Après une année noire, Venus fait
est de retour avec «Vertigone».
Flamboyance baroque en veilleuse, les Bruxellois signent un
album posé.
Rencontre avec le chanteur et guitariste Marc Huyghens, en
quête de justesse.
RENCONTRE
After the storm / Like we were born again.»
Après la tempête, comme une renaissance, peut-on
entendre dans «Hapiness», la plage qui ouvre
«Vertigone», le nouvel album de Venus.
Des paroles qui sonnent tel un condensé de la trajectoire
récente du groupe bruxellois.
Auteur d'un premier album remarqué fin 1999, le
baroque «Welcome to the modern dance hall»,
Venus avait livré un an plus tard un (court) album
live enregistré avec l'Ensemble musiques nouvelles
(«The Man who was already dead»), immortalisant
une tournée à la scénographie affirmée
-le groupe apparaissant sur scène dans l'intimité
d'un décor théâtral. Depuis lors, silence
radio. Les premières prises du nouvel album sont
pourtant réalisées dès la mi-2001,
principalement au foyer culturel de Braine-l'Alleud et aux
halles de Schaerbeek.
«Nous avons transformé les loges disponibles
en régies de sorte à pouvoir travailler en
parallèle sur plusieurs chansons. C'était
une bonne idée», raconte le chanteur Marc
A. Huyghens. Deux tuiles vont alors retarder la marche de
Venus: les départs successifs du batteur Thomas Van
Cottom et de Patric Carpentier, responsable visuel du groupe,
et la faillite de leur label Sonica.
En résulte un second album balançant entre
songe et incantation et parcouru par les thématiques
du vertige et de la fuite, deux idées réunies
dans le titre «Vertigone». L'album, où
le perfectionnisme affleure (parfois au détriment
de l'émotion), est moins rugueux, moins «hors
format» que le premier. Sans pour autant nuire à
la richesse des sonorités. Plus accessible, en quelque
sorte. «C'est vrai, même si ce n'était
pas un but en soi. Il y a une plus grande fluidité.
Je pense que «Vertigone» est plus personnel,
plus posé. C'est le reflet de la nouvelle structure
du groupe: ce Venus-ci est plus posé dans ses rapports.
Tout comme les tensions du passé ont donné
des résultats positifs sur nos premiers morceaux»,
souligne Marc Huyghens de sa voix douce et légèrement
fêlée.
Le ton des cordes
Le changement est notable par rapport à un premier
album, aux sonorités rugueuses et empruntées
à d'autres styles musicaux tels le jazz ou le folk,
et sur lequel les cordes donnaient clairement le ton. Sur
«Vertigone», la présence d'un quatuor
à cordes est moins ostensible. «C'est exact.
Mais je pense que c'est dû à la manière
dont nous avons travaillé. Le premier album, c'était
la meilleure compilation possible des morceaux que nous
avions faits jusqu'alors. Le son était le reflet
du fonctionnement démocratique du groupe, où
parfois on élaborait des morceaux sur le moment même.
Pour celui-ci, j'ai amené beaucoup plus de compositions
à la base, dont certaines à l'état
de squelette, d'autres plus abouties. D'où la question:
faut-il ajouter des arrangements pour quatuor à un
morceau qui fonctionne tel quel? Je trouve que cela fait
partie de la qualité des musiciens de faire peu de
notes ou de ne pas en jouer quand ce n'est pas nécessaire.
Surtout lorsque cela correspond à l'atmosphère
que l'on veut installer.»
L'impression de légèreté qui se dégage
de l'album, reflet d'un propos plus spirituel, est paradoxalement
le fait de l'abondance d'instruments. L'identité
du groupe n'en est que renforcée. «Le premier
album, c'était Christian au violon, Thomas à
la batterie, Walter à la contrebasse et moi à
la guitare et au chant. On s'en tenait à ce cadre-là.
C'était donc plus la production qui pouvait en révéler
les couleurs. Pour celui-ci, le travail s'est fait plus
en amont, dans la conception des arrangements des différents
instruments. L'objectif était de trouver, pour chaque
partie, le son le plus adéquat, le plus juste. Donc,
être un peu plus économe, contrairement au
premier qui ressemblait plus à une prestation live,
où tout le monde jouait tout le temps.»
Producteur rêvé
Tout comme sur «Welcome», Venus travaille sans
producteur particulier. Même s'il avait été
question que le groupe réenregistre tout avec Rob
Ellis (producteur du dernier PJ Harvey).
Mais c'était avant la faillite de Sonica et le projet
est donc tombé à l'eau. «Rétrospectivement,
c'est pas plus mal. Car, franchement, les arrangements étaient
tellement aboutis que je ne vois pas pourquoi on aurait
tout réenregistrer. Si ce n'est pour obtenir une
meilleure qualité de son. Mais on a tellement été
dans le détail des choses, y compris au niveau sonore»,
relève le chanteur.
Marc Huyghens n'est pas de ceux qui rêvent de travailler
avec un grand producteur. «Certains groupes en
reviennent déçus... Mais pourquoi pas? S'il
y avait une bonne raison, on pourrait choisir un producteur,
faire des arrangements moins aboutis et voir dans quelle
mesure il peut y avoir un échange avec lui. À
force de travailler en circuit fermé, sans jamais
rencontrer personne, tes facultés à apprendre
sont forcément limitées. D'une certaine manière,
Venus a été au bout de cette démarche.»
Vincent Braun