Mare Nostrum
Corsica
Cuba, nouvel Eldorado des compagnies de ferries méditerranéennes ?
La vaste étendue d'eau du port de La Havane sera-t-elle à même d'accueillir tous
les ferries annoncés dans le cadre de la reprise des services
maritimes réguliers avec les États-Unis ?
Des
nombreux opérateurs méditerranéens se disent
intéressés par la desserte maritime
Cuba-États-Unis : lesquels sauront durablement s'implanter sur
ces lignes ?
Le Superfast XI, de Superfast Ferries, fera-t-il partie des navires envoyés à Cuba par le groupe Attica Holdings ?
Dans
le cadre du réchauffement diplomatique entre les
États-Unis et Cuba, plusieurs licences ont été
accordées depuis début mai 2015 à plusieurs
opérateurs maritimes, ce qui autorise la reprise - dès
l'automne 2015 ? - des relations maritimes entre les deux pays,
interrompues depuis le début des années 1960 suite
à l'embargo de l'île. Logiquement, plusieurs de ces
opérateurs sont issus du continent américain (comme Havana Ferry Partners, Baja Ferries et America Cruise Ferries - les deux compagnies dirigées par Daniel Berrebi, Caribbean Lines Florida...).
Plusieurs projets seraient donc en cours d'élaboration, en vue
de rétablir des liaisons maritimes entre La Havane et
différents ports américains, tous situés en
Floride pour des raisons évidentes de proximité : Miami,
mais aussi potentiellement Key West, Tampa, Fort Lauderdale, Port
Canaveral et Port Everglades.
Cela peut paraître a priori plus
surprenant, mais c'est finalement logique au vu de la très dure
crise des ferries rencontrée en Europe, de nombreuses compagnies
méditerranéennes ont fait part de leur
intérêt pour ces lignes américano-cubaines. Par
exemple, de longue date, la Moby
avait annoncé son intention d'étendre ses
activités au-delà de la Méditerranée. Si
elle n'a pas depuis reconfirmé ses intentions, la récente
acquisition de 100% des parts de la Moby et de la Tirrenia (dont le nom officiel est CIN - pour Compagnia Italiana di Navigazione) par le PDG de la Moby,
Vincenzo Onorato, début juillet 2015 aurait relancé son
intérêt. En effet, la renégociation qui s'ensuit de
la convention de service public entre la Tirrenia
et l'État italien pour éviter un monopole dans le
desserte de la Sardaigne (les parts de marché cumulées de
ces deux compagnies dépassant 90 % en 2014, à la fois
pour les passagers et pour le fret) pourrait conduire à une
réduction de la "voilure" à terme, et libérer de ce fait
des navires pour cette desserte. De fait, lors de la présentation fin février 2016 du nouveau groupe Onorato Armatori, réunissant la Moby, la Tirrenia et la Toremar,
Vincenzo Onorato, son PDG, a fait part de nouveau de l'attention
particulière qu'il porte à cette desserte, même
s'il ne s'agit à ce stade selon ses propres propos que d'un "intérêt personnel". En attendant, d'autres compagnies
méditerranéennes ont déjà dévoilé des projets
plus précis, même s'ils ne se sont pas encore concrétisés à ce stade :
- la compagnie espagnole Balearia,
qui assure la desserte des lignes intérieures espagnoles, notamment vers
les Canaries, est déjà implantée dans les
Caraïbes grâce à sa filiale Balearia Bahamas Express.
Celle-ci a transporté 130 000 passagers en catamaran rapide en
2014 entre Fort Lauderdale, au Nord de Miami en Floride, et les
îles Bahamas (Gran Bahama). Elle a annoncé son intention
d'ouvrir deux lignes sur Cuba, maintenant qu'elle a reçu les
autorisations nécessaires. La première ligne relierait sa
base
américaine de Fort Lauderdale à La Havane, en ferry
classique ; la seconde, Key West, à l'extrême Sud des Keys
de Floride, à La Havane également et serait
assurée en navire à grande vitesse. L'identitié
des navires envisagés n'a pas été
révélée, viendront-ils de
Méditerranée ?
