Le Morvan Étude de géographie humaine - 1909
L’aspect des hameaux et des villages est misérable ; on
y retrouve la malpropreté et l’insalubrité qui font la
réputation justifiées des chaumières. Les rues sont
étroites et sinueuses ; leur tracé est fonction de
l’emplacement des habitations : il ne les a jamais
précédées.
Leur entretien est nul. Les ornières y sont permanentes.
Le paysan ne se donnera pas la peine de brouetter
quelques mètres cubes de pierres pour les niveler, non
par indifférence, mais pour ne pas se donner un travail
qu’un autre n’accomplira certes pas. S’il risque de se
casser le cou tous les jours, il n’est pas fâché de voir
de temps en temps son voisin culbuter devant sa porte.
Enfin la malpropreté s’accroît par l’usage passé en
sorte de droit commun de répandre au-devant des maisons
et dans les rues des pailles de navette ou de sarrasin
encore vertes ou des fougères récemment coupées, qui
retiennent les eaux croupissantes et se mêlent aux
ordures pour en faciliter la putréfaction et préparer
les engrais.
Sous la chambre des habitants s’établit un cloaque, une
mare, d’où les ruisseau d’eau noire et fétide
s’échappent jusqu’au milieu de la voie publique. Le
Morvandeau revenu de l’extérieur consacre ses économies
à se bâtir une nouvelle demeure, mais il n’a pas encore
consenti à faire les frais d’une voirie mieux
entretenue.
Il reste étranger à la vie sociale, l’homme des
granites, replié sur lui-même, parfois même encore en
proie à l’ignorance et à la superstition, semblable au
Bas Breton, « demeuré dit Michelet, trop Gaulois pour
être Français ». Le Morvan est le pays de France où les
travaux communaux sont les plus rudimentaires, où les
frais d’entretien sont les moins élevés. |