[Digital Rock Vision est un magazine rock sur DVD.
Il est accompagné d'une revue papier qui enrichit
chacun des reportages présents sur ce DVD. Voici
celui consacré à Venus. - NDE]
Après une relecture symphonique de leurs premiers
morceaux, Venus réaparrait enfin avec "vertigone",
son véritable second album. Le constat est sans appel
: ces orfèvres belges distancent dorénavant
tous leurs concurrents dans la catégorie pop raffinée
et soigneusement orchestrée.
On a failli attendre. Depuis "Welcome To The Modern
Dancehall",
premier album révélation, Venus s'était
offert une escapade et une parenthèse symphonique
("The Man Who Was Already Dead"), brouillant les
pistes et prenant de court les diktats d'une industrie du
divertissement pressée d'asseoir les notoriétés
naissantes. Après une longue tournée, ils
ont décidé de taire un break de 6 mois. Puis,
c'est en Juillet 2001 qu'ils se sont remis à l'écriture.
Un processus entaché par la faillite de leur label
italien et les départs consecutifs de Thomas, le
batteur, et
de Patrick, le scénographe. C'est alors, en pleine
confusion, qu'arrive Jean-Marc Butty, nouveau batteur. Déjà
auréolé d'expériences prestigieuses
(collaborations avec PJ Harvey, Calexico et Jean-Louis Murat),il
rencontre Marc A. Huyghens, le chanteur, dans un train,
et peu à peu, apprennent [sic] à se connaître
(« La dimension humaine était très importante
car si la symbiose ne marche pas tu ne vas nulle part. »).
FUITE ET VERTIGE
Depuis, le chaos s'est estompé et "Vertigone",
un second album studio au titre énigmatique vient
de sortir. Eclaircissements de Marc. « Vertigone est
un mot étrange mais cette collision sémantique
censée résumer la tuite et le vertige s'est
imposée comme le mot clé de l'album. C'est
la rencontre entre tout ce qui a trait au vertige (angoisse,
amour), à l'envie de s'enfuir et à la recherche
de soi.
Dans le détail, on peut l'interpréter de différentes
manières. Tous les textes de l'album vont dans cette
direction. Avec des problématiques liées à
l'espace physique ou mental. Ce n'est pas par hasard si
l'on dit que l'album est atmosphérique, qu'il suscite
des images. C'est ainsi que nous concevons les vertus de
la musique et des textes. Notre but est que chacun puisse
se créer ses images et surtout qu'elles puissent
se suffire à elles-mêmes. Tu peux raccrocher
des chansons à ton vécu, à tes vacances,
à un amour perdu. La composition est étroitement
liée au souhait d'exprimer quelque chose. Plus cette
expérience a été vécue de manière
intense, plus le morceaux a des chances de toucher l'auditeur.
»
Dans "Vertigone", les fuites s'effectuent vers
l'extérieur ou vers l'intérieur. Suivant
des axes et des faiblesses différentes. On s'y balade
au gré de faux plats, les pieds sur terre, la tête
dans les nuages, mais toujours happé par le vide.
Le curieux, trompé par cette apparente sérénité
se nourrit d'ambiances diaphanes, se ressource dans des
corolles mélodiques humectées de poison. On
ne sait pas où ils nous emmènent.
Mais eux, savaient-ils où ils allaient? Pierre Jacqmin
(basse) confirme. « Le ftait d'avoir travaillé
longtemps sur "Vertigone", d'avancer en parallèle
sur plusieurs morceaux, a forcément consolidé
le fil conducteur qui relie toutes les chansons. Il y a
une cohérence globale. On est allé dans une
direction à l'instinct, sans cahier des charges ni
contraintes. La cohérence musicale et textuelle est
liée à la rigueur technique de notre travail.
Même si les instrumentations sont très éclectiques,
l'esprit tinal est un tout indivisible. On
enregistrait en même temps que l'on composait. C'était
nouveau pour nous et cela nous a permis de renforcer cette
unité. » Et Marc de compléter. «
Invariablement notre musique naît avec une idée
d'harmonie sur laquelle on va mettre des paroles. Cela m'arrive
de provoquer un décalage, mais en général
tout va dans la même direction. »
FRAICHEUR ET SPONTANEITE
Divergences artistiques, usure... La
séparation est consommée sans rancoeur ni
acrimonie. Avec comme conséquence une ambiance de
travail plus harmonieuse comme l'explique Christian Schreurs
(violon, guitare acoustique). « Nous avons disposé
d'un studio d'enregistrement spacieux et sans contrainte
de temps. On a pris nos aises et on a composé dans
de bonnes conditions. Le fait d'avoir beaucoup temps ne
signifie pas torcément que tu perds en fraîcheur
et en spontanéité. Cela permet d'être
le plus juste possible sur chaque chanson. On savait plus
ou moins ce que nous voulions atteindre et au fur et à
mesure nous nous en sommes rapprochés. Nous avons
juste retravaillé certaines idées quand Jean-Marc
est arrivé. Quand tu enregistres plein de pistes,
tu multiplies les options et cela peut s'avérer difficile
de trancher par la suite. Il a fallu faire le tri entre
les bonnes et les mauvaises ébauches. On tenait à
ce que cela conserve simplicité, fraîcheur
et spontanéité. On
avait joué ces nouvelles compositions aux Transmusicales
et comme cela avait très bien fonctionné,
nous avons été confortés dans l'idée
que c'était la bonne direction. »
Des morceaux à la beauté hypnotique se déroulent
lentement. Se tordent et nous happent insidieusement. Tout
se nourrit de ses propres tensions et d'éclats de
bruits savamment étouffés. La densité
mélodramatique sent le vécu et l'emporte sur
les arrangements ronflants et factices dont se drapent leurs
collègues. A la différence de beaucoup, ici,
les orchestrations ne cachent pas les inconsistances d'écriture,
mais mettent en valeur l'assise
mélodique des morceaux, la richesse des textures
et l'éventail des sonorités conviées
à l'élaboration de cette véritable
cathédrale pop. « D'un point de vue musical,
on a tous des parcours différents. On écoute
aussi bien de la chanson française, du jazz, de la
variéte, de la pop que du rock anglo-saxon. On s'accommode
de nos différences. Une
fois qu'on travaille sur un titre on va tous dans le même
sens.
Instinctivement, on sait ce qui convient au groupe et à
l'identité de Venus. Nos différences nous
servent en fait à mettre en valeur notre propre personnalité.
Il n'y a pas d'ambiguïté. On sait quand une
ébauche ou une idée rentre dans le concept
de Venus ou pas. L'envie de faire autre chose est là.
C'est important de se ressourcer sur d'autres terrains,
sinon au bout de quelques années, notre approche
sera sclérosée. Ces autres choses ne feront
qu'enrichir Venus. On a du temps et l'envie de cultiver
nos individualités. Au final, cela sera bénéfique
au groupe. »
Texte : Dominique Mesmin