- le groupe grec Attica Holdings, qui chapeaute les compagnies Blue Star Ferries et Superfast Ferries,
qui opèrent sur les îles intérieures
hélléniques et sur Italie-Grèce, a
également obtenu une licence d'exploitation de la ligne Miami-La
Havane. Son administrateur délégué, Spiros
Paschalis, a annoncé vouloir desservir quotidiennement cette
ligne phare entre les capitales de Floride et de Cuba, distantes
d'environ 230 miles nautiques (soit un peu plus que Marseille-Bastia)
en moins de 10 heures. Et toujours selon ses déclarations, deux
des treize navires du groupe seraient mobilisés à cet
effet et auraient déjà été choisis. Si leur
nom n'a pas été révélé, leurs
caractéristiques seraient les suivantes : 1 700 passagers et
700 lits en cabines ; ils seraient dotés d'un garage de 2 000
mètres linéaires pouvant accueillir 570 véhicules
et sans doute aussi du fret. Le groupe Attica
miserait donc sur des navires de type ropax rapides - ceux-là
même que Daniel Berrebi écarte complètement,
jugeant que seuls des navires de type cruise ferries, dotés
d'environ 500 cabines et de nombreux services aux passagers (bars,
restaurants, piscine...) sauront satisfaire les exigences de la
clientèle américaine. S'agira-t-il des Superfast XI et XII actuellement en service entre Italie et Grèce, de la paire d'un peu plus petite dimension Blue Star 1 et 2 ou d'autres navires encore (des ferries de type Superfast naviguant pour Tallink
en mer Baltique) ? L'information n'a pas été
révélée à ce stade, pas plus que la date
d'ouverture effective du service.
- le groupe italien Grandi Navi Veloci,
qui a récemment dévoilé une nouvelle livrée
pour ses navires et souhaite se faire connaître plus largement en
Europe sous l'acronyme GNV, a également des ambitions pour Cuba. Il aurait étudié une mise en service du Rhapsody (ex-Napoléon Bonaparte de la SNCM)
entre Miami et La Havane pour l'hiver 2015-2016 avant de finalement
positionner ce navire sur la ligne Tanger-Barcelona-Sète-Genova et de nouveau, sur les lignes italo-albanaises.
Pour mémoire, le Rhapsody avait justement repris la mer entre Bari et
Durrës, entre l'Italie et l'Albanie, en août 2015,
après plus de deux ans d'immobilisation et de travaux suite
à son accident. Il y a
plusieurs mois déjà, l'administrateur
délégué de GNV,
Roberto Martinoli avait laissé planer le doute sur un
débarquement possible dans l'île des Caraïbes en
remarquant que
"la distance entre la Floride et Cuba est similaire à celle de
Genova à Olbia, idéale pour le type de trafic de GNV". Plus récemment, ses propos se sont faits plus précis et offensifs,
puisqu'il a déclaré fin juin 2015 que : "Récemment
les deux gouvernements [américain et cubain] (...) ont
donné des licences à des compagnies de ferries qui n'ont
pas de ferries. Nous les ferries, nous les avons et nous connaissons
bien Cuba. S'il y a une opportunité, nous ne manquerons pas de
la prendre au vol". Il remarque toutefois qu'il ne s'agira pas d'un
marché facile et signale également un obstacle potentiel
plus technique : "l'absence d'infrastructure" côté Cubain,
après plus de 50 ans d'embargo américain et de fermeture
totale des lignes maritimes entre les deux pays, recréer ex-nihilo autant de liaisons ne sera sans doute pas sans poser des difficultés...
Rappelons enfin qu'en cas de reprise de la SNCM par Baja Ferries - perspective aujourd'hui écartée, au vu de l'attribution de la compagnie au groupe Rocca intervenue fin novembre 2015 - Daniel Berrebi envisageait de transférer, au moins temporairement, le Danielle Casanova
sur la liaison Miami-Cuba. On aurait donc pu aboutir à une
situation quasi-surréaliste dans laquelle les deux ex-navires
amiraux de la SNCM,
dont la construction avait été financée par la
continuité territoriale de la Corse, se seraient
retrouvés en concurrence dans les Caraïbes sur cette ligne cubaine !
Au-delà des déclarations d'intentions, reste à savoir quelles compagnies oseront véritablement se
lancer dans "l'aventure cubaine", sachant que si les premiers
arrivés auront sans doute un avantage, ils essuieront aussi les
plâtres et risqueront de se retrouver très rapidement en
surcapacité au vu du nombre d'opérateurs potentiellement bientôt en
présence...
Le Napoléon Bonaparte
(ici en août 2011 - photo Romain Roussel - et en janvier 2016,
à Sète - photo Jean-Pierre Fabre) a été
renommé Rhapsody par son nouveau propriétaire, l'italien GNV,
qui vient de le repeindre en juillet 2015 dans sa nouvelle
livrée. Après une première saison
d'été en 2015 sur les lignes italo-albanaises depuis son accident fin 2012 puis son retour en Méditerranée occidentale fin 2015, il pourrait un jour naviguer à Cuba.
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