GENESE DU SUPREMATISME

   


1913, année de naissance du suprématisme


Pour certains critiques, le suprématisme serait apparu de manière brusque, inattendue, pour d'autres ce serait un prolongement du cubisme et une lente maturation.

Dora Vallier, (à propos des lettres de Malévitch à Matiouchine), relève le caractère abrupt de la naissance du suprématisme, contrastant avec l'apparition graduelle de l'abstraction chez Kandinsky et Mondrian:

Mnam, Dora Vallier, p.191:
"Grâce à ces lettres, le passage de la figuration à l'abstraction, si troublant chez Malévitch puisqu'il est abrupt, enfin s'éclaire. A la différence, en effet, de Kandinsky qui parvient petit à petit à l'abstraction en libérant la couleur (il nous en a fait lui-même le récit), à la différence de Mondrian, qui, à partir du cubisme atteint progressivement la forme abstraite, Malévitch d'emblée aboutit à la forme abstraite."

Pour Jean-Claude Marcadé, le saut est radical:


J-Cl Marcadé, Cahier I, p. 115:
"L'apparition du "carré noir" dans l'oeuvre de Malévitch aussi bien que dans l'art du XXème siècle dans son ensemble, frappe par son caractère abrupt, inattendu, imprévisible."

Evgueni Kovtoune voit le suprématisme comme la continuité du cubisme:


Flammarion, p. 104:
"Comment le suprématisme est-il né? Selon les textes publiés de Malévitch, il constitua le prolongement logique et conscient de l'expérience cubiste."

La production à proprement parler abstraite de Malévitch ne couvre quelques années de sa vie, de 1915 environ à 1920, avec quelques reprises vers la fin des années 20.Tout le reste de sa production picturale précédente et ultérieure est figurative.
Mais la radicalité dans l'abstraction de ses formes géométriques colorées flottant dans un espace magnétique tranche tellement sur le reste de sa production et sur l'ensemble des créations artistiques que cette période est retenue à juste titre comme représentative de son courant artistique appelé "suprématisme". L'apport antérieur, c'est à dire le passage dans différents courants artistiques traditionnels et novateurs en est pourtant profondément partie-prenante. Car le suprématisme n'est pas que le carré noir, c'est aussi une analyse du développement de l'art.
Les oeuvres figuratives ultérieures font aussi une introspection dans différents courants artistiques, mais marquées désormais du sceau du suprématisme. L'analyse picturale devient un acte conscient et volontaire. Il est important de déterminer dans quelles conditions Malévitch put faire émerger pendant quelques années les plans simples en peinture. Quant à leur disparition, elle est peut-être parallèle à leur apparition.
Pour la plupart des commentateurs, à la naissance du suprématisme se rattachent une date, un lieu, Moscou et un dessin: l'esquisse préparatoire d'une scène de l'opéra "La Victoire sur le soleil". Nous verrons que la date peut se préciser: 3 juillet 1913, tout comme le lieu: Kountsevo. Quant à l'oeuvre, c'est sous le carré noir lui-même qu'il faut chercher la réponse sur le mode de création du suprématisme, car ce tableau est un palimpseste et comporte plusieurs couches superposées dont vraisemblablement 2 tableaux abstraits. Les motivations de Malévitch doivent être cherchées dans des expériences artistiques proches et dans les textes de l'artiste lui-même.


Malévitch a toujours prétendu que le carré noir sur fond blanc était né à Moscou en 1913, une affirmation, qui, comme le souligne Minna Tarka,"a donné du fil à retordre à plus d'un chercheur" et qui a constitué une sorte d'énigme :

Minna TARKA,
Art & Design
p; 78
A plusieurs occasions, Malévitch souligna que le suprématisme avait pris naissance en 1913, une affirmation qui a donné du fil à retordre à plus d'un chercheur. Il est un fait que Malévitch n'exposa pas ses premières oeuvres suprématistes avant 1915. Les peintures non-objectives de la dernière exposition futuriste 0.10, semblaient entrer dans le monde de l'art de nulle part , quasi sans anticipation.
Le suprématisme objectivement datable , c'est à dire concrétisé par des tableaux, n'était apparu qu'en décembre 1915 à l'exposition 0.10.


