La formation belge recomposée en CD et concert.
Deux types de réactions président à
la parution d'un nouvel album de Venus. La première
est de s'en moquer un peu : après tout, leur premier
disque, Welcome to the Modern Dancehall, n'avait
pas à ce point fait date. La seconde consiste à
laisser l'oreille traîner sur Vertigone et
se rappeler qu'il y a trois ans, la formation belge sortit
de l'anonymat grâce à une pop rock acoustique
de bonne tenue et, surtout, une surprenante capacité
à investir la scène. En 2000, c'est d'ailleurs
en concert que le groupe a bâti sa réputation.
Un show chorégraphié et baroque, tenu par
l'intense Marc Huyghens au premier plan ; un récital
parachevé de lumières sobres et de velours,
contrastant avec la surenchère de couleurs d'ordinaire
convoquées pour ce type de performance.
Remise à plat. La sortie de Vertigone et
le retour sur une scène parisienne marquent une étape
charnière. En trois ans, le quintette est devenu
quatuor. Venus a implosé, un point de rupture atteint,
selon Huyghens, «dans la douleur. Le départ
de certains membres a été très difficile
à gérer. Je crois qu'une sorte d'usure a fini
par avoir raison de ce qui nous unissait. Les rapports musicaux
étaient très tendus et l'intérêt
du groupe résultait en grande partie de cette tension.
Chacun restait à sa place, face à son instrument,
réduisant au strict minimum les interactions avec
les autres. Le côté patchwork de Welcome
to the Modern Dancehall était lié à
ce type de relations».
Le batteur Thomas Van Cottom et le scénographe Patrick
Carpentier démissionnaires, une remise à plat
s'impose. Marc Huyghens part quelques mois en Italie, puis
sur la côte Ouest des Etats-Unis. Christian Schreurs
reste à Bruxelles. Vertigone est composé
au côté des nouvelles recrues, Pierre Jacquemin
(contrebasse) et Jean-Marc Butty (batterie), en parfaits
contre-feux : «Quand je réécoute
notre premier album, j'ai l'impression que ce n'est pas
moi qui chante. Un peu comme un acteur qui jouerait un rôle
à contre-emploi. Ces nouveaux morceaux semblent mieux
nous convenir. En tout cas, ils sont l'expression de nos
natures profondes. Ma manière de chanter est très
différente, par exemple. J'ai pris le parti de la
douceur et je l'assume complètement.»
Groupe de scène, Venus s'est mué en arpenteur
de studios. Vertigone est bâti ex-nihilo dans
le calme feutré des consoles : «Le temps
nous a permis d'aller plus loin dans l'élaboration
des arrangements, de faire des choix judicieux pour chaque
son, bref de penser le disque comme un ensemble et non comme
un collage. Aujourd'hui, les qualités de chaque membre
sont plus claires aux yeux des autres. Chacun a du plaisir
à occuper sa place.»
L'automne dernier, le groupe a entamé une résidence
à Saint-Jacques-de-la-Lande, près de Rennes.
Objectif : préparer la longue série de concerts
qui doit avoir lieu cet été. Venus a changé
de voie, sans renier ses fondamentaux : «Je me
souviens avoir eu peur, juste avant les Transmusicales.
C'était la première fois que nous jouions
ensemble. La précédente tournée était
si intense que je craignais de ne pas retrouver ces sensations.
Il a fallu relire le nouvel album dans son ensemble, pour
l'adapter à la scène qui fait toujours partie
de nos principales préoccupations.» Entendre
: ne pas faire comme tout le monde et penser les concerts
comme l'ultime facette d'un projet artistique entièrement
redéfini.
Epure. En lieu et place de l'ambiance cabaret-bordel d'antan,
Venus opte pour une épure autour du blanc. De jeux
de reflets en lumières opalescentes, la scène
devrait prendre des airs de grand réfrigérateur,
la porte laissée ouverte : «Trop de groupes
se suffisent de lumières réglées en
fonction de l'intensité de la musique, précise
Jean-Marc Butty. Etablir une corrélation entre
ce que les gens voient et entendent est primordial. C'est
excitant de jouer le début d'un morceau dans le noir
complet, ou entièrement baignés de lumières
blanches.» Avec pour seul décorum, une
vaste tenture dressée en fond de scène, des
pupitres lumineux et des feuilles d'aluminium. De quoi relancer
la machine belge qui voulait faire peau neuve l