une orange une aurore un élan ou un rire
dire comme ce cheval fou hanté par l'eau de Seine
par
le temps clapotis
au fond de ses poumons
garderais-je la rime sans ombre de raison
sans blanc et sans crépi aux murs de ma prison
sans matelas moelleux fait de molle inertie
pour
protéger
le crâne contre les coups du vent
garderais-je l'écrit si nul ne savait lire
dans le fond du secret comme une main qui prie
et reprend mais tout bas ce que la vie retire
écrire / écrier
où le mot ? où le but ?
l'instant l'année
et l'absente saison
tout se dit vague
et erre
éther
sans vigie et sans foi
le vent de la surprise
réveille ma saison
en mon sang je ressens
la nostalgie d'Orient
dans mon pas je retrouve
le
rythme des vieux
chants
ah qu'enfin recommence
l'ardente pulsation
qui fouette les membres
caresse et châtiment
et qu'en mon souffle vivent
les vagues océans
le pharaon qui règne en mes demeures secrètes
me
tient en servitude
comme au temps des ancêtres
son nom est : le Multiple
? et s'il disparaissait
je
deviendrais l'esclave
de tous ses descendants
me voilà donc réduit dedans mon labyrinthe
à
chercher
une chambre très loin de son pouvoir
où l'écho assourdi de ses fureurs inquiètes
me laisserait en paix
- au moins le temps d'y croire
par mon double au dedans maudissant à deux voix
l'Orient
et l'Occident
qui me clouent sur leur croix
moi l'impie psalmodiant un cantique de foi
ulcérant
de tourments mon dos chargé de lois
je me consume tant et puis tant je me noie
que je suis jugement du crime de mes voix
OSWIECIM
dénué
dénudé
dénié
nom
dénommé
dépourvu
délié
délivré
UN : nu de nuée
ET
LES ONGLES
TROP LONGS DE CE PAUVRE HOLDERLIN...
c'est le vent de folie qui fait deuil de raison
le manuscrit gratté par la plume du temps
les souvenirs enfouis gravés sous les gravats
la pièce blanche et nue habitée de silence
le
repeint jaune
d'oeuf cru craché sur l'au-delà
sa
tour
pensante
et
vide
absurdement présente
ORPHEE regard amer reflété par les eaux
dans
les villes
des crimes hantées par les canaux
ORPHEE monde alchimique mordant la pierre ovale
couvée
d'un
athanor sur fond de chant biblique
ORPHEE
à
quatre mains sur la portée des mots injuriant les échos
sur
sa grille d'ébène
ORPHEE de par le monde à jamais égaré
- poète d'agonie et ton pas de nuée
si tu entends CELAN sur un fond d'agonie
prends
garde à
la douceur de trouver ta folie
si tu revois CELAN un jour de main tendue
redonne-lui
ta voix
raboteuse ou ténue
si tu reçois CELAN en signe d'obsession
partage pain et sel et fais bénédiction
sur la feuille sans nervure
mais
par la ride
au front
suivre/creuser la trace
inscrite
dans le
blanc
par ce berger des mots
transhumant
des
idées
par ce témoin des Justes
de
l'attente du
Jour
de la cendre pensante
et de l'espoir gazé
et je cherche à mon tour
le secret du collet
qu'un certain braconnier
a
noyé
en chasse aux terres noires
au flambeau sans lumière
sa main sur personne
a
posé
ses mots tanière vide
arbres témoins de la forêt
hommage vrai à la Loi vérité
j'ai rêvé
cette voix de repère
pour
territoire
secret
cette voix étrangère
à
qui rien
d'étranger
cette voix de lumière
parlant
pour le
muet
cette voie-
-là
ALLA
BREVE
nous ne pourrons tromper la non-douleur qu'en travaillant la racine du temps, ce baume qui soulage et mène au long rivage glissant vers maintenant, et ramenant la barge au creux de l'abandon
***
l'absence est un motif central dans l'art de la dentelle, où le fil du départ, lové au doigt de celui qui reste, garde et la souvenance, et l'édit, et la Loi
***
le coeur est, souviens-t-en, organe cave, de géométrie retorse et capricante complexion, où vivent en souverains un rêve et un remords
***
à la barbe des mots je dérobe un langage
***
je connais des réponses qui se passent de question
***
plus on regarde un mot plus on en voit le vide
***
prenez garde: le mot nu ment
***
il me reste une passion, celle de n'y pas croire
***
je connais les gardiens dont s'entourent les prisons
***
j'ai peur de mon espoir comme un fou de raison
***
je chante sur ta peau un cantique de bruine
***
écran d'étreintes
fardés soupirs
règne ô règne
des souvenirs
demi-sommeil
du mot palpite
on
veille un mort
plus il s'agite
même un glacier
peut reculer
toutes les voix s'éteignent
usées de temps
désertées de raison
vidées d'espoir
assourdies de silence
voix privées d'oreilles
mains tendues dans le vide
je me cache dans une besace
me réfugie sous un gravier
ça craque ça craque mais je passe
je
passe le temps
à avancer
je passe je passe mais ça craque
le coeur bat dur au fond de la besace
et je pars de peur d'avancer