Mortelle Randonnée (Rock & Folk n°388, décembre 1999)
     
Texte  
 
Tous les goûts sont dans la nature de Venus, le quintette belge qui monte. Y compris celui, très prononcé, pour les excursions spectaculaires et sonores hors des sentiers battus.

En recevant l'album de ce nouveau groupe belge, son nom avait immédiatement évoqué les coups d'archet lancinants de John Cale, le timbre monotone de Lou Reed et des histoires de sadomasochisme faisant rimer outré avec cliché. Mais une fois ingurgité par le lecteur laser, "Welcome To The Modem Dancehall" n'avait de commun avec le Velvet Underground qu'un violon, une tension permanente et sourde servant de fil rouge entre les morceaux. Une semaine après cette prise de contact sonore, on retrouve les cinq Venus à Bruxelles, le temps d'un festival au coeur du jardin botanique local. Entre un lampadaire de guingois et des lampes pas mieux posées sur un mobilier de récupération, ils naviguent au milieu des ambiances : acoustique à la Louise Attaque en plus harmonieux, cabaret déglingué, pop dansante limite disco le temps d'un morceau plus frivole que les autres. Jusqu'à ce fameux riff de violon, ce rythme entêtant, ces images de cuissardes noires, de femme-enfant brandissant un fouet. Eh oui, ils ont osé. Ils s'en tirent même haut l'archet. Bien fait pour eux.

Venus en fourrure

"J'avais l'idée de cette reprise depuis longtemps en tête, mais j'hésitais, confesse Marc Huyghens, voix et guitare du quintette. J'ai filé le CD à Walter (contrebasse) qui l'a repassé à Patric (scénographe) et ainsi de suite. 'Venus In Furs' résume bien Venus, il nous colle à la peau à cause du violon. Et il y a ce risque de tomber à côté de la plaque car c'est délicat de s'approprier une chanson. J'ai peiné sur le chant, j'étais intimidé par Lou Reed. Notre reprise est fidèle mais honnête. On a surtout restitué l'atmosphère." Le maître mot est lâché : les Venus ont une gueule d'atmosphère. Qu'ils entretiennent en intégrant dans leurs rangs Patric Carpentier, acteur et metteur en scène, chargé de leur présentation visuelle. "Les scénographies sont survenues dans un souci d'être nous-mêmes, de ne pas chercher à plaire, tout en gardant une image forte. Il ne s'agit pas d'un décor, on dispose des oblets sur scène afin d'attirer l'attention du public, qu'il regarde jouer les musiciens. C'était aussi dans un but pratique au départ : on a joué dans des bars, les éclairages étaient souvent mauvais ou non existants. J'essaye que cet univers ne soit pas trop esthétique cependant. Hier, pendant que j'installais une toile, le régisseur est venu me signaler qu'elle était légèrement décalée vers la droite. Je ne m'en étais pas rendu compte mais le l'ai laissée telle quelle. Il ne faudrait pas que ce soit volontairement bancal non plus, ce serait une autre forme d'esthétisme." Une signature qu'on retrouvera dans la future vidéo des cinq, co-réalisée par Patric, armé de sa caméra Super 8 dont il parle, des trémolos dans la voix. "Je bouffe de la pellicule périmée et le résultat est extraordinaire et imprévisible. Tantôt flou, tantôt surexposé." Mine de rien, la scène musicale belge bouillonne d'inventivité. Les antihéros de pitoyables histoires drôles sont devenus demi-dieux du rock indé, ces dEUS, Soulwax ou Zita Swcon dont les noms surgissent dans les conversations de groupes anglo-saxons, bien en peine de situer la Belgique sur une carte de géo. Analyse de Marc: "C'est une scène intéressante, à cause de la digestion partîculière des cultures de nos voisins, faite par un petit pays sans passé musical à la base. On est influencés par tout ce qui est anglais mais aussi par les Français, les Allemands, Kurt Weill, Berlin. Dans Venus, on mélange Brecht et le style tzigane. Ainsi que la britpop et le blues." On n'avait donc pas halluciné ce moment où Marc s'était mué en Tom Waits, se déchaînant sur des percussions ferrailleuses, l'oeil allumé, perdu dans un délire improvisé et jubilatoire.

Cabaret et disco

On ne répétera jamais assez que Venus a été taillée pour le spectacle, au sens large du terme. "Avant Venus, explique Marc, Christian (violon) et moi avions travaillé sur un projet plus traditionnel, plus électrique. On a enregistré une démo et écrit une vingtaine de morceaux. Un label y a cru, un producteur aussi et on a mis la machine en route. On a réservé un studio et, un mois avant, plus d'argent et tout est tombé à l'eau. Résultat : je me suis mis à me foutre encore plus de toutes les contingences et j'ai décidé de faire mon truc. Arrive Patric qui montait un spectacle et nous propose d'en jouer la musique live. J'ai alors suggéré à Christian de se remettre au violon. On a essayé des tas de musiciens et on a vu tout se mettre en place dès qu'on a trouvé Walter et Thomas (batterie)." Grands déstructurateurs et briseurs d'harmonie - pour mieux les reconstruire - Patric et Marc ont relâché la tension sur "She's So Disco", une plage qui porte bien son nom. "Thomas a eu l'idée d'un morceau disco. On s'est pris au jeu, on a exploré le lexique du genre et utilisé des mots comme hot, stereo, radio, brothers and sisters... L'important c'est qu'il y ait du sexe. " Et le chanteur d'ajouter "Le texte est tout de même glauque : un tueur flingue les filles qui dansent bien. On a un peu dérapé."

Isabelle Chelley

 
  Notes  
 
Admirez les photos accompagnant cet article dans la Gallery #4.
 
You won't tell me, I know it's hard
To keep your dream alive
Royalsucker
 
 
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