Devenu une valeur sûre sur la scène
belge, Venus continue à marquer les esprits avec 'Vertigone'.
Malgré la déchirure interne et le départ
de Thomas van Cottom et de Patric Carpentier, le groupe affiche
une belle santé et sort un disque apaisé.
Quel regard portez-vous sur le succès que renconte
Venus ?
Marc: Je pense surtout à ce qui se passe maintenant.
Nous avons acquis une reconnaissance critique. Nous avons
vendus pas mal d'albums et nous disposons également
d'un suivi du public. Mais il n'était pas dit que
cette reconnaissance continue avec ce nouvel album, car
beaucoup de temps s'est écoulé depuis le dernier
disque.
Dans je sens que rien n'est jamais définitif
?
Marc: Oui, et surtout qu'on aurait trés bien
pu tomber aux oubliettes. Les gens auraient pu ne pas se
souvenir de nous. C'est donc hyper positif. A nous de bien
se rendre compte que nous avons de la chance. Et réaliser
que des gens attendent vraiment l'album, c'est super...
Quelle a été votre démarche pour
ce nouvel album ?
Marc: Il n'y a pas eu de réunion pour dire on
va faire comme ci ou comme ça. Mais personnellement
je voulais qu'il soit assez différent du premier.
Christian Schreurs (violon): Oui mais s'il n'y a
pas eu de réunion avant l'enregistrement on s'est
quand même posé la question de savoir ce que
chacun de nous avait envie pour ce disque. Et on s'est donnés
beaucoup de libertés, tant au niveau des instruments
qu'on allait utiliser que des couleurs de ces instruments.
On avait un peu envie de casser la rigidité du premier
album, qui était plus un album de compositions qu'on
pouvait jouer en live avec chacun de son côté
jouant son instrument et quelques overdubs. Ici, on s'est
plus fait plaisir en utilisant beaucoup plus de couleurs
qu'auparavant. Il est plus calme, mais je crois qu'on ratisse
plus large, et que 'Vertigone' ouvre plus de portes.
Marc: La principale différence vient du tait
que nous n'avons pas travaillé avec une montre. Nous
avons tout fait pour disposer d'un maximum de temps. Pouvoir
être aussi minutieux que nous le voulions, prendre
du temps sur chaque petite chose, travailler sur plusieurs
morceaux à la fois. Ce qui donne cet aspect raffiné
ou recherché dans l'arrangement. Ce n'était
pas le cas pour Welcom To the Modern Dancehall, album pour
lequel la méthode utilisée était plus
classique: on travaillait un morceau de a à z et
on passait au suivant. Ici, on pouvait attaquer une batterie
d'une chanson et travailler ensuite les claviers d'une autre.
Christian: Si nous avons eu tout ce temps, c'est
parce que nous n'étions pas en studio. Nous avons
trouvé plusieurs salles dans lesquelles nous pouvions
installer tous nos instruments et notre matériel
technique. Nous n'avions dés lors aucune deadline,
cela nous a donné une liberté totale. C'était
un luxe.
Marc: Tout à fait, le luxe, ce n'est pas d'avoir
un studio mais du temps.
Venus a été marqué par de nombreux
changements depuis sa formation...
Marc: Walter est parti en 99 et c'est à ce moment
là que Pierre nous a rejoints. En septembre 2001,
Thomas Van Cottom et Patrick Carpentier sont partis. On
a trouvé un nouveau batteur, on n'est plus que quatre.
Quel changement cela a apporté au niveau du groupe
?
Marc: Chaque membre du groupe a ses aptitudes musicales,
son talent mais surtout sa personnalité. Jean-Marc
Butty, par exemple, le nouveau batteur, est quelqu'un de
très posé, qui a beaucoup d'expérience.
Artistiquement, il est trés à l'écoute
des morceaux, propose beaucoup. Humainement il apporte du
calme. Beaucoup de changements, donc Venus a un peu changé,
oui.
Comment expliquer tous ces départs ?
Marc: Cela s'est mal passé. Et je pense que c'est
mieux qu'on n'en parle pas, vu que tu n'auras qu'une seule
version. Je préfère éviter d'en parler
maintenant, avec la sortie de l'album, car c'est un sujet
délicat, fragile.
Cela fait dix ans que tu es dans la musique, en compant
So, ton précédent groupe. Comment vois-tu
ton évolution ?
Marc: Artistiquement, pour moi, c'est toujours meilleur,
sachant qu'au début, ce n'était pas terrible.
Même au niveau de Venus, je pense qu'on n'arrête
pas de progresser. Tu parles de succès, mais c'est
relatif. Le principal, c'est le suivi artistique. C'est
ton travail, c'est ton évolution. Et je crois qu'avec
Venus, la réussite vient plus de notre travail que
de notre talent. Le travail, être de plus en plus
exigeant avec toi-même, c'est ce qui te permet d'évoluer.
