Intervenues à la veille de la commercialisation par la SNCM de son programme de rotations pour la saison 2014,ces
déclarations, qui auraient pu faire fuir les clients, ont fait
l'effet d'un premier pavé dans la mare. Tout d'abord, comme l'a
reconnu depuis la direction de la compagnie "l'entreprise n'est
pas endettée. Nous disposons d'environ 300 millions d'euros
d'actifs" a indiqué dans les médias Marc Dufour, alors
président du directoire de la SNCM. Du côté des responsables politiques corses, les réactions critiques ne se sont pas fait attendre, que ce soit de la part du président de l'OTC, Paul Marie Bartoli, ou du président de l'exécutif, Paul Giacobbi. Dans une interview très complète à France 3 Corse
le 19 octobre 2013, Paul Giacobbi précise à propos des 50
millions d'euros qui seraient réclamés par la SNCM que
c'est "de la fantaisie, c'est même assez scandaleux, c'est
une folie" et que cette somme "ne correspond à rien". Dans un
argumentaire très construit, il démonte un a un les
griefs de la compagnie à l'encontre de la Collectivité territoriale de Corse et
précise même que "la loi exige de réclamer les 200
millions d'euros" comme les enjoint de le faire la Commission de
Bruxelles et le droit français, mais que la CTC a accepté malgré tout de ne pas le faire - et de risquer des sanctions à ce titre -, l'État ne le lui demandant pas.
Par ailleurs, Paul Giacobbi indique que la CTC a "accordé dans d'excellentes conditions à la SNCM" la délégation de service public entre Marseille et la Corse et que "nous aidons la SNCM au quotidien en faisant des avances sur le plan financier" mais que la Collectivité ne
peut pas, sauf à faire "des détournements de fonds
publics", avancer des sommes à une entreprise qui pourraient
être qualifiées d'aides d'État illicites,
même si celle-ci est en difficulté du fait de sa gestion. S'agissant des
prétendus retards de paiement, "il n'y a pas un centime de
retard" précise Paul Giacobbi, ce serait "des inventions pures
et simples" et il y aurait à l'inverse "10 millions d'euros
d'avance très précisément" dans les versements de
la CTC à la SNCM, la Collectivité ne pouvant violer la loi, dans l'attente des décisions de
juctice définitives sur cette question, en continuant de verser
des subventions au titre du service complémentaire de
l'été 2013, déclarées illégales par
Bruxelles depuis le printemps dernier. Enfin, s'agissant de la
compensation au titre de la hausse des prix du carburant, la SNCM
n'aurait demandé en justice que 3,5 millions d'euros et non 23
millions comme indiqué dans la presse, et selon Paul
Giacobbi, la compagnie devrait perdre également ce
contentieux, le contrat de la DSP 2007-2013 ne prévoyant selon
lui ce dédommagemment qu'en cas d'accord de la CTC, accord qu'elle n'aurait jamais donné...
Second pavé dans la mare, le rapport remis le 11 décembre 2013 sur la privatisation de la SNCM
et dont le rapporteur n'est autre que Paul Giacobbi, a pointé
les ratages de la privatisation de la compagnie intervenue en 2005.
Selon ce rapport, la privatisation en question, qualifiée
de "gâchis épouvantable", aurait coûté au
total plusieurs centaines de millions d'euros aux pouvoirs publics :
"sans parler de la cession à un prix critiquable, des parts
détenues par la SNCM dans la société SudCargos, les pertes patrimoniales et financières totales de l'Etat sur la SNCM
peuvent être estimées au moins à quatre cents millions
d'euros, voire quatre cent cinquante ! " peut-on y lire en conclusion. Et le rapport
d'ajouter :
- que le fonds d'investissement
Butler Capital Partners (qui avait revendu au
groupe Veolia ses parts de la SNCM pour
73 millions d'euros en 2008 alors qu'il les avait acquises trois ans plus tôt
pour seulement 13 millions) a été "le seul bénéficiaire financier de cette affaire" ;
- que la société Veolia
"qui n'avait guère d'expérience, a voulu faire beaucoup
de choses et a finalement effroyablement mal géré" ;
- et que si rien ne peut être reproché à quiconque sur le plan
pénal, on peut déplorer d'en être "aujourd'hui au
même point qu'en 2001 ou qu'en 2006, s'agissant de la situation
de la SNCM" alors
"qu'entre-temps des centaines de millions d'euros ont été
dépensés sans autre bénéfice que de gagner
du temps"...
