An Pierlé et Venus, la relève belge anglophone (Le Monde, 25 octobre 2003)
     
Texte  
 
La tournée commune, en France, de la pianiste anversoise et du groupe bruxellois.

Des groupes comme dEUS ou Zita Swoon étant pour l'instant en sommeil, ce sont An Pierlé et Venus qui occupent ces derniers mois le devant d'une scène belge anglophone continuant d'affirmer sa singularité. A l'initiative du magazine Les Inrockuptibles, la jeune pianiste d'Anvers et la formation bruxelloise faisaient tournée commune, en France, cet automne, jusqu'à un dénouement parisien, le 23  octobre, à l'Elysée-Montmartre.

Blonde rayonnante dans sa courte robe verte, An Pierlé s'assoit et rebondit gaiement sur un gros ballon ergonomique derrière un piano solennel. Avec le même tonus souriant, elle plonge dans les méandres de chansons souvent tourmentées. Quand des consœurs comme Tori Amos ou Fiona Apple accompagnent leur sombre répertoire d'une psyché profondément mélancolique, la chanteuse flamande impose une énergie délurée. Son dicton du soir  : "Mieux vaut une petite qui frétille qu'une grande qui roupille."

Ce punch peut lui jouer des tours. Emportée par son élan, elle surjouera parfois des envolées vocales, trop fortement appuyées d'accords misant sur la grandiloquence émotive. Si les titres tirés de ses deux albums, Mud Storieset le récent Helium Sunset, ne sont pas toujours à la hauteur de cette forte personnalité, des chansons - Kiss Me, Sorry, As Sudden Tears Fall - savent aussi donner le frisson, surtout quand la dame mise sur la retenue et les mélodies intimistes.

Marc Huyghens, le chanteur-guitariste de Venus, ne possède pas le charme virevoltant de sa compatriote. Mais la finesse instrumentale d'un groupe privilégiant la sécheresse acoustique permet à son chant acide (et au registre limité) de s'épanouir au cœur d'atmosphères soigneusement élaborées. On distingue des racines country (Venus commence son concert par une version de I Walk the Line, du regretté Johnny Cash), folk, blues, rock dans la texture de ses compositions, mais jamais les morceaux ne débouchent sur les conventions que ces styles sont censés générer.

DUTRONC ET BREL

Plus inspirés par la théâtralité du cabaret expressionniste et une forme de spleen européen, l'anguleux dandy et ses complices contrebassiste, violoniste, batteur et pianiste jouent à suggérer trouble, ambiguïté et humeurs délétères. Tantôt âpres, tantôt d'un soyeux presque romantique (le single It's a Beautiful Day), les sons et mélodies extraits des albums Welcome to the Dancehall et du tout récent Vertigonerespirent sur scène avec un naturel qu'ils ne trouvent pas toujours sur disque.

Quand An Pierlé terminait son concert par une relecture presque paillarde de Il est cinq heures, Paris s'éveille, Venus reprend en rappel "une chanson belge", la version anglophone d'Amsterdam de Jacques Brel, popularisée par David Bowie et sur laquelle les Bruxellois impriment une élégance désespérée.

Stéphane Davet

 
  Notes  
 
Lien : l'article original sur le site du Monde.
 
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