Pour Vertigone, on a l'impression que tu as orchestré
l'album à ta façon.
Marc: Je ne peux pas nier ce que tu dis. J'ai composé
la base des morceaux, c'est donc normal que cela imprime
le travail du groupe. Ma contribution est plus importante.
Je suis arrivé avec des compositions plus élaborées
et une idée précise de ce que je voulais.
Et ce n'est pas un hasard si je me retrouve plus dans ce
disque que dans le précédent. Je suis plus
en phase avec Vertigone.
Pierre Jacqmin (basse): Pour moi, il s'agit surtout
de me mettre au service d'un travail qui est à la
base apporté par Marc. Et ensuite, chacun de nous
y ajoute sa touche personnelle, ses envies. Et cela reste
très ouvert.
Christian: Tu as l'impression que Marc est plus présent
que pour notre premier disque, mais j'ai tendance à
dire que c'était déjà Marc qui apportait
tout à l'époque. Comme dit Pierre, on est
au service de la composition, qui est effectivement amenée
par Marc. Mais la méthode d'enregistrement est différente
ici, nous n'avons jamais joué ensemble lors de la
préparation de l'album, nous avons travaillé
en ajoutant des parties sur le multipistes. Le contexte,
aussi, était plus posé qu'auparavant. Donc,
pour moi, ce n'est pas plus Marc Huyghens qu'avant.
Marc: Si je réécoute Ballroom ou White
Star Line, ce sont des morceaux que j'aime encore bien écouter,
mais j'ai l'impression que c'est quelqu'un d'autre qui les
a écrits. Dans le premier disque, il y a beaucoup
plus de tensions, qui étaient intéressantes.
Ces tensions partaient dans tous les sens. Ici, avec Vertigone,
tu en sens moins, mais les morceaux vont dans ta même
direction. Ce disque est plus homogène que le premier.
Christian: Pour moi, c'est discutable, Pour le premier,
c'est toujours les
mêmes couleurs qui reviennent donc il y a aussi homogénéité.
Je ne sais pas si homogène est le bon terme pour
Vertigone. Disons qu'il est plus ouvert.
Marc: Pour moi, homogène ne veut pas dire
que tu retrouves d'office toutes tes mêmes couleurs.
Mais ici, les chansons forment un tout plus cohérent.
Comment est venue l'idée de faire appel à
un choeur pour Running at full speed ?
Marc: En fumant... J'étais de mon côté
et j'ai eu une illumination. Je suis revenu le lendemain
en leur disant tout content et tout cerné: «
ce serait super qu'on essaye avec un choeur ». C'était
une vieille chanson qu'on avait gardée dans un tiroir,
on aimait son harmonie et c'est Christian qui a travaillé
sur un arrangement pour un quatuor à cordes. On a
envoyé les partitions dans une école de Charleroi
qui avait une activité de chorale, avant d'aller
enregistrer là-bas. Avec une trentaine d'adolescents
âgés entre 12 et 17 ans. C'était vraiment
une chouette expérience.
La musique te permet-elle d'exprimer plus de choses
que dans la vie quotidienne ?
Marc: Sûrement, mais la musique est plus pour
moi le seul moment ou je ne pense à rien d'autre.
C'est en quelque sorte une thérapie, un exutoire.
Ces moments où je ne pense à rien d'autre,
souvent sur scène ou chez moi, m'amènent une
plénitude, un moment de bonheur. C'est une concentration
totale, mais apaisante.
Venus
'Vertigone'
Capitol Music / EMI
Après un été sous les trombes diluviennes
et les inondations, la formation bruxelloise s'orne de blanc
et de fraîcheur pour son nouvel album. Un blanc épuré.
Sage. Ressourcé. Ressourçant. Calme. Ce calme
plein de tensions avant l'apparition d'une nouvelle tempête.
En grand capitaine de route, Marc Huyghens est sûr
de son fait. Il a à nouveau préparé
son navire pop d'une armature acoustique. Après avoir
colmaté les brèches provoquées par
la fougue du précédent Welcome To the Modern
Dancehall, il conduit sa troupe à travers courants
et marées en vue d'un territoire apaisé et
évite la menace d'un naufrage. Il recueille même
Pall A. Jenkins à bord, échappé du
radeau de Black Heart Procession, pour l'employer à
la scie sur Million Miles Away. Ce second disque offre des
chansons retenues, tout en harmonie, et impose les marques
d'une nouvelle maturité. Arrivés à
bon port, ils peuvent jeter l'encre en paix.
Julien Gillebert