Dans ce contexte, l'annonce faite mi-décembre 2013 par Marc Dufour, qu'après Butler Capital Partners, deux nouveaux fonds d'investissement (Alandia et FinActive) s'intéresseraient de près à la SNCM
et seraient prêts à y prendre des parts si le contentieux
avec Bruxelles était réglé, a de quoi faire
frémir... Par ailleurs, outre ces holdings, deux armateurs
privés suivraient également au dossier.
Selon plusieurs médias, l'un d'entre eux serait La Méridionale, l'actuel partenaire de la SNCM,
dont le nom est souvent avancé pour exploiter les
"cargos mixtes" de la SNCM (à savoir les navires Pascal Paoli, Jean Nicoli, Monte d'Oro et Paglia Orba,
utilisés sur les lignes Marseille-Corse dans le cadre de la
délégation de service public) ou pour en reprendre l'activité. L'autre, dont la nom n'a pas été
révélé, mais qui serait un
consortium constitué d'un armateur français et d'un autre venant d'Europe
du Nord, fait penser au partenariat entre Louis Dreyfus Armateurs et le danois DFDS,
qui exploite déjà plusieurs liaisons de ferries en France
(Calais-Dover, Le Havre-Portsmouth et Dieppe-Newhaven - cette
dernière ligne dans le cadre d'une DSP) sous la marque commerciale DFDS Seaways. Louis Dreyfus Armateurs,
qui avait de longue date annoncé l'ouverture d'un service
passagers entre Marseille et Tunis sans la concrétiser (le
service est, à ce jour, restreint au fret) pourrait être
intéressé par le développement des lignes du
Maghreb de la compagnie, en supposant là aussi réglé
le contentieux avec Bruxelles. Pour autant, Louis Dreyfus Armateurs (LD Lines) aurait démenti s'intéresser au dossier SNCM,
alors que Christian Garin, l'ex-directeur du port de Marseille
et ancien président du syndicat des armateurs
français, précisait qu'avec le soutien du groupe
norvégien Siem, il avait bien remis une offre au groupe Veolia
en août 2013, mais que celle-ci serait restée sans réponse de la part des actionnaires
de la compagnie...
Pour autant, la Collectivité territoriale de Corse
(CTC) n'entendait semble-t-il pas s'orienter dans la voie d'une reprise des actifs de la SNCM par un nouveau groupe privé, si l'on en
croit le courrier adressé publiquement par Paul Giacobbi au Syndicat des travailleurs Corses
(STC) le 18 décembre 2013 et son intervention à
l'Assemblée nationale début mai 2014. Celui-ci
précisait alors que "la CTC veillera
en tout état de cause à ce qu'aucune solution ne se
traduise par une nouvelle captation par le secteur privé,
aboutissant à bénéficier excessivement de deniers
publics". Allant dans le sens des souhaits du syndicat qui
prône de longue date la création d'une compagnie maritime
régionale corse, il ajoute : "nous estimons que la constitution d'un
outil régional de service public de la Corse serait la meilleure
solution probablement sous cette forme la société
d'économie mixte". Et ce courrier tordait au passage le cou
à certaines rumeurs propagées sur internet qui
prêtaient à Paul Giacobbi l'intention, en cas de
défaillance de la SNCM, de relancer un appel d'offre très réduit, avec seulement deux navires mixtes en sus des trois cargos de La Méridionale. Il y affirmait au contraire que : "la CTC
a la volonté de faire valoir ses droits dans le cadre d'une
éventuelle procédure collective dans le but de prendre
les quatre navires mixtes affectés au service public" tout en
jouant l'apaisement en précisant que "cependant, la CTC
n'émettra aucun titre et ne lancera aucune procédure qui
aboutirait à précipiter le sort de la compagnie".
