Attila et l’Occident

© Grigori TOMSKI

Empereur et Pape

Situation politique et militaire

Education soignée

Population hunnique

Personnalité d’Attila

5 juillet 452

 

 

 

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Louis Hambis pense que les Huns représentent «un ensemble humain provenant sans doute de la région de Baïkal» (Attila et les Huns, PUF, 1972, p.27).

Citons aussi Alexeï Okladnikov : «La Sibérie ancienne turc est plus étroitement liée avec l’Occident qu’avec l’Orient. Sa culture est plus riche et plus éclatante qu’on pouvait s’imaginer. Sur les rives de Baïkal, d’Angara et de Lena se croisaient les influences culturelles d’Orient et d’Occident, il existait des foyers culturels puissants ; on ne peut bien comprendre l’Histoire de l’Eurasie sans les connaître. Les vestiges nous montrent que la route des Turcs vers le Don et le Danube a commencé à partir de leurs forteresses de la région de Baïkal» (Mourad Adji, Polyn polovetskogo polia, Moscou, «Pik-Kontekst», 1994, p.191-192).

Suivant ce conseil nous trouvons des parallèles culturels intéressants entre les Huns et les Sakhas (Yakoutes), peuple turco-mongole des rives de Lena.

Analysons d’abord les noms de personnages. Pourquoi, en effet, les noms des femmes d’Attila (qui n’avait toujours qu’une femme officielle) se terminent par «ka», «ga» ou «go» : Enga, Kerka, Eska, Ildigo ? Dans la langue sakha «ko» signifie «noble et belle femme». Alors, très vraisemblablement Enga = En-ko, Eska = Es-ko, Ildigo = Ildi-ko. Kerka était plutôt Kere-ko, «kere» signifie «belle».

Attila témoignait à Kere-ko «la plus grande confiance et la plus haute considération. Honorée du titre d’Impératrice lorsque le roi Attila, à la mort de Roas, fut devenu empereur, elle recevait les ambassades étrangères dans le palais de Pannonie, où Priscos eut l’occasion de la voir aussi quelques années plus tard dans les fonctions de ministre.» (M.Loi, Attila mon ami, mémoires d’Aetius, Berg International, 1997, p. 46).

Le nom Roas (de l’oncle d’Attila) ressemble|à un nom sakha très répandu : Oros. Le fils aîné d’Attila port le nom purement sakha : Ellak = «celui qui possède un Etat» = «un souverain» («El» signifie «état, union, paix»). Uzindur est probablement Uzin-Tour (Ouzoun-Tour : «soit debout longtemps» = «vie longtemps»), Ernak se déchiffre comme Er-Nak («Er» signifie «un homme vaillant»), etc.

René Grousset note : «Hun, Turc ou Mongol, l’homme de la steppe, le brachycéphale à la grosse tête, au torse puissant, court sur jambes, le nomade toujours en selle, «l’archer à cheval» de la haute Asie rôdant, au seuil des cultures, n’a guère varié à travers quinze siècles de razzias au détriment des civilisations sédentaires.» (R.Grousset, L’empire des steppes, Payot, 1965, p.119).

Les guerres presque permanentes dans l’aire turco-mongole poussèrent plusieurs groupes à chercher des lieux plus paisibles. On ne sait toujours pas de façon sûre aujourd’hui quand et comment les premiers cavaliers, parlant des dialectes turcs, trouvèrent les pâturages qui s’étendent dans les vallées de la Lena, si éloignées pourtant des steppes de la Sibérie du Sud.

Le pays des Sakhas (la Yakoutie) resta longtemps «forteresse sans murs» pour le peuple Sakha et les autres peuples autochtones, principalement en raison de son climat extrêmement sévère. Les relations des Sakhas avec les autres peuples turcs et mongols furent coupées avant l’adoption par ces derniers des religions musulmane ou bouddhiste.Ainsi isolé, le peuple Sakha va connaître un développement culturel et intellectuel tout à fait original en conservant des traditions très anciennes, disparues depuis longtemps en Asie Centrale et en Mongolie.

Le tribu centrale des Sakhas s’appelle Cangalas. Les guerriers du Cangalas bien protégés par des armures d’acier, leurs chevaux également cuirassés, étaient les véritables chevaliers du Grand Nord.

Il est très intéressant de noter qu’à l’époque de Gengis-khan nous voyons les Canglas sur le territoire de l’actuel Kazakhstan. Anatoli Gogolev et les autres chercheurs sakhas nomment parmi leurs ancêtres les Qiptchaqs qui comme les Canglas descendaient de la population hunnique du temps d’Attila. Rien d’étonnant vu l’incroyable mobilité des cavaliers des steppes.

Pour les Sakha le même mot «attan» signifie «allez» et «montez à cheval», ils construisent souvent les mêmes maisons octogonales en bois qui ont si surpris Priscos chez les Huns.

Dans leur lutte pour la survie au Grand Nord les Sakhas ont perdu une partie importante de leur héritage turco-mongole - ils ont ainsi cessé de construire les forteresses en pierre avec les rues pavées à l’intérieur, ont presque oublié leur écriture runique, ont abandonné l’agriculture avec système d’irrigation. C’est pourquoi, à notre avis, les Huns d’Attila avaient au moins un niveau de développement économique et culturel comparable avec celui des Sakhas avant l’époque soviétique dont la culture traditionnelle était pratiquement intacte jusqu’au début du XX siècle.

