Un premier album mêlant rock, pop et valses datant
de 1999, une série de concerts où Venus s'assure
le concours d'un orchestre symphonique. Quelques bouleversements
dans le line-up du groupe et un nouvel opus au son encore
plus vertigineux. Un bel itinéraire que décode
Marc Huyghens, guitariste, chanteur et tête chercheuse
du groupe...
PAR RAPPORT A WELCOME TO THE MODERN DANCEHALL
ET SES INCLINAISONS VERS LE "CABARET", VOUS SEMBLEZ
VOUS ÊTRE ORIENTÉS VERS DES ARRANGEMENTS PLUS
PROCHES DE LA MUSIQUE CLASSIQUE.
On a effectivement voulu un peu occulter le côté
"cabaret" ce qui correspond à une évolution
naturelle et non pas à quelque chose de réfléchi.
Je comprends qu'on puisse y faire un rapprochement avec
le concert qu'on avait fait avec un orchestre classique.
ÇA SE SERAIT FAIT SUBLIMINALEMENT DONC...
Oui. D'ailleurs si l'on souhaitait analyser le nombre de
morceaux où figurent des violons par rapport au premier
album, on s'apercevrait qu'il y en a beaucoup moins.
COMMENT EXPLIQUEZ-VOUS CE PARADOXE ?
C'est ce côté quatuor, archet, etc. L'instrumentation
classique plus flagrante contribue à accentuer cette
atmosphère. Il y a donc un aspect peut-être
plus posé, plus éthéré, aussi.
QU'EN EST-IL DE CE QUE VOUS AVEZ VOULU ÉVOQUER
EN APPELANT L'ALBUM VERTIGONE ?
C'est un jeu de mots assez évident avec "vertige"
et "gone".
DE FAÇON SUBLIMINALE À MON TOUR, J'AI
PENSÉ A "ANTIGONE"...
Oui, une fois ce titre trouvé on se demandait si
l'on ne pouvait pas aller plus loin dans sa signification...
"Vertigone" a une tonalité mythologique,
ce pourrait être la déesse du vertige par exemple...
SANS COMPTER LE NOM DE "VENUS"...
C'est tout l'intérêt de donner, par un mot
sans véritable sens, la possibilité de refléter
différents possibles contenus dans une oeuvre. Bizarrement
ce mot qui ne veut rien dire représente assez bien
le contenu de l'album.
QU'EN EST-IL, THÉMATIQUEMENT OU MUSICALEMENT,
DE CE CONTENU ?
Il n'y a rien eu de préconçu. Quand on a démarré
l'enregistrement, on avait pris six mois de pause. On était
chacun dans son coin car on s'était suffisamment
vu pendant pas mal de temps. Lors de nos retrouvailles la
première question a été : « Avez-vous
utilisé des machines ? » Personne ne savait
ce que chacun avait ou n'avait pas préparé
et on a démarré spontanément à
partir du travail de chacun.
VOUS AVIEZ DES COMPOSITIONS OU DES EBAUCHES ?
Des canevas, la moitié de l'album. L'autre moitié
à été faite pendant. Je ne pense pas
qu'il n'y ait d'ailleurs qu'un seul thème au long
de l'album.
IL COMMENCE SUR "HAPPINESS", PUIS SUR "BEAUTIFUL
DAYS" AVEC SON "I WISH I WAS" RÉCURRENT
: EST-CE UN VOEU PIEUX ?
S'il y a un tantinet d'ironie, chose que nous ne manions
pas beaucoup dans ce deuxième album, c'est dans "Beautiful
Days". Il s'agit en effet d'un fantasme, assez horrible
en fait : tout sauf de l'humanité, du contact, etc
! Un lieu circonscrit par des murs blancs, ce qui est tout
sauf merveilleux.
POURQUOI CE THEME, ET POURQUOI EST-IL TRAITE DE FAÇON
SI "POP" ?
Cela fait partie de chansons que je qualifierais de fantasmes.
Ce morceau, ça n'est même pas une métaphore,
mais plus un assemblage de choses inventées car ressenties,
et qui débouchent
ensuite sur un thème... "Happiness" n'est
pas un voeu pieux, non. Il était judicieux qu'il
ouvre l'album mais je ne pense pas qu'on ait focalisé
sur les paroles parce que c'était justement le premier
morceau. Après la tempête, on redémarre
à zéro : c'est un moment de vide qui laisse
place à l'ouverture et que l'on va commencer à
remplir. Le bonheur c'est peut-être, non pas ce vide,
mais cette absence de problèmes constants. Sans vouloir
dire une connerie, c'est cette approche un peu bouddhiste
qui te fait percevoir que tu fais partie d'un ensemble harmonieux.
