Un trafic passagers du port de
Nice toujours aussi concentré sur Bastia, malgré la diversification récente des dessertes
Avec un trafic de 682 200 passagers vers la Corse en 2018 [1] selon l'Observatoire régional des transports de la Corse (ORTC), le port de Nice ne se place plus qu'en troisième position pour la desserte de l'île, loin derrière Toulon (1 392 300 passagers de et vers la Corse sur la même période) et, désormais, juste derrière Marseille (687 400 passagers), pour la première fois depuis 2013.
Le port azuréen possède pourtant un avantage géographique important pour la desserte de l'île de beauté : c'est le port français le plus proche des côtes corses (la distance la plus courte actuellement desservie, vers Ile Rousse, ne représente que 98 miles nautiques au départ de Nice). Les traversées des ferries entre Nice et la Corse sont donc plus courtes que celles assurées depuis Toulon : les plus rapides sont assurées en 4h05 en Mega Express de la Corsica Ferries, contre 5h30 minimum depuis Toulon et 10h minimum depuis Marseille à bord des ferries de la Corsica Linea. Autre atout, le positionnement géographique du port de Nice permet aussi d'assurer de nombreuses traversées de jour : c'est avantageux à la fois pour les passagers qui n'ont pas à louer une cabine et pour les compagnies, qui peuvent ainsi assurer des rotations accélérées en été. Ainsi, les jours de pointe, les Mega Express les plus rapides de la Corsica Ferries assurent, à pleine vitesse, jusqu'à 4 traversées par 24h entre Nice et la Corse.
Dès lors, historiquement, les traversées niçoises des ferries ont souvent privilégié les destinations les plus proches, c'est-à-dire celles de et vers la Haute Corse : après la Balagne, le port corse le plus proche est Bastia, situé à environ 124 miles nautiques (soit 5h de traversée en Mega Express), tandis qu'Ajaccio est un peu plus éloigné (132 miles). Ainsi, en 2018, Bastia concentre à lui seul près de 60% du trafic passagers niçois, loin devant la Balagne (21,6% pour Ile Rousse), Ajaccio (13,6%) et Porto Vecchio (6,5%). À noter que ce dernier port a, en quelque sorte, pris le relai de celui de Calvi en tant que quatrième escale Corse au départ de Nice depuis 2016. Avec près de 45 000 voyageurs sur une année mobile, Porto Vecchio représente à peu près les mêmes volumes de trafic passagers annuels avec Nice que Calvi, desservi par la Corsica Ferries jusqu'à la fermeture administrative de ce port le 12 août 2016.
Le trafic maritime Nice-Corse est en régression en 2018 pour la seconde année consécutive (-2,7% sur les neuf premiers mois de l'année, toujours selon l'ORTC) dans un contexte général de stagnation des trafics des ferries (-0,2% au global sur la Corse sur les neuf premiers mois de 2018 et, plus précisément, +0,2% sur les lignes reliant le continent français à la Corse sur cette même période). Au-delà de ses limites structurelles en termes de capacités d'accueil[2], ce recul progressif du port de Nice semble assez largement imputable à différentes décisions prises ces dernières années, pour la plupart en Corse. Il devrait s'accentuer fortement en 2019 au vu de la faiblesse de la programmation annoncée par les compagnies présentes sur la desserte continent-Corse.
Après avoir atteint leur apogée en 2010 (pour un historique plus approfondi de la desserte Nice-Corse, se reporter à cet article thématique plus ancien), avec plus de 926 400 passagers d'après l'ORTC, les liaisons maritimes Nice-Corse ont eu tendance à régresser ces dernières années. Ce recul est plus prononcé encore que celui du mode maritime en général, de plus en plus concurrencé par l'aérien. Au-delà des soubresauts qu'ont connu les compagnies présentes à Nice, cette évolution négative reflète pour beaucoup les conséquences de décisions prises en matière d'organisation de la desserte maritime de la Corse.
Tout d'abord, les années 2010-2011 marquent une vraie charnière dans l'histoire des liaisons maritimes entre Nice et la Corse avec à la fois :
- un encadrement des horaires des bateaux au port de Nice, afin de minimiser les nuisances sonores pour les riverains, le port étant situé au coeur de la vieille ville. Ainsi, le matin, les navires ne peuvent en théorie - sauf exception - arriver avant 6h du matin, ni repartir avant 7h ; le soir, ils ne peuvent arriver après 22h30, ni repartir après minuit, ce qui fait très juste en termes d'horaires pour des ferries faisant un aller-retour dans la journée depuis Nice vers Bastia ou Ajaccio. Depuis 2011, les autorités portuaires niçoises sont allées encore plus loin en réduisant drastiquement le nombre d'autorisations d'escales de navires (à 300 pour juillet-août), ce qui a entraîné mécaniquement cette année-là une réduction sensible de la desserte de la Corsica Ferries et de la SNCM et le retrait de deux navires des lignes de Corse (respectivement, les Corsica Serena Seconda et NGV Liamone II). Ce niveau de 300 escales maximum était contraignant à l'époque où les NGV assuraient de nombreuses rotations entre Nice et les différents ports de Corse et lorsque le trafic passagers du port de Toulon n'était pas aussi développé qu'aujourd'hui (voir article thématique sur ce sujet) mais ne l'est plus du tout aujourd'hui : en 2019, le prévisionnel provisoire des compagnies à fin décembre 2018 fait état de moins de 100 rotations de ferries au total sur Nice en juillet-août !