Au final, il semble qu'on ne puisse espérer d'issue favorable
à la situation actuelle de la compagnie que si les actionnaires
de la SNCM et les parties
concernées (Etat, Commission européenne mais aussi les
régions Corse et PACA notamment) parviennent à s'accorder
sur un projet viable, qui évite de reproduire les erreurs du
passé. Pour l'instant, la société Transdev
a indiqué que l'apport de fonds concédé
mercredi 18 décembre 2013 (13 millions d'euros) serait le
dernier qu'elle accorderait à la SNCM.
L'actionnaire majoritaire ayant annoncé son intention de ne
pas assister au conseil de surveillance du 20 décembre 2013 qui
promettait d'être décisif pour la compagnie (et
aurait dû entériner la commande des nouveaux navires),
celui-ci a été annulé, l'Etat s'étant aussi
désisté, faute de quorum. Plusieurs autres autres conseils de
surveillance se sont tenus depuis. Le conseil de
surveillance du 22 janvier 2014 a entériné le
plan de compétitivité de la compagnie. Ce n'est que le 18 février 2014 que le sort réservé au navire amiral de la SNCM, le Napoléon Bonaparte, a été révélé par le site Marsactu
: le navire, qui n'a toujours pas repris la mer depuis son accident du
28 octobre 2012, a été vendu par la SNCM suite à un accord trouvé avec les assureurs de la compagnie qui l'auraient indemnisée pour 60 millions d'euros
(soit dix de plus que prévu, rapporte cette même source).
Sa vente en l'état pour la modique somme de 7 millions
d'euros a été officialisée lors du conseil de
surveillance de la compagnie du 14 avril 2014 et le navire devrait
finalement, après réparations, renaviguer pour le compte
de la compagnie italienne SNAV (mais pas entre la Corse et le continent, une clause du contrat de cession l'interdisant selon le journal Le Marin).
Enfin, le conseil de surveillance du 18 mars 2014, a -
sans surprise - désigné les chantiers STX de Saint
Nazaire pour la construction des futurs navires (deux
commandes fermes et deux autres en option) sous réserve
d'entérinement de leur financement. Les chantiers STX de Saint Nazaire, dont les soutiens sont nombreux et qui viennent de signer avec Brittany Ferries
pour
la construction d'un navire propulsé au GNL, ont donc
damé le pion à leurs principaux concurrents (trois autres
chantiers ont succesivement été éliminés :
les allemands Flensburger et Nordic Yards et l'italien Fincantieri, déjà constructeur du Danielle Casanova).
Toutefois, la perspective de cette commande s'éloignerait depuis
avec la reprise en main de la compagnie par Transdev, intervenue en mai 2014, qui se dit ouvertement hostile au financement de ces navires...
Reste à régler la question de l'actionnarait de la compagnie. Suite au conflit social intervenu à la SNCM et à La Méridionale du 1er
au 8 janvier 2014, une réunion réunissant plusieurs
élus des régions Corse et PACA - qui ne
privilégient pas les
mêmes options pour la compagnie - s'est également tenue ce
même jour au Ministère des transports, afin de
préparer les prochaines tables rondes qui devront traiter
principalement de ce futur actionnariat.
