Poupée cassée

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boum-boum...boum-boum













Je brille de mille feux













glou-glou-gloups...
          Lire c'est bon pour la santé

Elle s'appelait Malika



La vie disperse et se rétrécie trop vite parfois.
Certains n’ont pas ce droit à la vie, cette chance si on peut la qualifier ainsi.
Certains n’ont même pas le temps d’amasser des souvenirs.
Certains naissent pour mourir aussitôt.
D’autres ont quelques années de souffrances avant de partir.
Souffrances injustifiées. Délire stupide. Epreuves injustes et gratuites.

Malika, jolie poupée ! Tendre fillette. Belle jeune fille. Brunette au regard fort, puissant.
Aux sourires charmeurs et délicats. Elle n’a pas connu une enfance tranquille, une jeunesse normale.
Mais, où est la normalité dans notre monde ?
Y a-t-il vraiment une normalité ?
Rien n’aura été serein autour d'elle dans ce semblant d’existence.
J’espère que celui qui l’a prise à nous est rayonnant de joie et lui apporte le bonheur qui lui a été volé ici bas.
J’espère qu’il lui offre le double de ce qu'elle aurait dû avoir sur cette terre.
Elle le mérite plus que quiconque.
Son âme était si belle. Droite et pure. Sensible et sincère.

Malika a vécu à peine le quart d’une vie comme on la conçoit généralement. Si on peut dire cela, vivre effectivement.
Vivre ou survivre ?
Connaissant sa vie, je dirais survivre plus que vivre.
Parodie inacceptable du destin qui s’acharne.
Expériences intolérables qui détruisent toutes les beautés de la vie, y compris les plus simples.

Elle était mon amie. Avec Anna, sa mère, nous l’aimions comme d’autres coeurs ne pourront jamais aimer. Comme d’autres n’en auront jamais la moindre capacité ! Et encore moins la moindre idée !

Il y a seize ans que la route nous a privé de sa présence.
Seize longues années qu’un camion l’a fauché sur l’autoroute du malheur à l’aube de son premier bonheur.
Malheureusement le premier. Malheureusement le dernier. Son dernier été. Pas belle la vie.
Grandeur et décadence, on trouve de tout en elle. Même l’inadmissible.

Malika, des souffrances, elle en avait eu tant et tant que même avec le
recul et son absence on ne peut les compter.
Violences, humiliations, rejets, coups, viols...
Je suis incapable de tout citer et je ne le voudrais pas, ne le pourrais pas. Une marque de respect pour elle. Pour son souvenir.

Trop difficile de faire revenir ces souvenirs même seize ans après.
Trop absurde aussi et surtout. Il n’y a pas de pourquoi puisqu’il n’y a rien à comprendre. Parce que cela, ça ne peut pas se comprendre, se tolérer, s’accepter, se pardonner.
Oh non ! Pas d’indulgence pour les dictateurs. Pas de pardon pour les briseurs d’enfants. Pas de tolérance pour les voleurs de vie.

Elle avait été élevée dans un milieu trop différent des autres. Très loin de ses désirs réels de petite fille sensible. Elle avait évolué dans un monde trop éloigné. Sans droit à la parole. Seul le silence lui était accordé. Une tolérance plus qu’une autorisation. On a cherché à ancrer en elle les sentiments que certains désiraient la voir ressentir. On a voulu enraciner de force en elle les actes qu’elle devait faire sans tenir compte de sa propre personnalité. De sa propre réalité. On a voulu faire d’elle, celle qu’elle n’était pas, celle qu’elle ne devait pas être et finalement celle qu’elle n’aura jamais été.
Elle s’est battue pour ses valeurs, pour ses idées. Pour sa liberté. Pour être elle-même, rien qu’elle-même. Là était sa seule exigence.
Elle a traversé les épreuves les plus douloureuses pour rester elle-même. Elle y était parvenue.
Si elle est partie trop jeune, trop tôt, elle avait quand même gagné sa liberté.
Mais à quel prix ! Trop cher !

A quel moment a-t-elle entamé cet apprentissage d’elle-même afin de se connaître et de se reconnaître parmi ces hommes fous, entre une naissance déception, une enfance sans nom et une adolescence brisée ?
Entre le début et la fin de sa vie.
Si courte vie. Je ne saurais le dire. Mais je pense que cela s’est fait très tôt en elle.
Elle n’a pas eu le choix. Se battre ou mourir.
Pas mourir au sens propre du terme, non. Mourir à petit feu. Mourir de soumission. Mourir par soumission.
A un certain moment, tout en elle a basculé comme à l’ouverture d’une seconde paupière sur le monde. Une autre vue toute fraîche. Vision déçue. Une seconde naissance, la vraie.
Les émotions, elle s’en détournait parfois et parfois souvent, pour faire ce que d’autres espéraient la voir réaliser malgré ses refus.
Aucune objection ne lui était autorisée.
Sur quoi ou sur qui avait-elle saisi l’habitude de s’accouder à ces instants perturbateurs, de s’épauler pour alléger son coeur de petite fille perdue et éperdue dont le besoin d’amour et de tendresse étaient si fort, violent ?
Sur sa mère Anna, puis sur moi.
Mais est-ce que cela fut suffisant ? Je ne sais pas, Anna non plus.
Le doute restera là, éternellement.