Quand les gens font de la méditation, on recherche
justement le vide et le bonheur dans le vide.
C'EST DONC UNE DECLARATION D'INTENTION ?
On n'a pas reflechi à cette noton quand on a décidé
d'ouvrir ainsi l'album. On ne s'est pas demandé s'il
n'aurait pas mieux valu de le terminer ainsi. C'est juste
une bonne porte d'entrée musicale.
VOUS AVIEZ DES CRITERES POUR LE "SEQUENCING"
?
Ça a sans doute été la partie la plus
difficile. On avait des points de vue assez différents
et on en a beaucoup parlé car on fait tout pour que
ce groupe reste une démocratie. On espérait
arriver au voyage le plus beau possible et on s'est déterminé
par rapport à cette idée de cheminement.
UN VOYAGE DE QUELLE NATURE?
Onirique surtout.
COMMENT EXPLIQUEZ-VOUS QUE CE QUI S'APARRENTAIT AU CABARET
SUR VOTRE PREMIER ALBUM N'APPARAISSE PLUS QU'EN FILIGRANE
ICI ?
Tu prends toujours un peu de recul, tu te demandes : «
Qu'est-ce que j'ai aimé ? Qu'est-ce que je souhaiterais
ne plus refaire ? » Tu essaies de te recentrer sur
qui tu es comme si, parfois, tu triches, tu vas dans une
certaine direction qu'ensuite tu ne sens plus. Ça
n'est plus exactement ce que tu aimes ou ce que tu es toi-même
mais tu continues à évoluer. C'est un peu
comme si demain Vénus faisait du jazz mais a priori,
aujourd'hui, je dis : « C'est trop tôt. »
AVEZ-VOUS RESSENTI UNE QUELCONQUE PRESSION PAR RAPPORT
À CETTE ÉVOLUTION?
Pas du tout ! Je ne sais pas si un jour ça viendra...
Peut-être pour le troisième...
Y COMPRIS PAR RAPPORT AU LAPS DE TEMPS ?
Le line-up du groupe a pas mal changé entretemps.
Et puis le label italien sur lequel on était signé
a fait faillite ; ça a entraîné des
probèmes qui n'avaient rien à voir avec la
musique. On a vrai-ment été bloqués
contractuellement. Notre créativité était
là mais elle ne pouvait pas s'exprimer.
CELA TRANSPARAIT-IL SUR VERTIGONE ?
Le temps perdu nous a procuré un avantage, on a pu
retravailler beaucoup de choses, en particulier les percussions
puisque Jean-Marc (Butty) est notre nouveau batteur. En
les retravaillant on a été amenés a
retravailler d'autres choses et, par exemple, j'ai eté
super content d'avoir refait certaines voix. Cela nous a
permis d'aller encore plus dans le sens où nous souhaitions
nous diriger.
TOUT À L'HEURE TU PARLAIS DE VOYAGE ONIRIQUE
: "SAND DOLLAR" SEMBLE JOUER SUR DIVERSES HUMEURS
QUI S'Y CHEVAUCHENT...
C'est le nom vulgaire d'un coquillage qu'on trouve en Amérique.
Il est très beau et il donne
l'impression que des petits motifs y ont été
dessinés à la main. Ils ont la taille d'un
dollar et on dirait qu'on y a sculpté une fleur en
leur centre. C'est extrêmement beau et extrêmement
fragile. J'ai passé plusieurs mois en Californie
et cette chanson en est comme un résumé sous
forme de flashs, la façon dont j'ai ressenti ce voyage
quelques mois après en être revenu.
EST-CE TOUJOURS AINSI QUE LES TEXTES SONT COMPOSÉS
?
Je n'écris pas en forme d'histoire linéaire
; ça peut être décousu, surréaliste
et il n'y a pas toujours un sens. Sur cette chanson en particulier
il y a, selon moi, un texte qui a une grande valeur, mais
tu ne peux pas l'expliquer en terme de signification. C'est
de l'impressionnisme...
ET LE TITRE "VERTIGONE" ?
C'est une des facettes les plus extrêmes de ce que
l'on a fait dans l'album. Pour le mettre en exergue, on
y a mis un côté répétitif, lancinant,
très harmonieux et doux aussi... C'est, pour moi,
une des chansons les plus audacieuses car aller vers cette
douceur n'est pas précisément d'actualité
en ce moment, en particulier dans le monde du rock.
IL Y A POURTANT TOUIOURS UNE TENSION, MÊME DANS
VOS MORCEAUX LES PLUS ÉTHÉRÉS, PAR
EXEMPLE LA SCIE MUSICALE DANS "MILLION MILES AWAY"...