Les élus locaux ont paru assez divisés sur la marche
à suivre suite à cette rencontre. En effet, la ville de
Marseille, sa communauté urbaine et le Conseil général des Bouches du Rhône
ont appelé de leurs voeux une évolution de
l'actionnariat et leur entrée possible au conseil de
surveillance de la SNCM, mais
uniquement à titre symbolique, sans participation
financière. Paul Giacobbi a réitéré quant
à lui sa proposition déjà écrite au STC lors du dernier blocage du Pascal Paoli,
à savoir "de discuter d'une société
d'économie mixte (SEM) ou d'une société publique
locale qui pourrait louer les navires à la SNCM"
dans le cadre de la DSP, rappelant au passage aux élus
marseillais que "la loi interdit à une collectivité
locale
d'être actionnaire d'une société privée" et
que "ces solutions ne sont ni légales, ni possibles, donc il
faudra bien discuter d'une SEM"... Voilà qui a sans doute
donné lieu à des discussions animées lors de la
réunion
de la mi-mars 2014
organisée sur le sujet auprès du Ministre, qui s'est engagé
à faire expertiser la faisabilité des
différentes solutions avancées par les élus...
En attendant, le climat demeure très tendu en Corse : 72% des
résidents corses interrogés du 16 au 22 janvier 2013 par
l'institut de sondage Opinion of Corsica jugent que la grève de la SNCM et de La Méridionale
de début janvier 2014 "n'était pas justifiée"
tandis que 75% des sondés souhaitent une garantie pour le
service public maritime entre Corse et continent, 37% se
prononçant pour la création d'une compagnie
régionale. Quant au Syndicat des transporteurs corses,
il a indiqué qu'il exigeait d'être indemnisé pour
le préjudice subi lors des grèves des compagnies SNCM et CMN
de 2009 à 2013. Suite à une réunion entre les représentants des compagnies et de l'Office des transports intervenue le 24 février 2014, la SNCM et La Méridionale
se sont chacune engagées à faire bénéficier
les transporteurs corses de 200 000 euros de billets gratuits pour des
transports de fret, à valoir entre le 1er mars et le 31
août 2014. Toutefois, une autre revendication des transporteurs,
relative à la non application des suppléments carburants
n'a pas été statisfaite et de nouveaux échanges
sont à prévoir sur ce sujet après les
élections municipales, a prévenu le Syndicat des transporteurs corses.
Début janvier 2014, faute de service "social et solidaire" des navires de la SNCM et de La
Méridionale, la situation est demeurée bloquée pendant 8 jours
à Marseille, le fret et les passagers étant acheminés
par la Corsica Ferries, sur Toulon
À la demande de la CCI de Haute-Corse et des agriculteurs insulaires, la Corsica Ferries a accru le nombre de ses rotations sur Toulon afin d'acheminer le fret en souffrance.
Pour "permettre de couvrir les besoins de trésorerie estimés
nécessaires par l'entreprise pour l'année 2014", l'Etat
français a accordé un apport financier
supplémentaire de 30 millions d'euros à la compagnie
maritime, précise un courrier de Jean-Marc
Ayrault, alors Premier ministre, au député Patrick Menucci, communiqué le
31 décembre 2013. Cette somme permettrait "surtout de mettre en place les
premières mesures de retour à l'équilibre
prévues dans le plan d'affaires" et d'envisager dès lors
la commande du premier des cargos mixtes de nouvelle
génération attendu en 2016.
Les syndicats de la SNCM
ont semble-t-il très mal pris ce courrier, car malgré la
volonté affichée par le Premier ministre d'alors de "mettre en
oeuvre une solution de continuité pour l'entreprise,
crédible et pragmatique", le blocage des navires de la SNCM et de La Méridionale a été total du 1er au 8 janvier 2014. La nouvelle DSP Marseille-Corse a donc débuté par un blocage des navires... Même le Piana de La Méridionale,
qui avait pourtant été armé par la compagnie avec
un équipage non gréviste, n'a pu effectuer ses
rotations, car il a été bloqué par des militants
CGT à Marseille, rapporte France 3 Corse. Seuls ont pu naviguer encore entre Corse et continent les bateaux de la Corsica Ferries, qui ont "secouru" les vacanciers de Noël bloqués sur l'île (d'après la SNCM,
en seulement quatre jours, 6000 personnes auraient été
impactées par la grève pour cette seule compagnie, pour
un coût supérieur à 1,2 million d'euros) ainsi que
les clémentines en souffrance ! En effet, à la demande de
la Chambre de commerce et d'industrie de Haute Corse et au grand soulagement des agriculteurs insulaires, la Corsica Ferries a mis en service en seulement 24 heures un navire supplémentaire, le Sardinia Vera, entre Bastia et Toulon pour achemnier le fret qui ne pouvait être transporté à bord de ses Mega Express, permettant ainsi l'exportation de 400 tonnes de fruits !
