Les déjeuners de la PMI, acteur prioritaire de la musique

Riche année que la saison 2005-2006 pour notre association: nous avons reçu des personnalités essentielles et incontournables de la musique en France et en Europe. C’est un nouveau départ pour la PMI qui s’enrichit de contacts inédits et devient un acteur essentiel de la vie musicale internationale à travers de passionnants déjeuners et de fructueuses rencontres.
Daniel Mesguich a été notre premier invité en octobre. il nous a fait part de sa passionnante expérience de metteur en scène d’opéra en Chine. Autre metteur en scène brillant, Jean-Louis Martinoty. L’ancien patron de Garnier redevient parisien presque chaque année en montant un opéra baroque ou un Mozart au Théâtre des Champs-Elysées. il ne nous a pas caché qu’il aimerait bien qu’un directeur de théâtre fasse appel à lui pour une oeuvre lyrique moderne ou contemporaine.
Benjamin des grands chefs, le jeune Benjamin Levy s’affirme avec son orchestre Pelléas mais aussi dans les grandes maisons d’opéra comme l’Opéra de Lyon.
Trente ans à la tête de l’Orchestre national de Lille, Jean-Claude Casadesus nous a communiqué son enthousiasme inébranlable et sa passion pour cette Musique Nouvelle en Liberté, association fondée par Marcel Landowski à laquelle il donne avec Benoît Duteurtre une impulsion et un esprit de découverte particulièrement exigeants.

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> Gérard Mortier
« L’opéra moyen de communication privilégié »
par Mehdi Mahdavi

Grande première passionnante: Gérard Mortier, directeur de l’Opéra National de Paris n’a pas donné cette année de conférence de presse pour présenter sa nouvelle saison. Il a fait mieux. Il a dévoilé devant la PMI ses projets artistiques. Il a aussi parlé à cœur ouvert de ce métier de directeur d’opéra dont, de la Monnaie de Bruxelles à l’Opéra en passant par Salzbourg et la très créative RuhrTriennale de Bochum/ Gelsenkirschen, il a fait un art. Salut à l’artiste admiré autant que critiqué. Sa venue à la Taverne a fait salle comble : jamais les membres de la PMI n’avaient été aussi nombreux.

C’est par un hommage à Antoine Livio, notre ancien président, que Gérard Mortier a débuté son propos. Livio et Mortier avaient un point commun: un goût certain pour l’anticonformisme et l’insolence. Le directeur de l’Opéra national de Paris a profité des réactions violentes suscitées par les productions-phares de l’année Mozart, le Don Giovanni mis en scène par Michael Haneke et les Noces de Figaro vues par Marthaler, pour amorcer une réflexion sur l’opéra. « Le théâtre doit, dit-il, être un moyen de communication privilégié entre les différents groupes sociaux, même si l’institution tend à exclure certaines catégories de personnes et certaines œuvres ».

Gérard Mortier qui connaît bien depuis si longtemps la scène parisienne – il fut l’un des bras droit de Rolf Liebermann dans les années 70 - s’est avoué surpris du conformisme du public parisien. Et de nous prendre à témoin: « En 2006, un directeur peut-il manquer de s’interroger sur la manière de rendre perceptible le choc révolutionnaire de la première scène des Noces de Figaro ? » Puis: « Qu’en est-il de l’expression de la force métaphysique de Don Giovanni dans un monde où, dit-on, Dieu est mort ? ». Pour Gérard Mortier, les mises en scène de ces deux œuvres s’inscrivent dans la logique d’une politique artistique au didactisme revendiqué. Les solutions proposées par l’homme de théâtre, Christoph Marthaler comme par le cinéaste Michael Haneke ont certes dérouté une partie du public. Gérard Mortier s’en est étonné. Il nous a par ailleurs déclaré être très surpris par la tendance de la presse française à n’accorder qu’une place mineure à la culture, et qu’à l’intérieur de celle-ci la musique fait figure de parent pauvre, contrairement aux pays anglo-saxons qui en font une figure de pointe. De plus, en ce qui concerne l’opéra, les critiques français semblent consacrer davantage de texte à la mise en scène qu’à l’analyse de la musique.

A ceux qui lui reprochent de négliger le répertoire français, le directeur de l’Opéra de Paris répond par une saison intimement liée à l’histoire de la Grande Boutique: c’est avec un acte de La Juive de Halévy que fut inauguré le Palais Garnier, tandis que Les Troyens ouvraient l’Opéra Bastille en 1989. Mortier les remet à l’affiche pour sa troisième et avant-dernière saison. Il y ajoute Louise mise en scène par André Engel en hommage à Rolf Liebermann qui rêvait de monter ce roman musical de Gustave Charpentier. Parmi les autres moments forts de cette saison, le diptyque constitué par Le Journal d’un disparu de Janácek – nouveau jalon d’un cycle qui se poursuivra avec L’Affaire Makropoulos et La Petite Renarde rusée – et Le Château de Barbe-Bleue de Bartók, confié à la Fura dels Baus pour la réalisation scénique et à Gustav Kuhn, un fidèle des années salzbourgeoises, pour la direction d’orchestre. Celui-ci sera également dans la fosse pour les reprises de Così fan tutte et de La Clémence de Titus.

Autres point fort: une Traviata mise en scène par Christoph Marthaler, avec Christine Schäfer dans le rôle-titre.

Gérard Mortier nous dit sa peine à propos des attaques incessantes dont son chef attitré Sylvain Cambreling est victime dans la presse française. Il le connaît depuis de nombreuses années, de Bruxelles à Salzbourg. Il décide de lui renouveler sa confiance pour la prochaine saison où il dirigera trois productions majeures.

Au rythme d’une ou deux créations par an, cette saison, Da gelo a gelo de Sciarrino puis l’an prochain la très attendue Yvonne, Princesse de Bourgogne de Boesmans et Bondy, Gerard Mortier réaffirme son attachement pour la musique contemporaine, ainsi que pour les spectacles frontières, notamment avec le Temps des Gitans, punk opéra d’Emir Kusturica. Et s’il parle si peu de danse – sa passion, quand l’opéra est son métier –, c’est que nul mieux que Brigitte Lefèvre, sa directrice de la danse, ne saurait veiller sur le Ballet le plus prestigieux du monde.


"La Taverne", mardi 14 février 2006

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