On avait envoyé deux morceaux au chanteur d'un groupe
de San Diego. Il avait accepté de les écouter
et c'est lui qui a trouvé cette idée. Il y
a, dans ce procédé, un côté presque
voix humaine. Il est bien qu'il y ait toujours un élément
inquiétant, une tension sous-jacente. Tu essaies
et tu te dis « Voilà, il se passe quelque chose
! » Il m'est difficile d'expliquer le pourquoi. Mais
il est vrai que l'on cherche toujours des éléments
qui vont contribuer à créer une tension.
TU PARLAIS TOUT À L'HEURE DE L'AMÉRIQUE,
ON N'A PAS L'IMPRESSION QUE CELLE-CI AIT INFLUENCÉ
TA MUSIQUE...
Oui, à moins d'y aller quand on a quinze ans, je
crois que tu peux juste t'inspirer des choses que tu vois
sans transformer ta musique pout autant. Pour moi l'album
est imprégné du voyage que j'ai fait mais
ça reste du Venus, groupe belge européen.
C'est en filigrane que les choses s'y trouvent
"WANDA WULTZ" RAPPELLE LE PREMIER ALBUM :
COMMENT AVEZ-VOUS VÉCU CETTE RÉMINISCENCE
PAR RAPPORT A D'AUTRES TITRES PLUS EN RUPTURE ?
C'est le premier texte qui a été écrit
et ça a été un des morceaux les plus
difficiles à terminer au niveau des arrangements...
C'EST ASSEZ PARADOXAL CAR ELLE EST ASSEZ STEREOTYPEE...
Oui, elle a un côté assez facile, mais donner
l'impression que c'est facile est parfois la chose qui nous
a le plus cassé la tête. Je croyais que ça
serait facile car c'est une des chansons pour laquelle j'avais
aligné le plus d'éléments avec, comme
souvent, juste un canevas à la guitare acoustique.
Le mellotron existait déjà, etc. Tu crois
que ça va être facile et pourtant...
OU S'EST SITUÉE LA DIFFICULTÉ ?
Ça a eté avant tout technique : si un morceau
repose sur le piano, qui est hyper présent dans les
fréquences médiums, ça bouffe beaucoup.
Tu as envie de garder cette idée parce que c'est
l'idée de base mais tu as du mal à t'arranger
pour que chaque élément puisse ressortir.
Les idées étaient là, mais la mise
en place a été laborieuse, c'est pour cela
que je dis "technique". On était partis
sur quelque chose d'hyper rapide au piano et Jean-Marc a
pigé qu'il fallait contrebalancer cette cadence.
Là, c'est la technique qui est venue au secours de
l'inspiration.
LES TEXTES VIENNENT-ILS AUSSI AU SECOURS DE LA TONALITÉ
MUSICALE ?
Dans la plupart des cas, les textes viennent après.
J'ai un canevas mélodique et rythmique sur lequel
j'écris des paroles. Il est très rare que
je trouve un texte qui influe ensuite sur une mélodie.
DE QUOI TRAITE "DAYSTAR" ?
C'est le dernier morceau composé. Sa tonalité
acoustique lui donne un côté inabouti. Ça
parle juste d'amour, un sujet indémodable (Rires).
ABORDER TES TEXTES TE SEMBLE PLUS DIFFICILE QUE DE PARLER
DE LA MUSIQUE ?
C'est un sujet sur lequel on nous questionne rarement. Je
suis sensible au fait qu'on puisse s'y intéresser.
En général, même oniriques, ils sont
pour moi un moyen d'exprimer une tranche de vie... Comme
tu vois, j'ai du mal à en parler... je crois que
c'est une des chansons les plus positives alors que Dieu
sait s'il y a des textes qui sont beaucoup plus dans le
questionnement. Ce serait ici le vertige, mais le beau vertige...
"RUNNING AT FULL SPEED" AVEC SON QUATUOR À
CORDES M'A FAIT PENSER À UN MENUET...
On avait un morceau qui existait depuis longtemps et qu'on
n'avait jamais ressorti de son tiroir. Il était intéressant
harmoniquement, mais on se demandait comment on pourrait
le dépoussiérer. Christian (Scheurs, violoniste)
a eu l'idée de travailler sur un arrangement pour
quatuor. En fait il n'y a pas de basse et Jean-Marc a été
un peu dans le sens du morceau en essayant diverses choses
car au départ on ne voulait pas de batterie. Il y
a des claquettes et un petit côté casino et
fanfare.
ET QUANT AU TEXTE ?