Par ailleurs, M.Maurizi, qui préside le syndicat professionel des transporteurs de la Corse (SPTC), avait demandé au préfet de Corse, en vain, la réquisition du Piana de La Méridionale pour
que soient aussi assurées des traversées avec
Marseille. Devant le refus opposé à sa demande, il
avait appellé le dimanche 5 janvier 2014 à l'arrêt
total du transport de marchandises entre Corse et continent, mais le
trafic a finalement repris dès le lundi 6 janvier suite à
un accord passé avec la CCI de Haute Corse et la Corsica Ferries
pour la mise en place de rotations supplémentaires en Mega Express
entre Toulon, Ajaccio et Bastia (les navires faisaient alors un
aller-retour de jour en sus de l'habituel aller-retour de nuit). Par
courrier aux compagnies
délégataires du service public sur Marseille, il aurait
également indiqué suspendre le paiement de ses factures
à la SNCM et à La Méridionale
dans l'attente d'être indemnisé pour le préjudice
subi... Il entendait ainsi faire pression sur le Gouvernement et sur les
syndicats grévistes pour qu'une solution à ce conflit
social soit rapidement trouvée. Outre les pertes de chiffres
d'affaires, les compagnies délégataires doivent
également s'attendre à des retenues financières de
la part de la Collectivité de Corse pour service non rendu (La Méridionale
estimerait ces retenues à 30 000 euros par jour pour ses trois
navires, à ajouter à ses pertes commerciales de 100 000
euros par jour, rapporte France 3 Corse, la SNCM n'a quant à elle pas communiqué à ce niveau de détail).
A noter que le contrat de la nouvelle délégation de
service public maritime Marseille-Corse entrée en vigueur le 1er janvier
2014 - d'un point de vue juridique, si ce n'est dans les faits
- prévoit qu'en cas de grève, soit mis en place au
cinquième jour de conflit un "service social et solidaire",
c'est-à-dire la circulation d'un cargo mixte sur sept sur ces
lignes (15% des rotations habituelles), afin d'acheminer les
marchandises les plus essentielles et les
passagers prioritaires (les résidents corses et les personnes
malades notamment, ainsi que les étudiants devant passer un
examen...). Pour autant,
ce service qui aurait dû entrer en vigueur le dimanche 5 janvier
2014 n'a jamais été mis en place par la SNCM et La Méridionale pendant ce conflit social. Interpellé sur ce sujet par le groupe Corsica Libera, le président de l'Office des transports de la Corse,
Paul-Marie Bartoli déclarait déplorer cette situation
et appeler à la raison les compagnies délégataires
qui ne doivent pas, dit-il, "prendre la Corse et les Corses en otage
dans un conflit qui les dépassent". Il a ainsi affirmé à France 3 Corse
que
"c'est bien le service public qui est en cause et dès lors
qu'il n'est plus fiable on peut se poser beaucoup de questions" et
"qu'il faut que cette grève cesse rapidement, sinon les choses
peuvent dégénérer en Corse".
