Entre Terre et étoiles (Digital Rock Vision n°3, mai/juin 2003)
     
Texte  
 

[Digital Rock Vision est un magazine rock sur DVD. Il est accompagné d'une revue papier qui enrichit chacun des reportages présents sur ce DVD. Voici celui consacré à Venus. - NDE]

Après une relecture symphonique de leurs premiers morceaux, Venus réaparrait enfin avec "vertigone", son véritable second album. Le constat est sans appel : ces orfèvres belges distancent dorénavant tous leurs concurrents dans la catégorie pop raffinée et soigneusement orchestrée.

On a failli attendre. Depuis "Welcome To The Modern Dancehall", premier album révélation, Venus s'était offert une escapade et une parenthèse symphonique ("The Man Who Was Already Dead"), brouillant les pistes et prenant de court les diktats d'une industrie du divertissement pressée d'asseoir les notoriétés naissantes. Après une longue tournée, ils ont décidé de taire un break de 6 mois. Puis, c'est en Juillet 2001 qu'ils se sont remis à l'écriture. Un processus entaché par la faillite de leur label italien et les départs consecutifs de Thomas, le batteur, et de Patrick, le scénographe. C'est alors, en pleine confusion, qu'arrive Jean-Marc Butty, nouveau batteur. Déjà auréolé d'expériences prestigieuses (collaborations avec PJ Harvey, Calexico et Jean-Louis Murat),il rencontre Marc A. Huyghens, le chanteur, dans un train, et peu à peu, apprennent [sic] à se connaître (« La dimension humaine était très importante car si la symbiose ne marche pas tu ne vas nulle part. »).

FUITE ET VERTIGE
Depuis, le chaos s'est estompé et "Vertigone", un second album studio au titre énigmatique vient de sortir. Eclaircissements de Marc. « Vertigone est un mot étrange mais cette collision sémantique censée résumer la tuite et le vertige s'est imposée comme le mot clé de l'album. C'est la rencontre entre tout ce qui a trait au vertige (angoisse, amour), à l'envie de s'enfuir et à la recherche de soi. Dans le détail, on peut l'interpréter de différentes manières. Tous les textes de l'album vont dans cette direction. Avec des problématiques liées à l'espace physique ou mental. Ce n'est pas par hasard si l'on dit que l'album est atmosphérique, qu'il suscite des images. C'est ainsi que nous concevons les vertus de la musique et des textes. Notre but est que chacun puisse se créer ses images et surtout qu'elles puissent se suffire à elles-mêmes. Tu peux raccrocher des chansons à ton vécu, à tes vacances, à un amour perdu. La composition est étroitement liée au souhait d'exprimer quelque chose. Plus cette expérience a été vécue de manière intense, plus le morceaux a des chances de toucher l'auditeur. »
Dans "Vertigone", les fuites s'effectuent vers l'extérieur ou vers l'intérieur. Suivant des axes et des faiblesses différentes. On s'y balade au gré de faux plats, les pieds sur terre, la tête dans les nuages, mais toujours happé par le vide. Le curieux, trompé par cette apparente sérénité se nourrit d'ambiances diaphanes, se ressource dans des corolles mélodiques humectées de poison. On ne sait pas où ils nous emmènent.
Mais eux, savaient-ils où ils allaient? Pierre Jacqmin (basse) confirme. « Le ftait d'avoir travaillé longtemps sur "Vertigone", d'avancer en parallèle sur plusieurs morceaux, a forcément consolidé le fil conducteur qui relie toutes les chansons. Il y a une cohérence globale. On est allé dans une direction à l'instinct, sans cahier des charges ni contraintes. La cohérence musicale et textuelle est liée à la rigueur technique de notre travail. Même si les instrumentations sont très éclectiques, l'esprit tinal est un tout indivisible. On enregistrait en même temps que l'on composait. C'était nouveau pour nous et cela nous a permis de renforcer cette unité. » Et Marc de compléter. « Invariablement notre musique naît avec une idée d'harmonie sur laquelle on va mettre des paroles. Cela m'arrive de provoquer un décalage, mais en général tout va dans la même direction. »

