Le groupe bruxellois revient avec un nouvel opus
qui donne le vertige
BRUXELLES Des galères belges. Une signature sur
un label italien. L'ouverture du festival de Werchter. Des
pages et des pages dans Rock & Folk. Un ambitieux
projet avec l'Ensemble Musiques Nouvelles. Des disputes.
Des départs, du renfort. Du courage...
La vie de Venus est loin d'être un long fleuve tranquille.
Et c'est ce qui rend la formation belge encore plus attachante.
En cinq ans, elle est passée par toutes les émotions. Elle
revient plus forte que jamais. Plus mûre. Plus inspirée
surtout. Vertigone, nouvel et second opus studio
du quintet, est toujours guidé par la plume mélancolique
de Marc Huyghens et des instruments acoustiques joués par
des musiciens en pleine maîtrise de leurs moyens. De leurs
limites aussi... Par rapport au tourmenté Welcome to
the modern dance hall, sortit en 1999, cette collection
de treize chansons est plus homogène. Elle s'autorise des
décharges électriques (Navajo dream), s'impose avec
de vrais singles (le cynique Beautiful days, le sommet
du disque Daystar) et rassure avec ses repères familiers
(les cordes, une contrebasse feutrée, des morceaux construits
comme des soundtracks à l'instar de l'instrumental
Little hotel. C'est sûr, les membres de Venus ne
nous feront jamais sortir les trompettes et danser sur les
tables, mais quel beau disque ils nous ont fait.
Vous donnez l'impression d'un groupe qui ne peut pas
faire autrement qu'accoucher d'un disque dans la douleur.
«Nous sommes passés en effet par diverses épreuves difficiles
sur lesquelles nous ne souhaitons pas trop revenir aujourd'hui.
Le principal, c'est que nous nous sentons parfaitement en
phase avec cet album. Il y a un sentiment d'homogénéité
que nous n'avions pas avec Welcome to the modern dance
hall. Cela provient sans doute du fait que nous avons
travaillé sur plusieurs morceaux en même temps. Nous avons
aussi souhaité nous échapper des contraintes du studio.
Ce disque a été conçu chez nous, au Centre culturel de Braine-
l'Alleud et dans les caves des Halles de Schaerbeek.»
Contrairement à ce que pourraient laisser supposer les
deux premiers titres (Happiness, Beautiful days), le ton
est assez mélancolique.
«Ceux qui nous côtoient depuis des années savent qu'il
s'agit de notre nature. Or, il n'y a rien de plus honnête
pour un artiste que d'exprimer ce qu'il ressent au plus
profond de lui. On rit beaucoup entre nous. On aime écouter
des morceaux funk avec de grosses basses mais notre musique
correspond à un certain état d'esprit. En fait, ce qui serait
étonnant de la part de Venus, c'est que nous nous lancions
dans une reprise de La Macarena. Le producteur anglais
Brian Eno (NdlR: dont le grand-père est belge) dit
que ce qui caractérise le Belge, c'est le doute sur soi-même
et sa mélancolie. Dans ce sens, nous sommes bien un groupe
belge.»
Un groupe belge qui a pourtant dû s'exporter en France...
«Pour jouer en Flandre ou à Werchter, il a fallu que
nous soyons populaires en France. Et c'est grâce à une signature
sur un label italien que nous avons pu tourner en France.
C'est un peu paradoxal comme démarche, mais c'est comme
cela que ça fonctionne. Il faut avoir un succès en dehors
de ton pays pour que celui-ci jette un autre regard sur
ta musique. Il y a eu un phénomène poudre aux yeux
dont nous avons profité.»
Quelles sont vos attentes avec Vertigone ?
«On s'est pas mal battus pour sortir ce disque. Aujourd'hui,
nous sommes déjà très satisfaits du résultat. Demain, on
va bien voir. On a bien sûr envie de le défendre sur scène.
Nous caressons d'autres rêves artistiques mais on fonctionne
étape par étape. Il n'y a pas encore de clip, par exemple.
Ça ne nous intéresse pas de faire une vidéo avec un petit
budget. On veut un vrai clip avec de la vraie pellicule
de film. Pour ça, il faut que les ventes suivent...»
La tournée débute les 10 et 11 avril aux Halles
Des concerts où rien n'est laissé au hasard
BRUXELLES Venus effectuera son grand retour sur
les scènes belges les jeudi 10 et vendredi 11 avril aux
Halles de Schaerbeek. En attendant, souvenirs de leurs dernières
prestations...
Qu'avez-vous ressenti lorsque vous avez joué pour la
première fois les nouveaux morceaux de Vertigone lors
des Transmusicales de Rennes, en décembre dernier?
«Sans exagérer, c'est l'un des souvenirs les plus intenses
depuis les débuts du groupe. Après tout ce travail, nous
étions enfin de retour sur scène. On était superheureux.
Tout nous semblait juste. Les nouvelles compositions passaient
très bien. Les arrangements étaient réussis. Quand les spectateurs
se sont levés à la fin du concert, nous étions émus. Vraiment
émus.»
Marc Huyghens, tu as aussi donné des concerts en solo
l'été dernier. Quelles étaient tes motivations?
«Je voulais maintenir la flamme. Tout simplement. A cette
époque, Venus se retrouvait sans label. Je n'avais pas envie
de tourner en rond. J'avais écrit des morceaux pour un CD
solo qui pourrait bien sortir un jour. Ces concerts m'ont
fait du bien.»
Le concert avec l'Ensemble Musiques Nouvelles en septembre
2000 au Cirque Royal?
«Ce n'était pas un caprice. Ce concert est le fruit d'une
longue réflexion. Nous sommes sortis très fatigués de cette
expérience mais elle fut enrichissante. On a compris que
nous vivions dans deux univers totalement différents. Un
ensemble classique aborde la musique par la lecture et l'interprétation.
Un groupe comme Venus joue plutôt sur la spontanéité. Le
mariage a bien fonctionné même si nous aurions souhaité
avoir plus de temps pour préparer les noces. Sur notre nouvel
opus Vertigone , on retrouve des musiciens qui font
partie de l'Ensemble Musiques Nouvelles.»
Quand votre premier CD, Welcome to the modern dance
hall , est sorti en septembre 99, vous disiez avoir
conçu une belle bicyclette et qu'il vous restait à pédaler
beaucoup...
«Il nous a fallu sortir le grand braquet, en effet. Ce
disque, on l'a défendu un maximum sur scène. On a joué partout.
Nous avons connu le meilleur comme le pire. L'ouverture
du festival de Werchter fut un grand moment. Au bas de l'échelle,
il y a un concert pourri en Italie dans un club qui n'est
même pas équipé d'une table de mixage. Mais nous sommes
conscients que l'un ne va pas sans l'autre.»
Venus, Vertigone (Capitol, Emi). Les 10 et 11 avril
aux Halles de Schaerbeek (02/218.21.07).
Propos recueillis par Luc Lorfèvre.