Dans un interview à Corse Matin
du 7 janvier 2014, il précisait même que "le fait de
poursuivre la grève peut remettre en cause la
délégation de service public. Elle peut être fatale
à la DSP", ce qu'il aurait regretté. Jamais le ton d'un
représentant de l'exécutif de Corse n'a été
aussi dur envers les marins de la SNCM
puisque
Paul-Marie Bartoli ajoutait même que "s'ils sont
prêts à rompre le contrat rapidement, ils n'ont
qu'à poursuivre dans cette logique de blocage et de
grève". Pour autant,
aucune mesure de réquisition de navire n'a été
prise, de nouveaux échanges s'étant tenus entre
syndicats et Gouvernement dès le lundi 6 janvier (principalement
sur le pavillon des navires reliant la Corse au continent
français) mais n'ayant pas permis de suspendre la grève.
Ce blocage a aussi montré alors pour la première fois que la
direction d'alors de la compagnie ne semblait plus tout à fait en phase
avec ses actionnaires puisque Marc Dufour, à l'époque président du
directoire de la SNCM, avait même écrit au Ministre des transports pour obtenir des
clarifications du Gouvernement sur le plan de sauvetage de la compagnie
précisant qu'il s'interrogeait "sur les différentes
interprétations qui sont faites aujourd'hui de cette notion de
plan" et qu'il était dans ces conditions "dans l'incapacité
d'expliquer aux représentants des salariés et aux
organisations syndicales (...) les orientations des actionnaires de
l'entreprise concernant le plan à mettre en oeuvre"...
Par ailleurs, à la demande de la CGT marins de la SNCM,
le Gouvernement a d'ores et déjà récrit le
projet de décret de la loi du 28 mai 2013 dite de l'Etat
d'accueil dont une première mouture avait été
soumise mi-décembre 2013 aux partenaires sociaux. La nouvelle
version vise à imposer à toutes les compagnies naviguant dans les eaux territoriales françaises
"les règles de droit social français issues des
dispositions législatives et réglementaires, ainsi
que des stipulations conventionnelles, sur neuf points essentiels en
matière sociale (durée du travail, salaire minimum...)."
estimées parfois non respectées. Si ce décret ne
devrait rien changer à la SNCM et à La Méridionale, déjà sous pavillon français, il est déjà qualifié d'anti-Corsica Ferries
qui a fait l'objet d'une campagne de dénigrement
constante pendant la durée du conflit qui a
immobilisé ses concurrentes. Bien que naviguant sous pavillon
italien, la compagnie à tête de maure se targue pourtant
d'appliquer les conventions collectives françaises depuis son
arrivée sur les lignes intérieures françaises en
1999 et précise, par la voix de son directeur
général, Pierre Mattei, interviewé par la radio
Corse Alta Frequenza que
"l'Italie n'est ni une République bananière, ni un
paradis fiscal, ni une zone de non droit social. Les marins qui sont
sur nos navires bénéficient d'une protection qui est
celle du code du travail italien et ils n'entendent pas du tout qu'on
leur impose des règles qui seront même parfois moins
intéressantes pour eux. En fait il s'agissait de faire un
décret anti-Corsica Ferries probablement
pour nous empêcher de travailler ou pour rendre notre travail le
plus compliqué possible". Il ajoute que sa compagnie refuse
d'être présentée comme responsable "à cause
de ce prétendu dumping social qui en fait n'existe pas de la
situation dans laquelle s'est mise toute seule par ses dirigeants
et par ses actionnaires, la SNCM"
et qu'elle se réserve le droit de demander à Bruxelles
son interprétation du sujet. En attendant, le projet de
décret "Etat d'accueil" a été soumis au Conseil supérieur
de la Marine marchande le 20 février 2014 ; il devra être
validé par le Conseil d'Etat pour pouvoir être
promulgué et devrait normalement entrer en vigueur courant juin 2014.
Un autre fait marquant est le "Corsica Ferries bashing" ambiant qui ne concerne pas là non plus directement la situation de la SNCM,
certains médias rapportant que le Gouvernement se serait
également engagé à tout faire pour que la Collectivité de Corse récupère auprès de la Corsica Ferries les sommes perçues au titre de l'aide sociale aux passagers - dont accessoirement la SNCM
a également bénéficié - entre 2002 et 2013.