Son enfance n’était pas vraiment une enfance. Son adolescence, je crois bien qu’elle s’était rompu avant même qu'elle ai pu s’y installer un instant, si court soit-il, pour y vivre un moment. Une bribe de cette expérience qui lui a été volée et lui sera désormais restée inconnue à jamais, jusque dans l’au-delà.
Autour d’elle, on l’a forcé à aller trop vite, grandir trop vite et on y est parvenu.
Il lui fallait se libérer de cette vie impossible ? A toute vitesse. Sans se retourner pour échapper à cette souffrance de chaque jour.
Souffrance qui ne ressemblait à rien. Qui ne se nomme pas.
Dans la vie, il y a trop de propos qui ne veulent rien dire.
Laissons les passer ! Abandonnons-les ! Oublions-les !
La vie ce n’est pas des mots loin de là. Mais plus souvent des maux.
La vie, c’est autre chose. Je l’ai appris avec le fil du temps.
Malika, elle, n’a pas eu le temps de l’apprendre.
Ce temps, celui qui nous accorde cette énergie et qui permet que nous soyons, nous envahit d’on ne sait ou. D’un lieu imperceptible, presque irréel, imaginaire, en tout cas invisible. Qui est pourtant bien là, bien présent en nous ou près de nous. D’une autre façon. D’une origine inconnue.

...Je l’ai vu souvent serrer les lèvres pour reprendre son souffle qui s’essoufflait comme quelqu’un qui lutte contre lui-même et contre tout, contre la vie, la colère, la rage parfois, la souffrance, le mépris, l’humiliation, l’incompréhension. Plus sûrement la souffrance.
Comme une sonde qui lui pénétrait le cœur pour mieux se voir, se comprendre, se réaliser. Et s’apercevoir pourtant qu’elle avançait continuellement dans un labyrinthe sans sortie, à contre courant. Malgré sa persévérance, son obstination.
Sur son visage de poupée de cire ancienne, je voyais se dessiner régulièrement une expression voguant entre l’indifférence affirmée, le sourire crispé, la colère déterminée ou la douleur apparente, plus fréquente, d’un cœur mille fois défait.
Ne faut-il pas toujours prendre soin de s’auto-examiner, de s’auto-analyser ? A chaque instant ? En toute chose ? Avant chaque acte plutôt qu’après ?
Si, bien sur ! C’est elle qui m’a appris cela et je crois que c’est ce qu’elle faisait souvent. Très souvent.
C’est de vivre dont dépend l’avenir, forgé par les expériences du passé qui fuit tout en demeurant présent.
Elle se trouvait sur une pente qui n’en finissait pas de descendre. Elle y glissait comme s’il y avait eu une force étrangère derrière elle, pour l’obliger à aller toujours plus vite.
Elle glissait, roulait de plus en plus vite. Cette vitesse lui faisait peur, tellement peur et ne l’a jamais abandonné jusqu’à son dernier souffle d’air saturé.
Elle me racontait souvent cette peur. J’étais le témoin de ses confidences lourdes.
Face à moi, elle se racontait brutalement, violemment, sans artifice et sans pitié.
J’ai partagé ses nuits et ses larmes dans les cages d’escaliers où nous avions peur d’être jeté à la rue quand il faisait froid.
J’ai partagé mon lit avec elle, comme on le fait avec une soeur, pour la voir se reposer et lui donner un semblant de paix pour quelques heures.
J’ai partagé ses heures froides dans les caves sombres quand elle cherchait à se cacher à tout prix, de tout et de tous.
Lorsqu’elle était exposée à une situation affreuse (comme c’était souvent le cas), que nous trouvions affreuse, qui la blessait un peu plus au fond de son être, on aurait pu croire qu’elle se bouchait les oreilles, se bandait les yeux et se détournait de tout ce qui existait au monde, près ou loin d’elle.
Plus rien n’avait alors d’importance. Y compris sa mère et moi.
L’inquiétude nous plongeait dans une profonde impuissance. Nous avions finalement compris qu’il nous fallait patienter tout en gardant un œil tendre sur elle.
Car toujours, elle finissait par nous revenir pour se raconter avec cette tristesse chaque fois plus présente dans le regard, cette culpabilité sur son visage pour nous avoir tourné le dos et cette énergie décuplée par la colère.
Mais nous l’aimions tellement. Nous ne pouvions lui en vouloir. Nous la comprenions si bien. Trop bien.
Nous ne pouvions ressentir aucune rancune à son égard.
Son vouloir lui appartenait. Ses émotions et ses sentiments aussi. Elle avait comme tout le monde, plus que tout le monde, le droit le plus légitime de s'écrouler.
De s'enfoncée dans sa peine jusqu’aux yeux, jusqu’au front, jusqu’au bout des cheveux. Jusqu’au bout de ses sentiments, de ses tourments.
Nous ne parvenions pas à la consoler, ni à l’apaiser.