Vassili Ratikine a décrit comment Malévitch produisait, exposait et datait ses peintures:


"La datation donnée par Malévitch pour ses propres oeuvres est la question la plus fantastique de l'histoire de l'art. Le problème vient du fait que la majorité des oeuvres de Malévitch existe en diverses variantes. L'auteur lui-même insistait toujours sur deux, trois dates, sur le moment de la naissance de l'idée qui souvent ne correspondait pas au moment réel de l'exécution de l'oeuvre; et en second lieu, quand une oeuvre partait de chez Malévitch, il s'efforçait d'en peindre une réplique pour lui-même, et cette dernière se distinguait souvent de la première variante."

C'est peut-être l'impressionisme, avec sa facture rapide et son immédiateté, qui a institué comme règle chez les spécialistes une adéquation entre la datation de l'oeuvre et sa réalisation. L'approche nouvelle de Malévitch à cet égard semble plonger les chercheurs dansla confusion, parcequ'elle prend comme départ de l'oeuvre le moment de la sensation, quel que soit ensuite l'écart qui le sépare de la réalisation de l'oeuvre plastique correspondante. Cette démarche est insolite dans le monde de l'art, parceque beaucoup d' artistes ne considèrent pas comme un moment conscient la sensation qui précède leur oeuvre, et ne la datent donc pas, ou alors cette sensation est traduite plastiquement sans délai, donc n'introduit une datation décalée. Aux yeux des spécialistes et du public, cette notion de sensation n'étant pas identifiée, elle n'a pas de sens quand à son intégration dans l'oeuvre. Par la fabrication fréquente de doubles de ses oeuvres, Malévitch bouleverse également les règles établies en faisant une entorse au dogme de l'original en peinture, important critère de valeur pour l'art.
L'affirmation par Malévitch d'un intervalle important séparant l'exposition des oeuvres suprématistes et leur création était une première difficulté de taille, mais la deuxième affirmation qui "a donné du fil à retordre à plus d'un chercheur", est constituée par son oeuvre elle-même, l'écart qui sépare ses dessins de ses peintures. L'énigme "Le suprématisme est apparu en 1913" pouvait être résolue en adoptant le dessin de rideau comme "embryon" , et le carré noir comme "enfant royal", comme Malévitch les décrit lui-même, mais cela ne donne toujours pas d'indications, ni sur la conception de ce fameux embryon, ni sur son développement d'un carré coupé en diagonale vers un carré entier. Les choses se compliqueront encore lorsqu'il s'avèrera que le "carré noir" sur fond blanc est un palimpseste. Sous quelle forme le suprématisme s'était-il alors manifesté en 1913?

Une des possibilités, rappelée par Minna Tarka (idem), était la postdatation:


"Malévitch a même été suspecté de fraude, de redater ses croquis pour prouver la primauté historique du suprématisme".

Les tableaux exposés en 1915 auraient été postdatés comme étant de 1913 pour assurer, précisément la "suprématie", la domination du mouvement: La bonne foi de l'artiste devait être mise en cause, comme le fit Suzan Compton, qui soupçonna le système de datation que se donnait l'avant-garde russe d'être un acte d'autopromotion:


"De nos jours on n'ose pas contredire le fait qu'il a fait naître le suprématisme en 1913 pour essayer d'y trouver les racines de son nouveau langage artistique. Même si on ne croit pas que Malévitch a délibérément falsifié la chronologie des évènements, il faut avoir en mémoire que l'un des grands soucis de l'avant-garde russe était de tenir le premier rang parmi ses rivales en Europe et, de toute évidence, certains écrivains et artistes ont, dès 1913, commencé à donner des dates incorrectes.
Je n'attache aucune validité aux dates certainement ajoutées, quelques années plus tard par l'artiste, sur les tableaux actuellement conservés dans les musées soviétiques."

Dora Vallier laissa planer le doute :


"A moins de prendre le peintre pour un menteur, ce décalage qu'il introduit mérite attention.."


