Tête d'affiche : Venus (Rock & Folk n°428, avril 2003)
     
Texte  
 

"Oui, j'ai vieilli"
Après un premier album tièdement accueilli et le départ de deux musiciens, on croyait ce groupe belge perdu pour la science. Surprise : "Vertigone" est un second essai fascinant qui prouve que Radiohead n'est désormais plus seul au sommet des cimes pop.

Ouf. Enfin sorti. C'est sans doute ce que se diront les membres de Venus en voyant dans les bacs "Vertigone", leur deuxième album studio. L'histoire des Belges pratiquant le rock acoustique nourri de tensions avait pourtant débuté sous de bons auspices il y a quatre ans. "Welcome to the modern dancehall" trouvait son public, qui vint en nombre aux concerts classieux et hallucinés des quatre musiciens accompagnés de leur scénographe en charge de l'aspect visuel. Puis en 2000, "The man who was already dead" revisite en symphonique les chansons de Venus, leur donnant une dimension vertigineuse sans les boursoufler. La suite aurait dû couler de source.

Un groupe, c'est un couple puissance quinze

Nouvel album, tournée, un clip, l'adoration des filles romantiques, la jalousie des garçons torturés, quelques Victoires récompensant la bande. Mais Venus aurait presque déçu en suivant une trajectoire linéaire. Le groupe disparaît soudain de la scène musicale. A pein si l'on aperçoit Marc Huyghens, le chanteur au regard magnétique, se balader seul avec sa guitare au fil de quelques concerts. Trop d'intensité aurait-il détruit Venus ? Non. "Vertigone" arrive un matin sur notre hifi. Un deuxième disque simplement réussi, empreint d'une sérénité qui manquait à Venus toujours sur le fil du rasoir, prêt à se jeter dans le précipice. Il creuse les mêmes pistes que son prédécesseur à grands renforts d'ambiances Velvet light, de mélodies limpides et d'arrangement subtils. Bref, un millésime raffiné. "Notre tournée s'est achevée en janvier 2001 à Cannes, raconte Marc, et on a décidé de prendre un break de six mois. Je suis parti en Californie avec ma copine. Je n'avais jamais mis les pieds aux USA. J'ai découvert l'espace, la nature et une mentalité pas toujours géniale. On est bien lotis en Europe avec notre système de protection sociale. Faire de la musique aux USA est beaucoup plus difficile." Le retour en Europe a tout des lendemains qui déchantent. "On s'est remis à écrire de juillet à septembre 2001, et là, les problèmes ont commencé. Notre label italien a fait faillite. Thomas, le batteur, et Patric, le scénographe ont quitté le groupe." Quand on lui demande ce qui s'est passé, Marc reste évasif. "Ça m'ennuie d'en parler car je serais le seul à donner ma version des faits. Je ne sais plus qui disait qu'un groupe, c'est un couple puissance quinze. Surtout nous, on fonctionnait à la tension." Puis lors d'un concert de John Parish, Marc croise un grand brun qu'il retrouve peu après à côté de lui dans un train. C'est Jean-Marc Butty, collaborateur occasionnel de PJ Harvey, ami de Parish justement, le genre de musicien susceptible de s'entendre avec les Bruxellois en manque de batteur. "On partageait certains goûts musicaux, mais aussi une certaine sensibilité, murmure Jean-Marc dans le magnéto. C'est le cas de tous les gens avec lesquels je travaille, c'est essentiel pour moi."

Notre musique est accessible

Avec leur nouvelle recrue, les Venus reprennent la route du studio. "On a eu de la chance de trouver la bonne personne au bon moment, reprend Marc. L'expérience de Jean-Marc fait qu'il a pu intervenir alors qu'on n'avait pas démarré l'enregistrement ensemble. Une grande partie des arrangements existaient déjà, mais il a montré une grande faculté à comprendre où on voulait aller, à proposer des idées. Il nous apporte beaucoup et comme il est très réservé, on l'écoute dès qu'il parle."
Et la machine repart. Venus finit par signer un contrat d'artiste chez EMI. Mises en boîte des mois auparavant, les chansons n'ont pas pris une ride. La dynamique du groupe a évolué, l'heure est à l'harmonie. Marc rigole quand on lui dit que sans peroxyde, ni boucles d'oreille, on le sent plus mature et nature. "Oui, j'ai vieilli." Il a aussi appris en route. "Je regrette d'avoir mis 'She's so disco' sur le premier album, ça été un poids difficile à gérer. C'était une espèce de jam sur le mode de la plaisanterie et le morceau a un peu tiré l'album. J'ai dû le défendre à la télé, à la radio, alors que j'aurais préféré le faire avec n'importe quel autre morceau. Ça m'a servi de leçon. Avec Vertigone, je n'aurai pas de mauvaise surprise." Quelques jours avant les Transmusicales de Rennes, au cours desquelles Venus s'est produit à trois reprises, Marc, Christian (violon), Pierre (contrebasse) et Jean-Marc se sont enfermés pour répéter. Ce dernier a volontairement omis d'écouter le premier album pour ne pas se laisser influencer. "Ça nous a aidés à retrouver le plaisir de jouer nos chansons. Il y a un moment où on en a fait le tour. On ne réussit plus à trouver un angle neuf qui permet de redécouvrir le morceau sans abîmer sa qualité. Avant de retravailler sur le live, je pensais qu'il y aurait des titres qu'on abandonnerait mais, une fois réarrangés... Ma façon de chanter a changé. Le côté crispé ne me convient plus. Nous ne sommes plus des musiciens maudits, notre musique est accessible. Avant, on vivait des moments forts sur scène et aussi des concerts merdiques. Aux Transmusicales, je n'ai jamais éprouvé autant de plaisir à jouer, on était radieux."

Isabelle CHELLEY

 
  Notes  
 
 
 
You won't tell me, I know it's hard
To keep your dream alive
Royalsucker
 
 
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