Mare Nostrum Corsica
Cuba, nouvel Eldorado des compagnies de ferries méditerranéennes ?

 Le port et la passe d'entrée de La Havane en 2004 ; photo Florian Roether (visible sur Wikipedia)
La vaste étendue d'eau du port de La Havane sera-t-elle à même d'accueillir tous les ferries annoncés dans le cadre de la reprise des services maritimes réguliers avec les États-Unis ?



Des nombreux opérateurs méditerranéens se disent intéressés par la desserte maritime Cuba-États-Unis : lesquels sauront durablement s'implanter sur ces lignes ?

Le Superfast XI en mer en juillet 2006 au large de la Grèce ; photo : Konstantinos Dafalias, visible sur Wikipedia.
Le Superfast XI, de Superfast Ferries, fera-t-il partie des navires envoyés à Cuba par le groupe Attica Holdings ?



Dans le cadre du réchauffement diplomatique entre les États-Unis et Cuba, plusieurs licences ont été accordées depuis début mai 2015 à plusieurs opérateurs maritimes, ce qui autorise la reprise - dès l'automne 2015 ? - des relations maritimes entre les deux pays, interrompues depuis le début des années 1960 suite à l'embargo de l'île. Logiquement, plusieurs de ces opérateurs sont issus du continent américain (comme Havana Ferry Partners, Baja Ferries et America Cruise Ferries - les deux compagnies dirigées par Daniel Berrebi, Caribbean Lines Florida...). Plusieurs projets seraient donc en cours d'élaboration, en vue de rétablir des liaisons maritimes entre La Havane et différents ports américains, tous situés en Floride pour des raisons évidentes de proximité : Miami, mais aussi potentiellement Key West, Tampa, Fort Lauderdale, Port Canaveral et Port Everglades.

Cela peut paraître a priori plus surprenant, mais c'est finalement logique au vu de la très dure crise des ferries rencontrée en Europe, de nombreuses compagnies méditerranéennes ont fait part de leur intérêt pour ces lignes américano-cubaines. Par exemple, de longue date, la Moby avait annoncé son intention d'étendre ses activités au-delà de la Méditerranée. Si elle n'a pas depuis reconfirmé ses intentions, la récente acquisition de 100% des parts de la Moby et de la Tirrenia (dont le nom officiel est CIN - pour Compagnia Italiana di Navigazione) par le PDG de la Moby, Vincenzo Onorato, début juillet 2015 aurait relancé son intérêt. En effet, la renégociation qui s'ensuit de la convention de service public entre la Tirrenia et l'État italien pour éviter un monopole dans le desserte de la Sardaigne (les parts de marché cumulées de ces deux compagnies dépassant 90 % en 2014, à la fois pour les passagers et pour le fret) pourrait conduire à une réduction de la "voilure" à terme, et libérer de ce fait des navires pour cette desserte. De fait, lors de la présentation fin février 2016 du nouveau groupe Onorato Armatori, réunissant la Moby, la Tirrenia et la Toremar, Vincenzo Onorato, son PDG, a fait part de nouveau de l'attention particulière qu'il porte à cette desserte, même s'il ne s'agit à ce stade selon ses propres propos que d'un "intérêt personnel". En attendant, d'autres compagnies méditerranéennes ont déjà dévoilé des projets plus précis, même s'ils ne se sont pas encore concrétisés à ce stade :

 - la compagnie espagnole Balearia, qui assure la desserte des lignes intérieures espagnoles, notamment vers les Canaries, est déjà implantée dans les Caraïbes grâce à sa filiale Balearia Bahamas Express. Celle-ci a transporté 130 000 passagers en catamaran rapide en 2014 entre Fort Lauderdale, au Nord de Miami en Floride, et les îles Bahamas (Gran Bahama). Elle a annoncé son intention d'ouvrir deux lignes sur Cuba, maintenant qu'elle a reçu les autorisations nécessaires. La première ligne relierait sa base américaine de Fort Lauderdale à La Havane, en ferry classique ; la seconde, Key West, à l'extrême Sud des Keys de Floride, à La Havane également et serait assurée en navire à grande vitesse. L'identitié des navires envisagés n'a pas été révélée, viendront-ils de Méditerranée ?