Une autre hypothèse devait postuler que les prémices du suprématisme étaient apparus en 1913, et non les tableaux achevés, ce qui amena les spécialistes à étendre leurs recherches au-delà de la seule oeuvre peinte et à rechercher dans les écrits et les esquisses de l'artiste des réponses à cette question. C'est Camilla Gray la première, (p. 158) qui désigna dès 1962 une esquisse du rideau de scène de l'opéra "Victoire sur le soleil", celle de l'Acte 2, scène 5, comme marquant le début du suprématisme:


"Pour "Victoire sur le soleil", l'opéra futuriste de Kroutchonyk, Malévitch trace le début du suprématisme.. L'un des rideaux de scène dessiné par Malévitch était en fait abstrait."

Si le dessin de rideau de l'opéra Victoire sur le soleil s'est imposé comme fondement du suprématisme, ce n'est pas seulement parcequ'il est à caractère abstrait, c'est parceque Malévitch lui-même a établi formellement un lien entre cette esquisse et le carré noir: Minna Tarka (idem):


Par conséquent, les fondements du suprématisme ont été vues dans la visualisation de la Victoire sur le soleil (...)

Le rideau du second acte, figurant un carré divisé diagonalement en noir et blanc, est là où Malévitch lui-même situait la naissance du suprématisme. Or, comment savons-nous que Malévitch a désigné le rideau de scène comme lieu de naissance du suprématisme? Où l'a t'il exprimé? C'est dans les sources écrites, précisément, les lettres à Matiouchine, que Dora Vallier chercha le chaînon manquant qui reliait 1913 à 1915:

"Une explication se profile en effet, indirectement, à la lumière de quelques lettres, résemment publiées, que Malévitch a adressées à Matiouchine. (...)

Pour Dora Vallier, ces lettres ont un statut à part dans les écrits de Malévitch. Elles représenteraient un non-dit , destiné à combler les vides ménagés par Malévitch lui-même dans son histoire de la genèse du suprématisme:


"Quand on les confronte , en effet, avec le texte publié, un très étrange rapport s'établit où elles prennent l'aspect du non-dit dans le texte. Non pas du refoulé, mais simplement de cette part de son parcours théorique que Malévitch n'a jamais officialisé et qui renvoie à 1913. D'où l'énigmatique décalage de deux ans qui, aujourd'hui seulement, s'éclaire. "

Pour Evgueni Kovtoune (Flammarion, p. 104):


"Par ses déclarations publiées, Malévitch provoqua une grande confusion au sujet de l'apparition du suprématisme; mais il donne en même temps les moyens d'y voir clair grâce à ses lettres peu connues et inédites. "

Les lettres à Matiouchine aideraient don à révéler les transitions qui amènenent du cubo-futurisme à l'abstraction géométrique et de 1913 à 1915:

"Que révèlent donc les lettres à Matiouchine? Tout d'abord elles expliquent en quoi consiste le point de départ du Suprématisme que Malévitch fixe en 1913. En mai 1915, alors que Matiouchine se propose de rééditer Victoire sur le soleil, Malévitch lui écrit:..."

Dora Vallier cite alors quelques extraits de la célèbre lettre à Matiouchine du 27 mai 1915 de Kountsevo.( Mnam, p. 181) (entre crochets les parties non-citées par Dora Vallier)

"Je vous serai très reconnaissant si vous mettiez, ne serait-ce que mon dessin de rideau, dans l'acte où a lieu la victoire. J'ai trouvé chez moi un projet et je le trouve maintenant très à propos pour être publié dans ce livre. [Mentionnez que j'ai écrit la mise en scène. Publions donc encore une fois ensemble. ] Ce dessin aura une grande importance en peinture. Ce qui a été fait inconsciemment donne maintenant des fruits extraordinaires."

Le passage de cette lettre à Matiouchine, repris par de nombreux commentateurs (R. Crone, L. Henderson, C. Douglas, D. Karshan, J-C Marcadé, S. Fauchereau, etc...) , devait devenir la pierre angulaire de la genèse du suprématisme. Le rideau de scène de l'acte 2 scène 5 de la Victoire sur le soleil était bien l'origine de l'abstraction chez Malévitch. et la réponse à l'énigme: "le suprématisme est apparu à Moscou en 1913".