Sa seule faute (si cela en est une, ce que je ne peux admettre), avait été d’être une fille.
Mais, n’est ce pas lui, le père qui détermine à l’avance le sexe de l’enfant dès la conception.
Quand Malika ressentait quelque chose d’insupportable, trop insupportable, il n’y avait alors plus qu’elle.
Elle et ce qu’elle portait et emportait dans son esprit.
Dans cette réaction, elle avait cette innocence, malgré tout, sensiblement infantile, que quelque part elle possédait encore.
Cette sorte de candeur lui permettait de discerner ce comportement comme s'accordant à son essence instinctive, à ses capacités de perceptions intimes.
Sans autres relations cependant avec ce qu’elle pouvait atteindre ou égarer, ce qui pouvait vaciller ou évoluer, se dissiper ou subsister.
La vie n’est qu’une fatalité certaine, sans pardon aucun.
Malika avait ses idées, parfois sensées, parfois déraisonnables. Des idées qui lui étaient très personnelles.
Pour elle, il n’y avait immortalité que dans le souvenir et nul part ailleurs.

Elle disait : les souvenirs, si on est capable de les accepter tels qu’ils sont et de les entretenir, alors c’est cela l’immortalité. L’éternité d’une vie c’est justement les souvenirs. Elle affirmait que si la vie avait été un jeu, elle se serait défendue d’y entrer, de toutes ses forces. Je pense qu’elle avait complètement raison.
Le présent à la place du passé. L’avenir à la place du présent…Nous n'avons qu’une vie à vivre, la notre bien précise. Etabli dès la naissance. Chacun la sienne. Et tant pis qu’elle soit belle ou non.
Mais tout cela n’était que le résultat d’un apprentissage personnel. Une sorte de préparation de l’esprit sur la voie du mieux être, du mieux faire.
Chaque expérience passée, vécue ou regardée n’est autre qu’une leçon de vie. Une vraie leçon. Plus belle que celle enseignée dans des classes aux bancs usés. Plus douloureuse aussi, souvent.
Je crois que tout lui provenait de son enfance où on avait voulu lui inculquer ce qui ne convenait pas et pas ce qui s’associait en toute lucidité à la logique de l’éducation. Tel que je la conçois, moi aujourd’hui.

Malika ne s’est pas pliée. Ne s’est jamais pliée. Elle n’était pas soumise. Ne comprenait pas la soumission sous toutes ses formes. Elle la refusait dans son intégralité, sans ambiguïté.
Elle ne comprenait pas non plus la soumission de sa mère, mais elle la respectait.

Alors entre sa mère trop soumise et un père d’une cruauté rare, dictateur affirmé, absent de son rôle de père, sans jamais d’amour, ni de tendresse parce qu’elle était une fille, Malika avait fini par s’élever en solitaire. Elle n’avait eu d’autres possibilités que d’apprendre seule et s’entourait uniquement de gens capables de l’aimer vraiment. Comme moi. De gens capables de l’aimer sans la juger. Elle avait besoin d’amours stables, d’amitiés sincères que rien n’auraient pu ébranler.
Très peu de personnes étaient en mesure de les lui fournir dans une confiance absolue.
En fait, pour être totalement honnête, avec le recul et les années passées, la maturité et l’expérience, ces leçons de vie avaient surgit trop vite dans sa toute jeune existence.
On lui avait volé les années de tendresse et d’amour complice.
Cette brûlante et tenaillante douleur qui, face à nous, la heurtait en une envie de protester, de pleurer, de crier, voir de hurler pour invariablement se taire sans pouvoir en parler, je la voyais, la décelais dans son regard humide.
Cela m’effrayait comme d’une découverte qui vous glace le sang dans des veines brûlantes et me laissait sans cesse remplie d’amertume et d’incertitude sur l’avenir.
Sur son avenir. A ce moment, j’étais loin d’imaginer qu’elle n’avait pas d’avenir.

On connaît le début en ignorant la fin. D’accord ! Mais, tout de même ! Quelle injustice !
Cette douleur, ce manque était toujours présent lorsque nous étions ensemble.
Je ne l’ai jamais connu calme et apaisée même dans nos quelques grands moments de rire et d’amusements.
De toute façon, rien ni personne n’aurait pu lui rendre la tendresse, la complicité, l’intimité évaporée du cercle familiale, dans le ciel nuageux de son enfance fanée.
En définitive, rare et précieux sont les gens à qui on peut parler dans une confiance sincère. Exceptionnels sont ceux à qui on peut tout dire sans secret.
Pour Malika j’étais là. Je lui ai peut-être évité cette épreuve là. Et même si je n'ai pas pu faire grand chose pour elle, au moins j’étais la source de quelques-uns de ses sourires et de certains de ses rires.
Je savais, d’une certaine manière, balayer quelques-uns de ses soupirs si profond fussent-ils.

"Poupée cassée" est un extrait de "Leçons de vie".



Curieux, moi ?





Dernière mise à jour : Vendredi 29 Octobre 2010


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