De tels remboursements mettraient sans nul doute en péril la
survie de la Corsica Ferries
qui ne pourra quant à elle bénéficier d'aucun
soutien public, à l'inverse des deux autres compagnies
privées desservant la Corse (SNCM et La Méridionale).
Il conviendrait donc que le climat s'apaise de toutes parts de
telle sorte que l'on n'oppose pas en permanence les compagnies les unes
aux autres et que l'on ne cherche pas, pour sauver l'une à
couler telle ou telle autre, ce qui serait sans doute le pire
scénario pour l'île. En effet l'un des atouts de la
desserte maritime de la Corse est sa pluralité
d'opérateurs, qu'il faut à tout prix préserver,
pour éviter de tomber dans des monopoles néfastes pour
tous. À noter que dans la période récente, les
seuls soutiens de la compagnie aux bateaux jaunes sont venus des
acteurs du monde économique (CGPME de Corse et CCI de Haute Corse) qui ont remercié publiquement la Corsica Ferries
pour les efforts accomplis en termes de programmation des navires
pendant le conflit de la SNCM et de La Méridionale de janvier 2014, ce qui à permis à l'île
d'éviter l'asphyxie totale et aux exportateurs de
clémentines en particulier de pouvoir néanmoins
écouler leur production sur le continent.
Si les avancées
obtenues par les syndicats de la compagnie ont permis de mettre fin au
conflit social de janvier, la SNCM a connu un nouvel épisode
de grève fin mars 2014 tandis que les acteurs du dossier
s'opposaient sur le cap à suivre
Le Corse est actuellement positionné sur les lignes Nice-Corse et Toulon-Corse de la SNCM, qui seraient des "gouffres financiers" pour la compagnie selon le journal Le Figaro. Selon des cadres de la compagnie interrogés par WK-logistique le 4 juin 2014, les pertes sur ces lignes atteindraient 1,2 millions d'euros par mois.
Après
un blocage total de 8 jours au départ de Marseille, la
reprise du travail a été effective à la SNCM et à La Méridionale à
compter du jeudi 9 janvier 2014. Cette reprise fait suite à
d'importantes critiques de la part des responsables de
l'Exécutif de Corse (le président de l'Office des transports, Paul-Marie Bartoli
étant en droit d'exiger la rupture du contrat de la DSP
2013-2024 pour service non fait et ayant clairement indiqué
qu'il appliquerait des retenues conventionnelles pour plus de 1,5
million d'euros) et à une réunion organisée la
veille par le Ministre des transports, Frédéric
Cuvillier, avec les syndicats des deux compagnies. Celles-ci auraient
obtenu des concessions importantes, avec notamment des engagements
forts sur le renouvellement de la flotte de la SNCM,
qui avait pris du retard, puisqu'il aurait dû en théorie
être acté avant la fin 2013. Le relevé de
conclusions de la réunion au Ministère des transports
précisait en particulier que, s'agissant de ce renouvellement de
flotte, "le montage financier devra être présenté
au conseil de surveillance de la SNCM au
plus tard le 15 avril, de sorte que la commande des deux premiers
navires de type ropax puisse intervenir au plus tard le 30 juin 2014".
Il avait même été annoncé que la commande des navires
aurait pu intervenir lors du conseil de surveillance de la SNCM du 25
février 2014. Toutefois, il n'en a rien été : les actionnaires privés Veolia et Transdev, qui souhaitent se désengager au plus vite de la compagnie, auraient voté contre, rapportait l'AFP,
et c'est finalement le vote de l'Etat qui, mettant fin à son
abstention de février, a permis d'avaliser la lettre d'intention
pour la construction des navires aux chantiers STX de
Saint Nazaire. Toutefois, le plan de financement doit encore être
finalisé et les actionnaires se mettre d'accord pour que la
commande devienne effective, ce qui aurait déjà dû
être le cas (la date de la mi-mai 2014
était alors évoquée) mais cette perspective semble désormais s'éloigner.