À l'origine il avait été écrit
en Français par Patric (Carpentier, scénographe)
qui a depuis quitté le groupe. C'était la
retranscription d'un rêve qu'il avait fait. Il a été
adapté en Anglais et ça a donné un
truc assez bizarre. Il est poursuivi par des sorcières
et ça finit dans un bain de sang. Le mode menuet
me fait penser à un côté chanson traditionnelle
anglaise.
PUISQUE PATRIC EST PARTI, LE CÔTÉ VISUEL
EN "LIVE" RESTE-T-IL AUSSI IMPORTANT ?
Tout à fait ! Ce qui a changé c'est l'optique
car Patric faisait partie du groupe. Celui-ci est désormais
composé de quatre personnes et ce sont les quatre
musiciens. Plutôt que d'intégrer quelqu'un
dans la cellule de base du groupe, on a fait appel à
une personne que l'on fait venir essentiellement pour le
théâtre. On a gardé cet aspect atmosphère
plutôt que celui, plus linéaire ou macho, d'un
groupe de rock. Ça reste à la fois assez simple,
mais on a conçu une scénographie très
forte à l'aide de la couleur blanche. Ce sont des
éléments qui tendent aussi à se faire
oublier sur scène et qui, ainsi, aident à
renforcer la musique. Cela permet aussi d'éviter
à faire dire aux gens : « Oh la belle bleue,
etc ! »
DIRIEZ-VOUS QUE VOUS FONCTIONNEZ COMME S'IL S'AGISSAIT
D'UN RÉCITAL, AVEC UNE ASSISE PRESQUE FORMELLE ?
Oui car c'est toujours assez appliqué. Il y a toujours
une idée conceptuelle, donc on s'insère dans
un certain format. Mais je pense qu'on peut le faire évoluer
et l'on souhaiterait justement se rapprocher de ce côté
récital comme en musique classique. On voudrait s'ouvrir
un peu plus également, avoir un côté
interactif et peut-être plus spontané... Ce
seraient plus des nuances dans l'interprétation et
dans le récital on voudrait éviter de tomber
dans le piège du : « Tout le monde doit jouer
sa partie juste. » On voudrait pouvoir laisser des
parties plus floues, de manière à pouvoir
les aménager, à faire qu'il se passe quelque
chose. On va devoir réarranger tous les morceaux
car on a fait l'album sans les jouer et ça nous laisse
une sacrée marge pour le "live". On ne
va pas reprendre chaque élément tel qu'il
figure sur le disque, on va réinventer les orchestrations,
les faire bouger, la scie musicale par exemple...
ET QUE CHANGE LE FAIT DE DIRE QUE VENUS CE SONT DÉSORMAIS
QUATRE MUSICIENS ?
Nous avons toujours été quatre, car Patric
n'était pas un musicien. Mais ce qui change désormais
c'est le souci de se concentrer sur la musique. Je crois
que Patric dirait aussi qu'il était très diffice
de gérer le fait qu'une seule personne s'occupe du
visuel, qu'elle s'adresse à quatre personnes et se
soumette au regard des quatre personnes qui donnent leur
avis. Inversement, quand on lui demandait son avis, il s'agissait
de nous quatre nous adressant à lui. Je ne dis pas
que ça n'était pas intéressant, au
contraire, mais ça n'était pas confortable.
PUISQUE VOS TEXTES ET VOTRE MUSIQUE FONCTIONNENT SUR
LE CRITERE DE L'IMPRESSIONISME, VOUS ETES-VOUS DEMANDES
SI LE FAIT D'AVOIR UNE SCENOGRAPHIE TRES PREGNANTE SUR SCENE
N'ALLAIT PAS A L'ENCONTRE DE CE QUE VOUS RECHERCHIEZ ?
Nous y avons réfléchi et ça n'est pas
par hasard que nous nous sommes adressé à
quelqu'un qui venait du théâtre. On sait que,
pour telle ou telle scène, il faut telle ou telle
lumière. Il faut que l'atmosphère scénographique
restitue le climat de telle ou telle plage. Ça n'est
pas juste un mot mais une osmose, arriver a booster ce que
nous on fait avec notre musique. On cherchait quelqu'un
qui avait cette capacité technique mais aussi une
personne qui puisse nous suivre, qui sente que si les arrangements
bougent, la scène doit bouger.
LE FAIT QU'IL NE SOIT PAS MUSICIEN ETAIT-IL UN ADJUVANT
?
L'important était qu'il soit touché par ce
qu'on fait. Ceci dit il a joué du piano et il en
joue encore...
Propos recueillis par : Claude Freilich