FRAICHEUR ET SPONTANEITE
Divergences artistiques, usure... La séparation est consommée sans rancoeur ni acrimonie. Avec comme conséquence une ambiance de travail plus harmonieuse comme l'explique Christian Schreurs (violon, guitare acoustique). « Nous avons disposé d'un studio d'enregistrement spacieux et sans contrainte de temps. On a pris nos aises et on a composé dans de bonnes conditions. Le fait d'avoir beaucoup temps ne signifie pas torcément que tu perds en fraîcheur et en spontanéité. Cela permet d'être le plus juste possible sur chaque chanson. On savait plus ou moins ce que nous voulions atteindre et au fur et à mesure nous nous en sommes rapprochés. Nous avons juste retravaillé certaines idées quand Jean-Marc est arrivé. Quand tu enregistres plein de pistes, tu multiplies les options et cela peut s'avérer difficile de trancher par la suite. Il a fallu faire le tri entre les bonnes et les mauvaises ébauches. On tenait à ce que cela conserve simplicité, fraîcheur et spontanéité. On avait joué ces nouvelles compositions aux Transmusicales et comme cela avait très bien fonctionné, nous avons été confortés dans l'idée que c'était la bonne direction. »
Des morceaux à la beauté hypnotique se déroulent lentement. Se tordent et nous happent insidieusement. Tout se nourrit de ses propres tensions et d'éclats de bruits savamment étouffés. La densité mélodramatique sent le vécu et l'emporte sur les arrangements ronflants et factices dont se drapent leurs collègues. A la différence de beaucoup, ici, les orchestrations ne cachent pas les inconsistances d'écriture, mais mettent en valeur l'assise
mélodique des morceaux, la richesse des textures et l'éventail des sonorités conviées à l'élaboration de cette véritable cathédrale pop. « D'un point de vue musical, on a tous des parcours différents. On écoute aussi bien de la chanson française, du jazz, de la variéte, de la pop que du rock anglo-saxon. On s'accommode de nos différences. Une fois qu'on travaille sur un titre on va tous dans le même sens.
Instinctivement, on sait ce qui convient au groupe et à l'identité de Venus. Nos différences nous servent en fait à mettre en valeur notre propre personnalité. Il n'y a pas d'ambiguïté. On sait quand une ébauche ou une idée rentre dans le concept de Venus ou pas. L'envie de faire autre chose est là. C'est important de se ressourcer sur d'autres terrains, sinon au bout de quelques années, notre approche sera sclérosée. Ces autres choses ne feront qu'enrichir Venus. On a du temps et l'envie de cultiver nos individualités. Au final, cela sera bénéfique au groupe. »

Texte : Dominique Mesmin

 
  Notes  
 

Les photos sont extraites du reportage sur le DVD.

Acheter ou ne pas acheter Digital Rock Vision n°3 ?
Faisons le tour de ce DVD : le reportage consacré à Venus dure environ 3 minutes, et ce n'est pas le plus inoubliable que l'on ait vu. Les autres reportages sont consacrés à des groupes de style et de qualité assez éloignés de Venus. On y trouve aussi une douzaine de "clips" vidéos, dont Blur, Calexico, Catpower, Interpol etc. Enfin, une poignée de bonus. Et surtout, son prix est très élevé : 8,90 €.
Disons que si vos moyens sont limités ou que vous n'êtes pas fan de Linkin Park ou Mickey 3D (no comments), vous aurez sûrement mieux à faire de votre argent.
Si vous gagnez confortablement votre vie et que vous collectionnez le moindre artefact consacré à Venus, alors peut-être...

En kiosques et sur www.digitalrockvision.com.

 
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