Les Sakhas comme les Huns pratiquaient et pratiquent encore largement «l’élevage biologique» que nous préférons au terme de «l’élevage primitif»,|leurs forgerons et artisans étaient remarquables. D’ailleurs, l’agriculture de la Yakoutie soviétique, malgré la création de l’Académie de l’Agriculture, chargée de former des vétérinaires et autres spécialistes diplômés, et de l’Institut de l’Agriculture chargé des recherches scientifiques, a été moins productive que celle de la Yakoutie traditionnelle. La Yakoutie traditionnelle nourrissait sa population d’origine hunnique de plus de 200 000 Sakhas malgré la superficie des pâturages très limitée et huit mois d’hiver de la région la plus froide habitée par l’homme. Elle exportait de la viande aux mines d’or russes, payait des impôts exorbitants. On peut penser que les Huns d’Attila (qui à cette époque ont considérablement élargi leur territoire dans les steppes immenses) dans un climat beaucoup plus tempéré, n’avaient pas de problèmes économiques difficiles.

Les épopées héroïques sakhas donnent l’idée de la mentalité et des valeurs morales de la population hunnique. Le pays des Sakhas dans leurs épopées n’est pas dans le Grand Nord mais plutôt non loin de la mer Aral :

«J’ai voulu regarder vers l’Ouest, là j’ai vu la mer Arât aux huit échappées, huit jours de marche pour la contourner sont nécessaires, grandiose elle ne cesse d’être et sonne ses lames. Cette contrée, tel le nombril de la terre, pleinement épanouie s’affirmait comme une incomparable beauté. Ce centre du monde dans sa pleine et luxuriante beauté atteignait la limite de sa perfection comme cette plaine au-delà du regard, celle dont on ne connaît pas les bords.» (Les guerriers célestes du pays yakoute-saxa. Traduit du russe et du yakoute par Yankel Karro|et Lina Sabaraikina, Gallimard, 1994, p. 45-46).

Mais ce pays est en danger. Les chevaliers sont prêts à défendre leur pays, ils sont bien armés : «Là, on pouvait trouver l’arc long, distingué parmi les plus beaux, lançant la flèche sifflant à travers les neuf ciels, il était fait de bouleau, arbre du pays Xamar Imên, renforcé par l’écorce du bouleau qui croît au pays Toumân Imên, collé avec fiel du poisson de la mort, la corde avec le tendon dorsal d’un énorme lion.» (Ce n’est pas le Grand Nord !) «On pouvait trouver aussi la flèche alerte noircie, celle qui pousse un cri et passe à travers huit ciels ; ici encore gisait la longue épée porte-mort, sur laquelle dents et lèvres de l’adolescent dressé de l’autre côté de la forêt se reflétaient. La lance à double tranchant était là, clairement s’y reflétaient les yeux et les sourcils de la jeune fille épanouie...»(Ibid, p. 53).

Un jour, le chevalier venu du Nord capture et emporte la soeur du héros. La poursuite commence : "Niourgoun Bôtour l'Audacieux, aussitôt à cheval, prit tout droit la route du Nord avec son beau fouet sacré aux huit extrémités, aux sept épaisseurs, il éleva la main et le fit claquer. Son cheval, avec ses quatre forts sabots semblables à des meules de foin couvertes de neige détachait de la terre une pierre noire, grosse comme le ventre d'une vache étendue. Les oreilles du cavalier résonnaient, les ailes du grèbe résonnent ainsi. Sur son visage, le fouet du vent jouait, les baguettes de saule sont aussi cinglantes. Les gouttes de vapeur que le cheval expirait, aussitôt durcissaient en glace. Avec un sifflement qui se prolongea pendant trois jours de route, les sabots fendaient la terre et la dispersaient aussi loin qu'allait en un jour un homme à pied. Les jeunes arbres se plaquaient au sol, tels des tendons qui ceinturent un dos en mouvement. Les puissants arbres se pliaient, la queue du boeuf ainsi se plie. Les rageurs éclairs étaient ses compagnons de route, les coups de tonnerre, ses messagers. Ainsi il allait, dit-on." (Ibid, p. 61-62).

Les chevaliers sakhas sont très nobles, ainsi Niourgoun ne tue pas son adversaire endormi, il pense : «Si tout de suite je le tue, le transperçant de part en part, alors, trois pays tout entiers, les gens|me railleront, il se mettront à rire et à me harceler : «Pauvrelet, craignant d’être vaincu, tu as tué ton adversaire à la façon des voleurs !» Je préfère pour moi une mort honorable.» (Ibid, p. 103).

Les poèmes épiques sakhas contiennent souvent des dizaines de milliers de lignes, ils sont remplis de scènes de poursuite et des exploits fantastiques des chevaliers nobles. Le récit se termine toujours par le mariage du héros principal, sa noce qui est en même temps la fête de la victoire. La chamane divine les bénit : «qu’il soit ainsi, que récompense et châtiments soient distribués, les massacres de mort sont terminés, et il s’éloigne, le destin noir plein de ruse. Aux fils qui n’ont qu’un oeil, les Abasy, ne vous mélangez plus jamais ! Vivez dans la paix pour faire des barrières au bétail fécond, pour construire des berceaux à vos enfants, la descendance de votre descendance.» (Ibid, p. 127).

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