Présente à Nice depuis la saison 2016, la Moby Lines se retire de Nice à compter du mois de janvier 2019. Ici, le Moby Kiss, qui desservait en alternance ce port avec le Moby Vincent durant l'été 2018, au large de Bastia en juillet 2018 (photo : Romain Roussel).
L'année
2019 s'annonce donc comme bien morose au port de Nice, avec un
programme prévisionnel provisoire - tel que communiqué
à fin décembre par les compagnies - bien plus réduit que par le
passé. Outre le retrait de la Moby qui fait perdre de nombreuses traversées sur Nice-Bastia, la Corsica Ferries
a semble-t-il décidé de se concentrer surtout sur les
ports de Toulon et Savona pour sa desserte estivale 2019 de la
Corse. Même si des traversées supplémentaires
devraient vraisemblablement être programmées d'ici
l'été, le différentiel par rapport à 2018
est au global si élevé qu'il ne pourra être
comblé. À titre d'illustration, au cours du mois
d'août, seules 59 traversées sont programmées en
ferry de Nice vers les quatre ports Corses desservis (Bastia, Ile
Rousse, Ajaccio et Porto Vecchio), contre 131 toutes compagnies
confondues en 2018 (chiffres calés sur la
programmation commercialisée par les compagnies à fin
décembre 2018) ! L'évolution ne serait pas plus favorable
en juillet, où la réduction des rotations sur
Nice-Ajaccio et Nice-Porto Vecchio serait encore plus drastique que la relative stabilité
observée en août et où la fréquence des
rotations sur Nice-Ile Rousse serait elle aussi fortement
réduite. La perte apparaît donc au final assez
considérable, si bien que le trafic du port de Nice risque fort
de plonger en 2019 ! Même si le taux de remplissage des navires
s'améliore, le trafic annuel du port de Nice avec la Corse
pourrait potentiellement revenir à environ 500 000 passagers si
aucune capacité supplémentaire n'est
déployée d'ici là.
À titre secondaire, s'agissant de la desserte de la Sardaigne depuis le continent français, la Corsica Ferries donne là aussi la priorité au Var en 2019, avec un renforcement de la fréquence des liaisons entre Toulon et Porto Torres, tandis que celles assurées depuis Nice vers Porto Torres et vers Golfo Aranci sont plutôt en retrait. Seule petite compensation pour le port de Nice, quelques traversées sont programmées à l'été 2019 au départ de la Côte d'Azur avec la nouvelle escale sicilienne de la compagnie aux bateaux jaunes (Trapani), sans toutefois que cela puisse compenser la réduction de la desserte opérée par ailleurs...
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Note :
[1] Données en année
mobile à fin septembre 2018, c'est-à-dire sur 12 mois
cumulés, d'octobre 2017 à septembre 2018 inclus.
[2] À l'instar de Bastia, Nice ne peut accueillir qu'exceptionnellement des navires de grande taille comme le Mega Express Three, qui fait plus de 210 mètres de long, et le port, situé en pleine ville, manque de linéaires de quais et est difficilement accessible aux ferries par mauvais temps sous certaines conditions de houle. Des projets sont néanmoins à l'étude pour rescinder le poste à quai le long de la jetée du port de Nice et accueillir des navires de grande longueur. Leur réalisation, si elle est finalement actée, prendra toutefois plusieurs années.
[3] Plus précisément, aussi bien en 2016 qu'en 2017, les navires de la Moby assuraient la liaison Nice-Bastia de nuit dans le sens de plus grande affluence (c'est-à-dire, l'été - jusqu'à la mi-août - de nuit de Nice vers Bastia, puis de nuit de Bastia vers Nice jusqu'à la fin de la saison) et de jour dans l'autre sens. Les horaires de la Moby rappelaient en cela ceux des ferries de la SNCM sur Marseille-Corse, qui appliquaient traditionnellement un schéma similaire de desserte.
[4] Les horaires avec départ du continent le matin pour la Corse (en l'occurence, départ de Nice à 8h pour Bastia) et retour de Corse en milieu de journée (à 13h30 de Bastia pour Nice dans le cas de la Moby durant l'été 2018) sont généralement les horaires de jour qui rencontrent le plus grand succès commercial. Là encore, ces horaires ressemblaient à ceux pratiqués autrefois par la SNCM avec l'Esterel et le Corse, avant la mise en service des NGV en 1996 et, plus généralement, à ceux quasi-systématiquement adoptés par la Moby au départ des ports italiens vers Bastia au début des années 1990.
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