 

Kovtoune, Flammarion, p. 105, est formel dans sa conclusion:


"De quand datent les première toiles suprématistes? Les extraits des lettres écrites en 1915 attestent qu'à cette époque le développement de la peinture non-objective était déjà amorcé. L'impulsion communiquée par les esquisses éxécutées pour la mise en scène de l'opéra eut des conséquences dans la peinture."



Le 27 mai 1915 à Kountsevo, Malévitch écrit dans sa lettre à Matiouchine (cité dans Mnam, document conservé à la Maison Pouchkine
fds 656):

"Je vous serai très reconnaissant si vous mettiez, ne serait-ce que mon dessin de rideau, dans l'acte où a lieu la victoire. (...) Ce dessin aura une grande importance en peinture. Ce qui a été fait inconsciemment donne maintenant des fruits extraordinaires."


Toujours en mai 1915 à Matiouchine (Institut de lettres russes, [IRLI] fonds 656):

"Le rideau représente un carré noir ; cet embryon de toutes les possibilités acquiert, en se développant, une force terrible. Il est l'origine (celui de qui sort la génération) du cube et de la boule, ses divisions apportent une culture étonnante à la peinture. Dans l'opéra, il a désigné le début de la victoire. Tout ce que j'ai mis, en 1913, dans votre opéra a Victoire sur le Soleil m'a apporté une foule de nouvelles choses, mais seulement personne ne l'a remarqué. J'ai rassemblé, à ce propos, beaucoup de documents qu'il serait bon d'éditer quelque part. ".


Le 15 juillet 1919, à Nemchinovka (cit é dans Vol I Andersen) cette phrase célèbre:

"Le suprématisme est apparu à Moscou en 1913"

Dans la lettre de Malévitch, Dora Vallier àa repèré particulièrement la répétition du mot "maintenant":

"Le mot "maintenant" répété deux fois, est à souligner très fort. Inconsciemment réalisé en 1913, ce dessin a porté ses fruits en 1915, autrement dit, Malévitch a consciemment saisi son importance en 1915, quand il avait déjà réalisé le Carré noir sur fond blanc."

Il est vrai qu'à cette époque, Malévitch était en pleine période alogique. En mars-avril 1915, lors de l'exposition "Tramway V", la déclaration suivante accompagnait la reproduction de ses peintures dans le catalogue (Valabrègue, p. 95):


"L'auteur ignore le contenu de ses peintures."

Il semble donc avoir fait retour sur lui-même quelques mois plus tard en retrouvant ses esquisses. "Maintenant", voudrait dire qu'avant, il n'avait pas trouvé très à propos de présenter ces esquisses, dont, comme les tableaux, l'auteur ignore le contenu. Un examen attentif de l'ensemble du texte de 1919, "Création non-objective et suprématisme dans lequel se trouve la phrase énigmatique, si souvent citée "Le suprématisme est apparu à Moscou en 1913" ne donne pas seulement la date et le lieu d'apparition du suprématisme, mais aussi une indication importante sur le lien entre l'esquisse de rideau au pan coupé et le tableau "Carré noir sur fond blanc":.

"Le plan formant un carré, a été la source du suprématisme."

La peinture non-objective de Malévitch n'est probablement pas née d'une manière abrupte,comme beaucoup de commentateurs le supposent. Elle est plutôt l'aboutissement d'un long processus de maturation de la forme, entamé en 1913, et dont l' esquisse de rideau abstraite est une des étapes. Les recherches de Kovtoune donnent une indication importante sur le développement par étapes de la non-objectivité:
Le 5 mars 1914, Malévitch nota en parlant à Matiouchine de ses oeuvres ( 5 mars 1914, Institut de lettres russes, [IRLI] fonds 656.):

"Des plans apparaissent."

Que représentent ces "plans" qui apparaissent? Un crayon sur papier des années 20 (Kunstmuseum, Bale), montre un plan fuyant intitulé par Malévitch dans une note sous le dessin: "Elément suprématiste du stade de la dissolution (Sensation du sans-objet). Dans des textes théoriques des années 20, le plan, et particulièrement ce que Malévitch appelle le "plan fuyant", prendra une place centrale, aussi bien comme caractérisation du suprématisme, que comme élément essentiel dans le processus de représentation de l'homme et sa différenciation par rapport à la nature.

