A l’origine, mon propos n'était pas d’écrire un “livre”, mais, simplement, de mettre un peu d’ordre dans les archives familiales, et, si possible, d’en combler les lacunes. 
MÉDAILLÉ 2003 DE L'ACADÉMIE DE MARINE

          J'ai, à cet effet,consulté les archives de Pleurtuit, au bord de la Rance, en Ille et Vilaine,  commune d’origine de ma famille paternelle:  ses registres sont si bien conservés depuis le milieu du XVIème siècle, que, sans avoir jamais osé l’espérer, mes propres archives se sont, en quelques heures, enrichies de plus de 200 ans.

          Mais, au delà  des dates de naissance, de mariage ou de décès, elles me faisaient surtout découvrir que, génération après génération, aussi loin que je pouvais remonter, mes aïeux avaient été charpentiers de marine.

          Consultant alors, à Rennes et à Brest, les Registres Matricules de l’Administration de la  Marine qui,  depuis le début du XVIIIème siècle, consigne avec un soin scrupuleux tous les événements de la vie des “inscrits maritimes”, je disposais, en plus, d’un considérable et émouvant gisement d'informations: émouvant car des vies entières faisaient ainsi surface après de siècles d’oubli. 

          Je notais, en particulier, que, selon les époques, ces hommes exerçaient leur métier tantôt à terre, tantôt en mer, tour à tour embarqués sur  un  terre-neuva, un long-courrier, un navire-corsaire ou un vaisseau du Roi. Quelles étaient les raisons de ces choix : leurs goûts personnels ? l’attirance d’une meilleure rémunération ? un circonstance familiale? le hasard des opportunités ? ou, peut-être, des événements locaux  ou nationaux?

          L'histoire de la Marine, donc de la France, celle propre au pays de Saint-Malo, me livrèrent bien des explications possibles : ainsi je voyais mes aïeux revivre au rythme de l’Histoire. 

          Mais, derrière la froideur des faits enregistrés, quelle était la réalité de leur existence? Charpentiers de marine, oui, mais quelles étaient leurs tâches en mer, sur un terre-neuva par exemple,  ou mieux, sur un navire-corsaire? Et ce métier, riche d’une expérience séculaire,  comment a-t-il évolué au cours des siècles ? Comment ces hommes de l’art ont-ils vécu l’intrusion de la science et de la technique dans ce domaine empirique où nul, depuis les origines, ne contesta l’autorité?

          Faute de trouver un ouvrage dédié aux charpentiers de marine, à leur métier et à leur vie quotidienne au cours des âges, j'ai consulté de multiples documents .

          Peu à peu, presque malgré moi, ce livre s’est construit autour de l’histoire de ces 7 générations de "charpentiers de marine" d’une même famille, histoire elle-même tissée des fils de bien d'autres histoires:

- celle d'une région, de  Saint Brieuc à Saint Malo,  marquée par l'union intime, dans l'estuaire de la Rance, de la mer et de la terre, qui, de  chacun, faisait tout à la fois un marin et un paysan;

- celle de laguerre de  course, des campagnes à Terre-Neuve,  des voyages  au long cours(à la  "grosse aventure", comme on disait jadis), au gré des  relations entre la  France et les autres puissances maritimes;

- celle, enfin, de la technologie navale, et surtout du  métier de charpentier de marine qui,  symbole de cette intimité,  fût longtemps marqué de la " noblesse" des  maîtres de hache, aussi longtemps que le progrès n’imposa pas sa loi.

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