriment des civilisations sédentaires.» (R.Grousset, Lempire des steppes, Payot, 1965, p.119). Les guerres presque permanentes dans laire turco-mongole poussèrent plusieurs groupes à chercher des lieux plus paisibles. On ne sait toujours pas de façon sûre aujourdhui quand et comment les premiers cavaliers, parlant des dialectes turcs, trouvèrent les pâturages qui sétendent dans les vallées de la Lena, si éloignées pourtant des steppes de la Sibérie du Sud. Le pays des Sakhas (la Yakoutie) resta longtemps «forteresse sans murs» pour le peuple Sakha et les autres peuples autochtones, principalement en raison de son climat extrêmement sévère. Les relations des Sakhas avec les autres peuples turcs et mongols furent coupées avant ladoption par ces derniers des religions musulmane ou bouddhiste.Ainsi isolé, le peuple Sakha va connaître un développement culturel et intellectuel tout à fait original en conservant des traditions très anciennes, disparues depuis longtemps en Asie Centrale et en Mongolie. Le tribu centrale des Sakhas sappelle Cangalas. Les guerriers du Cangalas bien protégés par des armures dacier, leurs chevaux également cuirassés, étaient les véritables chevaliers du Grand Nord. Il est très intéressant de noter quà lépoque de Gengis-khan nous voyons les Canglas sur le territoire de lactuel Kazakhstan. Anatoli Gogolev et les autres chercheurs sakhas nomment parmi leurs ancêtres les Qiptchaqs qui comme les Canglas descendaient de la population hunnique du temps dAttila. Rien détonnant vu lincroyable mobilité des cavaliers des steppes. Pour les Sakha le même mot «attan» signifie «allez» et «montez à cheval», ils construisent souvent les mêmes maisons octogonales en bois qui ont si surpris Priscos chez les Huns. Dans leur lutte pour la survie au Grand Nord les Sakhas ont perdu une partie importante de leur héritage turco-mongole - ils ont ainsi cessé de construire les forteresses en pierre avec les rues pavées à lintérieur, ont presque oublié leur écriture runique, ont abandonné lagriculture avec système dirrigation. Cest pourquoi, à notre avis, les Huns dAttila avaient au moins un niveau de développement économique et culturel comparable avec celui des Sakhas avant lépoque soviétique dont la culture traditionnelle était pratiquement intacte jusquau début du XX siècle. Les Sakhas comme les Huns pratiquaient et pratiquent encore largement «lélevage biologique» que nous préférons au terme de «lélevage primitif»,|leurs forgerons et artisans étaient remarquables. Dailleurs, lagriculture de la Yakoutie soviétique, malgré la création de lAcadémie de lAgriculture, chargée de former des vétérinaires et autres spécialistes diplômés, et de lInstitut de lAgriculture chargé des recherches scientifiques, a été moins productive que celle de la Yakoutie traditionnelle. La Yakoutie traditionnelle nourrissait sa population dorigine hunnique de plus de 200 000 Sakhas malgré la superficie des pâturages très limitée et huit mois dhiver de la région la plus froide habitée par lhomme. Elle exportait de la viande aux mines dor russes, payait des impôts exorbitants. On peut penser que les Huns dAttila (qui à cette époque ont considérablement élargi leur territoire dans les steppes immenses) dans un climat beaucoup plus tempéré, navaient pas de problèmes économiques difficiles. Les épopées héroïques sakhas donnent lidée de la mentalité et des valeurs morales de la population hunnique. Le pays des Sakhas dans leurs épopées nest pas dans le Grand Nord mais plutôt non loin de la mer Aral : «Jai voulu regarder vers lOuest, là jai vu la mer Arât aux huit échappées, huit jours de marche pour la contourner sont nécessaires, grandiose elle ne cesse dêtre et sonne ses lames. Cette contrée, tel le nombril de la terre, pleinement épanouie saffirmait comme une incomparable beauté. Ce centre du monde dans sa pleine et luxuriante beauté atteignait la limite de sa perfection comme cette plaine au-delà du regard, celle dont on ne connaît pas les bords.» (Les guerriers célestes du pays yakoute-saxa. Traduit du russe et du yakoute par Yankel Karro|et Lina Sabaraikina, Gallimard, 1994, p. 45-46). Mais ce pays est en danger. Les chevaliers sont prêts à défendre leur pays, ils sont bien armés : «Là, on pouvait trouver larc long, distingué parmi les plus beaux, lançant la flèche sifflant à travers les neuf ciels, il était fait de bouleau, arbre du pays Xamar Imên, renforcé par lécorce du bouleau qui croît au pays Toumân Imên, collé avec fiel du poisson de la mort, la corde avec le tendon dorsal dun énorme lion.» (Ce nest pas le Grand Nord !) «On pouvait trouver aussi la flèche alerte noircie, celle qui pousse un cri et passe à travers huit ciels ; ici encore gisait la longue épée porte-mort, sur laquelle dents et lèvres de ladolescent dressé de lautre côté de la forêt se reflétaient. La lance à double tranchant était là, clairement sy reflétaient les yeux et les sourcils de la jeune fille épanouie...»(Ibid, p. 53). Un jour, le chevalier venu du Nord capture et emporte la soeur du héros. La poursuite commence : "Niourgoun Bôtour l'Audacieux, aussitôt à cheval, prit tout droit la route du Nord avec son beau fouet sacré aux huit extrémités, aux sept épaisseurs, il éleva la main et le fit claquer. Son cheval, avec ses quatre forts sabots semblables à des meules de foin couvertes de neige détachait de la terre une pierre noire, grosse comme le ventre d'une vache étendue. Les oreilles du cavalier résonnaient, les ailes du grèbe résonnent ainsi. Sur son visage, le fouet du vent jouait, les baguettes de saule sont aussi cinglantes. Les gouttes de vapeur que le cheval expirait, aussitôt durcissaient en glace. Avec un sifflement qui se prolongea pendant trois jours de route, les sabots fendaient la terre et la dispersaient aussi loin qu'allait en un jour un homme à pied. Les jeunes arbres se plaquaient au sol, tels des tendons qui ceinturent un dos en mouvement. Les puissants arbres se pliaient, la queue du boeuf ainsi se plie. Les rageurs éclairs étaient ses compagnons de route, les coups de tonnerre, ses messagers. Ainsi il allait, dit-on." (Ibid, p. 61-62). Les chevaliers sakhas sont très nobles, ainsi Niourgoun ne tue pas son adversaire endormi, il pense : «Si tout de suite je le tue, le transperçant de part en part, alors, trois pays tout entiers, les gens|me railleront, il se mettront à rire et à me harceler : «Pauvrelet, craignant dêtre vaincu, tu as tué ton adversaire à la façon des voleurs !» Je préfère pour moi une mort honorable.» (Ibid, p. 103). Les poèmes épiques sakhas contiennent souvent des dizaines de milliers de lignes, ils sont remplis de scènes de poursuite et des exploits fantastiques des chevaliers nobles. Le récit se termine toujours par le mariage du héros principal, sa noce qui est en même temps la fête de la victoire. La chamane divine les bénit : «quil soit ainsi, que récompense et châtiments soient distribués, les massacres de mort sont terminés, et il séloigne, le destin noir plein de ruse. Aux fils qui nont quun oeil, les Abasy, ne vous mélangez plus jamais ! Vivez dans la paix pour faire des barrières au bétail fécond, pour construire des berceaux à vos enfants, la descendance de votre descendance.» (Ibid, p. 127). |