D'après France 3 Corse,
trois plans de financement alternatifs seraient sur la table depuis
début mai 2014, même si ceux-ci pourraient encore faire
l'objet de discussions - voire d'amendements - suite à la
réunion du 12 mai. Selon cette source, la SNCM resterait, dans les deux premiers cas, l'opérateur des navires, qu'il s'agisse soit d'un financement en direct par la SNCM, soit d'un passage par un crédit-bail organisé par la SNCM ou d'autres opérateurs. En revanche, dans le troisième cas, l'acquisition des navires se ferait via les
collectivités territoriales concernées par la DSP et
l'armateur en serait le délégataire choisi. Ce dernier
scénario se déclinerait en deux options : soit une
société d'économie mixte - SEM - alliant
collectivité et un opérateur privé, soit une
société publique locale SPL, qui serait quant à
elle entièrement publique. C'est ce scénario de SEM ou de
SPL qui aurait la préférence des rapporteurs, qui
souligneraient le peu de réalisme de la première option
et la fragilité de la seconde, selon France 3 Corse. La troisième option se rapprocherait semble-t-il du scénario de SEM porté par la Collectivité territoriale de Corse et côté continental, par le seul département des Bouches-du-Rhône
; elle emporterait toutefois le risque d'une réduction du
périmètre de la compagnie. Quelle que soit l'option qui
sera finalement retenue, les rapporteurs souligneraient par
ailleurs les risques d'annulation de l'actuelle DSP, précise France 3 Corse.
Sans attendre cette échéance de mai, les
syndicats de la SNCM (sauf le STC) avaient décidé de faire remonter la pression en entamant une
nouvelle grève qui a paralysé tous les navires de la compagnie
à partir du 26 mars 2014 afin d'exiger la mise en place d'un
nouvel actionnariat stable et durable, en vue de garantir l'avenir de la
compagnie (à noter que le STC, qui avait quant à lui mené une grève le 24
mars 2014 à La Méridionale, pour des motifs autres - liés aux conditions d'armement du navire Piana
- a finalement trouvé un accord avec la direction). La
mer demeure donc agitée dans le canal de Corse, d'autant que
la CGPME
de l'île a fait part de son "ras le bol" dans un
communiqué de presse et en manifestant devant l'Assemblée de Corse en demandant à
l'exécutif de Corse s'ils envisageaient des scénarios
alternatifs, comme l'affrètement de bateaux afin d'assurer la
continuité du service maritime... En attendant, Pierre-Marie Bartoli, excédé par cette deuxième paralysie du trafic Corse-continent de la SNCM en moins de trois mois, est allé très loin dans ses propos, en évoquant dans une interview à France Bleu Corse Frequenza Mora le 28 mars 2014 la possibilité de rompre unilatéralement la DSP maritime si le conflit à la SNCM devait
perdurer, avant de semble-t-il modérer ses déclarations
et de
préciser qu'il ne souhaitait pas qu'on en arrive à une
telle rupture, rapportent les médias insulaires. Après 5
jours d'une nouvelle paralysie totale des navires de la compagnie et le blocage de
l'accostage d'un navire de croisière à Marseille le
dimanche 30 mars par les grévistes de la SNCM, le président d'alors du directoire de la SNCM, Marc Dufour a demandé à l'Etat, via un
communiqué de presse, que soit organisée dès le
lundi 31 mars une table ronde des actionnaires de la compagnie. Les
organisations syndicales de la compagnie ont finalement suspendu leur
mouvement de grève le 1er avril 2014, suite aux nouvelles garanties obtenues : l'actionnaire majoritaire Transdev - qui avait alors rencontré les représentants du norvégien SIEM en vue d'une possible cession de ses parts dans la SNCM
- s'étant engagé à ne pas lancer de procédure
collective tandis que l'Etat devait présenter dès le 4
avril 2014 le plan de financement des nouveaux navires de la SNCM...