".....ce "quelque chose" du monde n'existe pas. La même personne qui désire l' exprimer par la dimension a déjà créé sa multiplicité de facettes et a annihilé le monde, elle a créé un plan incliné qui est devenu un élément du multiface; les amalgames donnent naissance à deux, trois, quatre dimensions. (...) "

En 1928, dans une lettre aux rédacteurs de la revue "Architecture contemporaine qui est la deuxième source par laquelle nous savons que Malévitch datait l'apparition du suprématisme en 1913, Malévitch associe à nouveau le plan à cette naissance:


"Le suprématisme est né en 1913 (phénomène plan d'ordre statique et dynamique), teint des couleurs essentiellement noire, rouge, par la suite blanche; le suprématisme blanc est d'ailleurs apparu en 1918, lors d'une exposition (les travaux avaient été faits en 1917). A partir de 1918 commence le développement du suprématisme volumique , dont les éléments sont nés dès 1915."

Chez Malévitch, un rapport caractéristique s'établit entre le dessin et la peinture:

"Ce dessin aura une grande importance en peinture"

Une des esquisses de rideau, a été reproduite presque presqu'entièrement dans un tableau de cette période.
Il ne s'agit pas du rideau abstrait avec le carré en diagonale, mais du rideau de l'Acte deux, scène 6, figurant une espèce de maison et repris de manière plus complexe mais cependant clairement reconnaissable dans le tableau de 1913 "Instrument de musique et lampe" (Reproduit dans Marcadé, Casterman, 141, p.99). L'idée de tableau, chez Malévitch, va plus loin que l'idée de peinture. C'est un dispositif scénique, un arrangement de formes et de lumières. En novembre 1913, avant la représentation de l'Opéra, Malévitch écrivait à Chkolnik (5 nov 1913, Musée russe d'Etat, fonds 121, Unité de conserv. 41, p. 5, in: Mnam, p. 178):


"Je ne peux rester tranquille, divers tableaux de mise en scène me traversent l'esprit sans arrêt."

La description que fait Malévitch lui-même de son rideau ne parle pas d'un carré coupé en diagonale mais de la surface homogène du carré noir.
(A Matiouchine, mai 1915, Institut de lettres russes, [IRLI] fonds 656):


" Le rideau exhibe un carré noir, embryon de toutes les possibilités qui présente, lorsqu'il se déploie, une puissance terrible. Il est à l'origine du cube et de la boule, et quand il est dissocié, il véhicule une admirable culture de la peinture."

Stachelhaus (p. 102)mentionne une autre lettre de mai 1915, précédent d'après lui la lettre ci-dessue. Malévitch envoie trois dessins de rideaux de scène, dont le carré noir qu'il cite également comme tel:


"Il envoie, vraisemblablement en mai 1915, trois dessins à Matiouchine et lui joint cette lettre: "Je vous envoie trois dessins dans la forme dans lequel ils ont été faits en 1913. Trois rideaux pour la brochure. Là il y a un rideau avec un carré noir qui m'a servi pour beaucoup de choses car il représente beaucoup de matériel".

Dans les années 20, décrivait ainsi le tableau carré noir sur fond blanc dans des termes similaires(Kurlov, in Novye rubezhi, n°25, 1988, 11064).:

"Dans le carré de la toile, il y a un carré", disait Malévitch à son élève Kurlov, "dépeint avec la plus grande expressivité et selon les lois du nouvel art." Sur cette toile, Malévitch " a seulement peint un carré, parfait dans son expression, et en relation avec ses côtés; un carré n'a pas une seule ligne parallèle à la toile géométriquement correcte et ceci, en soi-même, ne répète pas le parallélisme des lignes des côtés. C'est la formule pour la loi du contraste, qui existe en art en général."

Malévitch répéta cette notion dans une note sur le dessin du Quadrangle noir exécuté pour l'édition de "Die gegenstandslose Welt" (1927):

"Premier élément suprématiste d'aspect quadrangulaire, n'ayant pas de quadrangularité géométrique exacte. Apparition en 1913. Il est l'élément de base, du développement duquel se sont produits deux nouveaux éléments voir le cercle et l'élément cruciforme."

 

 
 

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