- le groupe grec Attica Holdings, qui chapeaute les compagnies Blue Star Ferries et Superfast Ferries, qui opèrent sur les îles intérieures hélléniques et sur Italie-Grèce, a également obtenu une licence d'exploitation de la ligne Miami-La Havane. Son administrateur délégué, Spiros Paschalis, a annoncé vouloir desservir quotidiennement cette ligne phare entre les capitales de Floride et de Cuba, distantes d'environ 230 miles nautiques (soit un peu plus que Marseille-Bastia) en moins de 10 heures. Et toujours selon ses déclarations, deux des treize navires du groupe seraient mobilisés à cet effet et auraient déjà été choisis. Si leur nom n'a pas été révélé, leurs caractéristiques seraient les suivantes : 1 700 passagers et 700 lits en cabines ; ils seraient dotés d'un garage de 2 000 mètres linéaires pouvant accueillir 570 véhicules et sans doute aussi du fret. Le groupe Attica miserait donc sur des navires de type ropax rapides - ceux-là même que Daniel Berrebi écarte complètement, jugeant que seuls des navires de type cruise ferries, dotés d'environ 500 cabines et de nombreux services aux passagers (bars, restaurants, piscine...) sauront satisfaire les exigences de la clientèle américaine. S'agira-t-il des Superfast XI et XII actuellement en service entre Italie et Grèce, de la paire d'un peu plus petite dimension Blue Star 1 et 2 ou d'autres navires encore (des ferries de type Superfast naviguant pour Tallink en mer Baltique) ? L'information n'a pas été révélée à ce stade, pas plus que la date d'ouverture effective du service.

- le groupe italien Grandi Navi Veloci, qui a récemment dévoilé une nouvelle livrée pour ses navires et souhaite se faire connaître plus largement en Europe sous l'acronyme GNV, a également des ambitions pour Cuba. Il aurait étudié une mise en service du Rhapsody (ex-Napoléon Bonaparte de la SNCM) entre Miami et La Havane pour l'hiver 2015-2016 avant de finalement positionner ce navire sur la ligne Tanger-Barcelona-Sète-Genova et de nouveau, sur les lignes italo-albanaises. Pour mémoire, le Rhapsody avait justement repris la mer entre Bari et Durrës, entre l'Italie et l'Albanie, en août 2015, après plus de deux ans d'immobilisation et de travaux suite à son accident. Il y a plusieurs mois déjà, l'administrateur délégué de GNV, Roberto Martinoli avait laissé planer le doute sur un débarquement possible dans l'île des Caraïbes en remarquant que "la distance entre la Floride et Cuba est similaire à celle de Genova à Olbia, idéale pour le type de trafic de GNV". Plus récemment, ses propos se sont faits plus précis et offensifs, puisqu'il a déclaré fin juin 2015 que : "Récemment les deux gouvernements [américain et cubain] (...) ont donné des licences à des compagnies de ferries qui n'ont pas de ferries. Nous les ferries, nous les avons et nous connaissons bien Cuba. S'il y a une opportunité, nous ne manquerons pas de la prendre au vol". Il remarque toutefois qu'il ne s'agira pas d'un marché facile et signale également un obstacle potentiel plus technique : "l'absence d'infrastructure" côté Cubain, après plus de 50 ans d'embargo américain et de fermeture totale des lignes maritimes entre les deux pays, recréer ex-nihilo autant de liaisons ne sera sans doute pas sans poser des difficultés...

Rappelons enfin qu'en cas de reprise de la SNCM par Baja Ferries - perspective aujourd'hui écartée, au vu de l'attribution de la compagnie au groupe Rocca intervenue fin novembre 2015 - Daniel Berrebi envisageait de transférer, au moins temporairement, le Danielle Casanova sur la liaison Miami-Cuba. On aurait donc pu aboutir à une situation quasi-surréaliste dans laquelle les deux ex-navires amiraux de la SNCM, dont la construction avait été financée par la continuité territoriale de la Corse, se seraient retrouvés en concurrence dans les Caraïbes sur cette ligne cubaine !

Au-delà des déclarations d'intentions, reste à savoir quelles compagnies oseront
véritablement se lancer dans "l'aventure cubaine", sachant que si les premiers arrivés auront sans doute un avantage, ils essuieront aussi les plâtres et risqueront de se retrouver très rapidement en surcapacité au vu du nombre d'opérateurs potentiellement bientôt en présence...   

L'arrivée à Bastia du Napoléon Bonaparte, en août 2011 ; photo : Romain Roussel  Le Rhapsody de GNV en escale à Sète, en janvier 2016 ; photo : Jean-Pierre Fabre.
Le Napoléon Bonaparte (ici en août 2011 - photo Romain Roussel - et en janvier 2016, à Sète - photo Jean-Pierre Fabre) a été renommé Rhapsody par son nouveau propriétaire, l'italien GNV, qui vient de le repeindre en juillet 2015 dans sa nouvelle livrée. Après une première saison d'été en 2015 sur les lignes italo-albanaises depuis son accident fin 2012 puis son retour en Méditerranée occidentale fin 2015, il pourrait un jour naviguer à Cuba.


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